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« Un revenu avec 120 000 litresde lait standard »

Coûts. Avec des investissements raisonnés au minimum et des charges maîtrisées, Jérémy Tarayre arrive à dégager une marge sur une petite exploitation.

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En 2010, après un an de parrainage, Jérémy Tarayre s’est installé en reprenant l’exploitation de Roger, qui élevait 30 vaches laitières et allaitantes sur 70 ha. « Mon projet était de monter à 250 000 litres en produisant du lait à l’herbe. J’avais prévu d’investir 200 000 €. Mais la banque s’est montrée frileuse. Après en avoir discuté avec un conseiller de la chambre d’agriculture, j’ai décidé de jouer sur la maîtrise des charges plutôt que sur l’augmentation de la production, et j’ai réduit mes investissements », raconte Jérémy Tarayre.

Aujourd’hui, il ne regrette pas son choix. Il a signé un bail à ferme avec Roger pour les terres et le bâtiment, et n’a investi que 100 000 € pour racheter le troupeau, le matériel, et constituer un fonds de roulement. « J’ai ­conservé l’étable entravée de 52 places. Elle est bien isolée. Je l’ai rénovée en améliorant la ventilation, en refaisant la plomberie et en ajoutant des tapis pour le confort des vaches », détaille Jérémy. Il a renoncé à construire une salle de traite, et continue à utiliser un transfert, comme le faisait Roger. « J’ai simplement installé une pompe à vide plus puissante pour traire cinq vaches en même temps au lieu de trois. »

La holsteinisation, trop coûteuse en concentré

« Avec des annuités réduites, je ne suis pas bloqué dans un système qui me pousserait à produire toujours plus », apprécie le jeune éleveur. Pour dégager un revenu avec un petit volume, il doit conserver des coûts bas. « Au début, j’ai cherché à “holsteiniser” le troupeau pour améliorer la productivité. Je suis monté jusqu’à 7 400 l/VL. Mais je devais acheter le concentré, et avec 5 kg distribués par VL et par jour, cela ne passait pas économiquement. »

La distribution de ce concentré au seau prenait du temps. Pour la mécaniser, il fallait investir 20 000 €. « J’ai pris le problème dans l’autre sens, et j’ai réduit le concentré à 500 kg de céréales par vache et par an produites sur l’exploitation. » La production moyenne par vache est redescendue entre 4 500 et 5 500 litres, mais Jérémy arrive quand même à livrer 100 000 à 120 000 litres/an à Sodiaal. Il a évité de faire un investissement de plus, et réduit fortement ses achats.

« Je cale les lactations sur la pousse de l’herbe »

En 2016, son poste alimentation est descendu à 1 750 €, correspondant aux achats de vitamines et minéraux.

Pour alimenter ses vaches à moindre coût, il a calé la lactation sur la pousse de l’herbe. « Je groupe les vêlages en février et mars, et je sors le troupeau dès le mois de mars, en ménageant une transition avec du foin le soir », explique-t-il. À partir de mai, les vaches pâturent jour et nuit et ne rentrent à l’étable que pour les deux traites. Jérémy ne leur donne alors plus de concentré, mais seulement un peu de foin les jours où il pleut. L’été, lorsque l’herbe se fait rare, il doit distribuer à nouveau du foin et de l’enrubannage. En novembre, les vaches rentrent à l’étable. « En fin de lactation, elles reçoivent un peu d’enrubannage, du foin et 1 kg de farine par tête et par jour. »

« Ne pas dépasser le plafond du forfait »

Pour améliorer la qualité de l’herbe et ne pas avoir à donner de tourteau, le jeune éleveur a ressemé une moitié des prairies avec des mélanges contenant des trèfles, bien adaptés à ses sols acides. L’autre moitié est constituée de prairies naturelles avec une flore très diversifiée. « Les variations d’altitude et d’exposition décalent la pousse de l’herbe. En gérant finement la rotation dans les parcelles, j’ai de l’herbe au bon stade jusqu’en novembre, si le climat le permet. Surveiller la pousse de l’herbe, déplacer les vaches prend du temps, mais c’est un travail que j’aime. »

Depuis son installation, le jeune éleveur est imposé au régime du forfait, remplacé depuis 2016 par le micro-BA (la moyenne des recettes hors taxes des trois années précédentes ne doit pas dépasser 82 200 €). Avec des charges totales autour de 60 000 €, il dégage un revenu d’au moins 20 000 €. « J’ai une réserve de productivité pour m’adapter aux variations du prix du lait et maintenir ainsi mon chiffre d’affaires. Lorsque le prix du lait monte, je réduis la production pour ne pas dépasser le plafond du forfait, en tarissant plus tôt les vaches ou en passant en monotraite en fin de lactation, ce qui me permet de souffler un peu. Et lorsqu’il baisse, à l’inverse, je trais plus longtemps et je remonte la productivité en donnant une ration plus riche », explique Jérémy.

