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Érosion des sols : préserver son capital « terre »

Actions. Implanter de haies, semer des prairies, couvrir les sols, tout cela prévient les ­risques d’érosion, en particulier des sols limoneux. Des éleveurs se mobilisent.

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Coulées de terre, inondations, rivières de couleur marron, les pluies sans fin de ces six derniers mois montrent la fragilité de certains territoires. Des syndicats de bassins-versants et des agriculteurs prennent le problème de l’érosion des sols à bras-le-corps. « C’est un phénomène qui peut être insidieux », dit Marie-Christine Fort-Legrand. Conseillère à la chambre d’agriculture de la Manche, elle anime un groupe de douze éleveurs réunis dans le GIEE « Mon sol, j’en prends soin pour éviter l’érosion » créé en septembre 2015. « Dans le sud de la Manche, c’est notre cas. Sur les sols limoneux battants, l’eau s’infiltre mal. Elle entraîne la terre mais comme ils sont profonds, il en reste toujours. »

De 100 kilos à… 50 tonnes par hectare de pertes de terre

Les chiffres de perte de terre sont édifiants. Durant l’hiver 2009, sur l’exploitation du président du GIEE, Alain Quesnel (aujourd’hui à la retraite), des mesures sont réalisées dans une parcelle de 6 % de pente. « Les pertes de terre fine sur une bande en sol nu non travaillé étaient de 84 kg/ha. Sur celle avec une avoine en interculture, ce sont 4 kg/ha, soit vingt fois moins. »

De l’autre côté de la Normandie, au cœur du très fertile pays de Caux, sur le bassin-versant du Traversin (2 250 hectares de SAU), les pertes sont beaucoup plus élevées. La topographie couplée, là aussi, à un sol limoneux rend cette petite région particulièrement sensible à l’érosion. Pour le syndicat des bassins-versants de Saâne, Vienne et Scie (SBVSVS) qui intègre le Traversin, on estime que ce sont au moins 2 tonnes de limons par hectare de culture et par an qui sont perdus par ruissellement. « Ce chiffre peut facilement être multiplié par dix, voire plus, dans certains cas, avance Camille Gougeard, conseillère technique au SBVSVS. Si l’écart est très important avec le sud de la Manche, c’est que nous avons des parcelles plus grandes avec beaucoup moins de haies. »

Les ouvrages collectifs contre les écoulements ne suffisent pas. Dans le bassin-versant du Traversin (et plus largement en Seine-Maritime là où c’est nécessaire), les agriculteurs sont invités, par leurs pratiques et leurs aménagements, à participer à cette lutte. L’objectif est de favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol en amont du bassin pour en diminuer les volumes en aval. Mares, bandes enherbées, prairies, haies, fascines, etc. positionnées aux endroits stratégiques freinent et retiennent l’eau et les particules fines. Avec cinq autres collègues, c’est ce que font, entre autres, Delphine et Edgar Dumortier. Eux et le syndicat ont planté en huit ans 11 km de haies et 180 mètres de fascines sur 420 hectares, le syndicat finançant les plants et les plantations.

Couvrir tous les sols l’hiver

Les pratiques culturales ont, elles aussi, leur place dans cette prévention. C’est d’ailleurs l’axe de travail du GIEE « Mon sol, j’en prends soin pour éviter l’érosion ». « La priorité est un sol toujours couvert l’hiver, insiste Marie-Christine Fort-Legrand. Cela se conçoit avec la rotation et le système fourrager souhaités. Chez la plupart des douze producteurs engagés, cette réflexion se mène avec la volonté d’une plus grande autonomie protéique de leur élevage. »

Le couvert peut être un mélange de protéagineux d’hiver ou de céréales + protéagineux entre deux maïs, une luzerne, une féverole d’hiver pour produire de la semence comme le fait Henri Legeard.

« La simplification des itinéraires culturaux est l’autre voie que le GIEE explore. En sols limoneux, il faut limiter le travail du sol pour éviter une terre trop fine. Sinon, en cas de pluie, elle se prend en masse. L’eau s’infiltre mal et coule. » Henri Legeard, lui, ne laboure plus. Il utilise un strip-till avant de semer le maïs et un extirpateur pour le blé. Il prépare en fait sa ferme à l’agriculture de conservation.

Claire Hue

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