« UNE FORMATION NOUS A PERMIS DE TROUVER UN SECOND SOUFFLE »

NADINE ET JEAN-PAUL LOISY ONT POURSUIVI DANS LA VOIE INITIÉE par les parents de Jean- Paul, en transformant leur lait à la ferme. Avec une équipe de neuf salariés, ils sont arrivés à valoriser ainsi la moitié des 480 000 l produits par leurs 80 laitières. Mais la charge de travail n'était pas facile à gérer. En 2008, ils ont éprouvé le besoin de se poser pour faire le point. « Je n'avais plus de plaisir à travailler. Je courais après le temps et je me demandais si j'allais tenir jusqu'à la retraite. Il fallait prendre des décisions pour que la situation change, mais je ne savais pas lesquelles », raconte Jean-Paul.

Avec Nadine, ils ont alors décidé de suivre une formation proposée par la chambre d'agriculture de la Nièvre, intitulée « Donner un second souffle à sa vie professionnelle »

« BIEN IDENTIFIER CE QU'ON AIME ET CE QUI NOUS PÈSE »

Entre décembre 2008 et janvier 2009, en trois sessions de deux jours, ils ont revu leurs choix au sein d'un groupe animé par Marie-Solange Durand et Catherine Boiteux. « Le premier jour, nous avons dû représenter notre situation sur une feuille de papier en utilisant des objets déversés sur la table par l'animatrice. Ce n'était pas évident ! Nous avons tourné trois fois autour de la table avant de nous lancer », raconte Nadine Loisy. Mais au fil des exercices proposés, exprimer ce qu'ils vivaient et ressentaient est devenu plus facile.

« LA COMMUNICATION S'EST AMÉLIORÉE ENTRE NOUS ET AVEC NOTRE ÉQUIPE »

« J'ai identifié ce qui me pesait : les papiers à remplir, la gestion du planning, le manque d'autonomie de certains salariés qui ne me permettait pas de me libérer comme je le souhaitais. Et aussi ce qui me donnait des satisfactions : la présence de Nadine sur la ferme, la bonne ambiance dans l'équipe, le fait de créer des emplois », détaille Jean-Paul. Invité à raconter une expérience dont il était fier, il a choisi de parler de sa participation à une pièce de théâtre. « J'ai commencé à m'investir dans l'organisation, puis je suis monté sur les planches. C'était une expérience forte, où j'ai découvert que j'avais des talents que je ne connaissais pas et que je pouvais réussir dans quelque chose de nouveau », raconte-t-il.

Sur l'exploitation, Nadine et Jean-Paul avaient déjà commencé à explorer de nouvelles possibilités. « La santé du troupeau se dégradait. Les frais vétérinaires grimpaient et nous ne trouvions pas de solutions. Nous avons suivi une formation sur l'homéopathie, au cours de laquelle nous avons commencé à réfléchir à l'alimentation de nos laitières », raconte Nadine.

Mais sortir du modèle d'élevage classique n'est pas si facile. « J'entendais dire autour de moi qu'il n'était pas possible de produire du lait sans ensilage de maïs, ou que le séchage en grange était trop cher. J'avais envie de travailler autrement, mais je n'osais pas me lancer », explique Jean-Paul. C'est au cours de la formation qu'il s'est décidé. « J'ai inscrit sur une grande feuille tous les freins qui m'empêchaient d'aller vers ce je voulais. Puis deux personnes du groupe ont tenu cette feuille, que j'ai traversée en la déchirant. C'était un moment libérateur ! », se souvient-il. Ensemble, Nadine et Jean-Paul ont alors décidé de se tourner vers l'agriculture biologique

Aujourd'hui, le séchoir en grange est construit et la conversion est engagée. « Cette formation est arrivée au bon moment. Nous avons pu prendre un nouveau départ et nous projeter ensemble dans l'avenir. La communication s'est améliorée entre nous. Chacun respecte mieux ce dont l'autre a besoin. Sortir de l'exploitation, revenir et partager ce que nous avons puisé dans d'autres groupes nous aide à ouvrir de nouvelles pistes », souligne Nadine qui est engagée dans plusieurs associations. La communication s'est aussi améliorée avec les salariés. « Nous avons mis en place des entretiens individuels où ils peuvent exprimer ce qui va et ce qui ne va pas, les améliorations qu'ils souhaiteraient », précise Jean-Paul. Les tâches de chacun ont été clarifiées, des formations mises en place et, aujourd'hui, l'équipe a gagné en autonomie. « Quand nous avons besoin de nous reposer, avec Nadine, nous n'hésitons plus à prendre une semaine », relève Jean-Paul qui a retrouvé le plaisir du travail. « Les salariés le remarquent, et me disent qu'ils aiment mieux me voir sourire ! En 2008, j'avais commencé à rédiger une petite annonce pour vendre la ferme. Aujourd'hui, je ne pense même plus à la retraite, je me sens parti pour une deuxième carrière. »

FRÉDÉRIQUE ERHARD