En 2016, avec un prix moyen tombé à 265 €/1000 litres, il a malgré tout réussi à dégager un revenu de 26 300 € par an. La production, de 101 200 litres en 2015, a grimpé à 121 000 litres. Pour réduire les charges, Jérémy s’est formé pour inséminer lui-même ses vaches Il a aussi supprimé le contrôle laitier et opté pour une comptabilité TVA simplifiée. « J’ai ainsi économisé 5 000 €. » Son matériel étant ancien, il a dû faire face à 14 000 € de frais de réparation au lieu de 4 000 € habituellement.

« Heureusement, le plafond du micro-BA a été relevé. Par ailleurs, les deux années précédentes, mon chiffre d’affaires était resté en dessous du plafond. J’ai ainsi pu augmenter mes ventes de lait en 2016 sans dépasser la moyenne triennale de 82 000 €. » En 2017 et 2018, il ne pourra pas pousser autant la production. « En 2017, j’ai fini des prêts. Mes annuités ont diminué de 4 000 €, ce qui va me redonner de la marge de manœuvre. »

De petitsinvestissements chaque année

S’il cherche à réduire les frais, Jérémy ne s’interdit pas pour autant d’investir. Pour faire évoluer son outil de travail, il autofinance chaque année de petites améliorations. « En 2016, par exemple, j’ai équipé l’atelier de mécanique. » En 2017, il a aménagé des points d’eau dans les prairies. « Je n’ai plus besoin de transporter de l’eau pendant l’été. C’est un gain de temps et de carburant. »

En 2018, il a investi dans un boviduc qui lui évitera d’avoir à traverser deux fois par jour la D993. « C’était dangereux. Le Conseil départemental, qui vient d’aménager cette route, a accepté de participer à l’investissement, de même que la commune. » Jérémy pourra ainsi déplacer seul son troupeau, alors qu’auparavant il devait se faire aider.

Pour adapter encore mieux son système à ses objectifs de travail et de revenu, le jeune éleveur étudie plusieurs possibilités. Avec le croisement trois voies (voir encadré), ses vaches devraient gagner en rusticité et en longévité. Il espère ainsi réduire les frais vétérinaires et le coût du renouvellement.

Pour simplifier le travail, qu’il réalise seul pour l’essentiel, Jérémy envisage aussi de mettre des prairies permanentes sur ses 70 ha. « Pour réduire l’érosion en coteau, j’ai déjà supprimé le labour. Et pour gagner du temps et éviter d’avoir à investir dans du matériel spécifique, je délègue les semis de prairies et de céréales. » Avec 100 % en prairies naturelles, il lui faudrait acheter une dizaine de tonnes de céréales par an et autant de paille. « Mais je n’aurais plus les frais de travail du sol, d’achats de semence et de semis, et je réduirais encore ma consommation de gas-oil, actuellement de 40 l/ha. »

Pour alléger le travail de traite, plus pénible avec un transfert qu’avec un quai en hauteur, Jérémy envisage aussi d’investir dans une salle de traite externe accolée à l’étable existante. « Je pourrais passer en même temps en bio, pour augmenter le prix de vente et financer cet investissement. Il me faudrait alors quitter le régime du micro-BA, et voir à quel volume de production il faudrait monter pour dégager quand même un revenu. »

Pour l’instant, rien n’est décidé. « Je ne veux pas tout bousculer. Le prochain changement sera d’aller habiter à côté de l’exploitation. Je supprimerai ainsi 2 000 € par an de frais de déplacement, et je gagnerai en souplesse dans l’organisation du travail. »

Frédérique Ehrhard
En 2016, du revenu malgré un prix du lait à 265 € les 1 000 litres
Chiffre d’affaires 90 000 € Charges opérationnelles 17 460 €
Vente de lait 32 000 € dont engrais, amendements, semences 3 200 €
Ventes d’animaux 11 500 € aliment 1 750 €
Primes 32 500 € frais vétérinaires 3 800 €
Autres produits 14 000 € Charges de structure 46 180 €
dont frais d’entretien du matériel 14 000 €
carburant 2 200 €
électricité 1 800 €
Total des charges, annuités comprises 63 640 €
Revenu disponible : 26 360 €

© Frédérique Ehrhard - Jérémy Tarayre élève 25 à 30 laitières sur 70 ha à Castelnau­Pégayrols, en Aveyron.

© F.E - Bien-être. Jérémy a rénové l’étable entravée, en améliorant la ventilation et en installant des tapis pour les vaches.F.E

© F.E. - Génisses F1. À gauche, montbéliarde x rouge, à droite, prim’holstein x rouge.F.E.

© F.E. - Foin de prairie naturelle. Jérémy le réserve pour la préparation au vêlage, car il contient de la minette, qui améliore la qualité du colostrum.

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