Elevage de génisses « Je retrouve du résultat en ajustant le renouvellement »
Stratégie. En décidant de n’élever que les génisses nécessaires et de développer le croisement industriel, Hervé Dreuslin a augmenté son résultat de 20 000 €, tout en réduisant la charge de travail.
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En 2018, Hervé Dreuslin, éleveur à Saint-Malon-sur-Mel (Ille-et-Vilaine), voyait ses résultats économiques se dégrader. Il a sollicité son conseiller Eilyps pour trouver une solution. Un audit technico-économique a été réalisé par Arnaud Frin. « L’alimentation et la conduite du troupeau étaient bonnes, se souvient-il. En revanche, le renouvellement n’était pas optimisé. » Les pertes liées à un nombre excessif de génisses ont été évaluées à 25 000 €/an. Hervé reconnaît volontiers qu’il élevait trop de génisses par rapport à ses besoins. Il utilisait des doses sexées et avait tendance à garder toutes ses femelles. Elles poussaient les vaches en rentrant dans le troupeau d’où un taux de réforme excessif. « Les bâtiments s’en trouvaient surchargés, nous étions un peu justes en fourrages et donc on ne finissait pas les vaches. On ne pouvait pas bien s’occuper de tous les animaux. » Il ajoute que cette saturation à tous les niveaux engendrait une certaine baisse de sa motivation.
Les génisses poussent les vaches vers la réforme
Effectivement, le taux d’élevage (nombre de génisses sevrées rapporté à celui des vaches) est monté jusqu’à 47 %, les vaches étaient réformées en moyenne après seulement 2,9 lactations. Pourtant, le troupeau est sain et rien n’empêche de faire des carrières plus longues. Le troupeau comptait 39 % de primipares.
À l’époque, Hervé était en Gaec avec son frère. Ils produisaient 595 000 l de lait avec 75 holsteins. L’élevage se répartissait sur deux sites distants de 5 km. Le principal, qui accueillait les vaches en production, a la particularité de se trouver dans un bourg. La surface accessible se réduit à 6 ha.
Arnaud Frin a proposé un protocole de renouvellement basé sur les besoins en génisses. L’idée est de ne faire naître que les femelles laitières nécessaires et de développer le croisement. « Les génisses présentes aujourd’hui sont issues d’inséminations réalisées il y a trois ans. C’est donc là-dessus qu’il faut d’abord jouer pour adapter l’effectif. »
Eilyps a mis au point un tableau Excel qui permet de le faire. Il suffit d’entrer les données : nombre de vaches, taux de mortalité, taux de réussite à l’IA, utilisation du sexage, etc. Il faut ensuite définir des objectifs en matière de taux de réforme, taux de primipares dans le troupeau, etc. L’outil en déduit le nombre d’inséminations à réaliser en croisement et en race laitière, pour les vaches et les génisses. L’objectif de taux d’élevage a été fixé à 31 %, soit 22 génisses laitières sevrées par an et donc 39 % des femelles inséminées en holstein. Il a été décidé d’utiliser des doses sexées sur 80 % des génisses et quelques primipares, puis une dose conventionnelle en cas d’échec et une dose de croisement en cas de troisième insémination.
Hervé a été surpris qu’on lui conseille d’inséminer 60 % des femelles en croisement. Presque une révolution pour ce passionné de génétique ! « Ça me faisait un peu peur, mais le raisonnement était cohérent, alors j’ai décidé de suivre. » Il a choisi la blanc bleu belge pour la facilité de vêlage et la valorisation des veaux. Il a génotypé ses génisses pour mieux les trier. Il estime que le coût, 38 €, est vite amorti grâce au progrès génétique.
Des génisses ont été vendues à perte
Le protocole prévoyait aussi de vendre rapidement les génisses excédentaires. L’élevage avait besoin de trésorerie. Le coût de production des génisses était évalué à 1 500 €, soit 1 800 € en incluant la main-d’œuvre. « Je les ai vendues 1 100 € en moyenne. Et toutes ne sont pas parties. À l’époque, l’export était partiellement fermé à cause de la FCO. » Son frère était déjà découragé et a décidé de quitter le Gaec. Cela a obligé Hervé à revoir sa stratégie. Robotisation ? Embauche ? Réduction de l’effectif ? Il a choisi cette troisième voie. De ce fait, l’effectif de génisses présentes aujourd’hui est un peu trop élevé. Cela n’empêche pas Hervé de tirer les bénéfices du changement de stratégie. Désormais, le besoin en génisses est évalué à 18 par an.
Logées dans de meilleures conditions et mieux suivies parce qu’elles sont moins nombreuses, les génisses poussent mieux. Hervé a retrouvé sa motivation et envisage de grouper les inséminations sur deux périodes pour avoir des lots du même âge et simplifier la conduite tout en étant plus efficace. L’âge au vêlage recule grâce à des croissances plus rapides. Ces animaux démarrent mieux leurs lactations. « J’ai plus de temps pour gérer le pâturage des génisses et je valorise mieux mon herbe. Cet été, j’ai pu faire pâturer des prairies séchantes, qui étaient grillées dès juin auparavant », souligne l’éleveur. Et, comme les primipares sont moins nombreuses, la production moyenne a remonté.
De même, grâce à la réduction d’effectif, les vaches en production ont davantage de places. Le bâtiment est conçu pour 50 têtes et, avant, il était saturé. Hervé vise désormais 60 vaches dont une dizaine de taries logées dans un autre bâtiment. De plus, il peut accueillir tout le cheptel sur le même site, et gagne du temps.
Les vêlages se passent bien, y compris pour les veaux croisés, et Hervé n’intervient quasiment jamais. Il est vrai qu’il se montre rigoureux sur la préparation des vaches. Les veaux croisés boivent bien et sont très faciles à élever. Ils ont été vendus à 165 € en moyenne, contre à peine 50 € pour les holsteins. Les calculs économiques réalisés au moment du projet se concrétisent. La situation financière d’Hervé s’est clairement améliorée. Il retrouve les 20 000 € annoncés sur son compte en banque. Désormais, il ne produira plus sa référence laitière. Il vise un haut niveau de productivité laitière et dispose d’une marge quant au volume livré.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :