Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire sont des outils pour surmonter des difficultés financières. Témoin ces trois cas concrets traités récemment par Optimes.
ETENDUES DEPUIS 1988 AUX ENTREPRISES AGRICOLES , qu'elles soient sociétaires ou individuelles, les procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire demeurent mal connues et trop souvent décriées. Pourtant, elles constituent un traitement efficace des difficultés rencontrées actuellement par les producteurs de lait. Dans tous les cas, la prévention, l'anticipation et la préparation s'imposent », estiment Claude Domenget et Guillaume Favoreu, du cabinet Optimes (www.optimes.fr), spécialisé dans le redressement des entreprises agricoles. Certes, les statistiques nationales font peur. Tous secteurs d'activité confondus, plus de 80 % des procédures ouvertes par les tribunaux aboutissent à une liquidation judiciaire (source : Deloitte-Altarès). « Notre expérience démontre néanmoins que les résultats sont très encourageants, dès lors que ces procédures sont préparées et accompagnées. Parmi les 245 entreprises en graves difficultés que nous avons épaulées en vingt ans, 191 ont bénéficié d'un redressement définitif, nuancent-ils. Ce résultat est le fruit de démarches rigoureuses fondées sur un diagnostic précis des cas, à partir duquel une stratégie de redressement spécifique est élaborée avec chaque dirigeant », déclarent-ils.
Selon Optimes, il n'y a aucune raison de redouter ces procédures judiciaires. « Trop souvent, les chefs d'exploitation ont recours à de nouveaux emprunts qui fragilisent l'avenir de l'entreprise. Cette fuite en avant conduit hélas certains à amputer leur patrimoine privé dans l'espoir de retarder la rupture financière, sans apporter de remède pérenne aux difficultés rencontrées. Pourtant, les procédures judiciaires constituent un outil de gestion efficace lorsqu'elles sont bien intégrées dans la démarche de redressement global de l'entreprise. »
JEAN-MICHEL VOCORET
AGIR À TEMPS ET VALORISER LES MESURES DE SOUTIEN
Ce que le diagnostic de la situation a mis en évidence
L'entreprise rencontre des difficultés financières en raison :
- de l'arrêt de travail d'un des associés pendant un an, en 2007 ;
- de l'effondrement du prix du lait depuis avril 2009.
Si aucune mesure n'est prise, l'EARL va basculer en état de cessation des paiements dès le 11-12-09 du fait de l'arrivée à terme d'un crédit de campagne.
LA POURSUITE D'ACTIVITÉ EST COMPROMISE SI RIEN N'EST FAIT
Décisions prises au terme du diagnostic
- Demande d'une mesure de soutien permettant de respecter les conditions d'ouverture de la sauvegarde d'ici au 11-12-09.
- Dépôt le 1-12-09 auprès du tribunal de grande instance d'une demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Déroulement de la procédure
- Convocation à l'audience de décembre 2009 au cours de laquelle le chef d'entreprise, assisté de son expert conseil, présente la situation de l'entreprise au tribunal et insiste sur la nécessité de statuer entre le 9-12-09 (date de déblocage des fonds de la mesure de soutien) et le 11-12-09 (échéance du crédit campagne qui ferait basculer en cessation des paiements).
DÉCISION DU TRIBUNAL : ouverture de la procédure de sauvegarde le 10-12-09.
Effets de l'ouverture de la procédure
Au jour du jugement
- Gel du passif au jour de l'ouverture de la procédure = véritable bol d'air .
- Arrêt des intérêts pour les contrats d'une durée inférieure à 1 an.
- Suspension des poursuites des créanciers, qui profite aux cautions personnes physiques.
Les semaines suivantes
- Rééquilibrage des relations avec les fournisseurs ;
- Gel du passif au jour du jugement d'ouverture et encaissement de la mesure de soutien permettant de renforcer le cheptel par l'achat de onze vaches en début de lactation.
- Retour d'un fonctionnement dynamique de l'entreprise et reconstitution d'un fonds de roulement (près de 100 000 € six mois après le jugement d'ouverture), gestion de l'atelier veaux de boucherie plus sereine, conditions d'achat mieux négociées.
Les perspectives
- Constitution d'un fonds de roulement important sécurisant l'avenir .
- Présentation d'un plan de redressement d'une durée inférieure aux délais légaux (quinze ans maximum), la première échéance pouvant être fixée un an après le jugement approuvant le plan. Plan profitant aux cautions personnes physiques. Restructuration de la dette en cohérence avec la rentabilité de l'activité.
L'EXPLOITATION
- Pays de la Loire
- EARL entre 2 époux, tous deux associés exploitants
- 490 000 l
- 55 vaches laitières
- 82 ha
- Atelier hors sol engraissement de veaux
ACCENTUER L'EFFET LEVIER PAR UN BON POSITIONNEMENT DE LA DATE D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE
Ce que le diagnostic de la situation a mis en évidence
- L'impasse de trésorerie est de 56 000 € : état de cessation des paiements caractérisé .
- L'endettement est disproportionné au regard de l'activité (les échéances d'emprunts représentent 250 % de l'EBE moyen des trois derniers exercices).
IL FAUT RESTRUCTURER LA DETTE ET RENFORCER LA RENTABILITÉ
Décisions prises au terme du diagnostic :
- Déclaration de cessation des paiements le 11-12-09 déposée auprès du tribunal de grande instance (demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire).
- Établissement d'un prévisionnel de trésorerie pour vérifier la capacité de l'entreprise à financer la poursuite d'activité .
- Assistance d'un avocat . Les enjeux juridiques sont importants : validité de réserve de propriété, de warrant, de cession de créance.
Déroulement de la procédure
- Le chef d'entreprise est convoqué à l'audience de janvier 2010 où, assisté de son avocat, il expose l'origine de ses difficultés et sa situation actuelle ; le prévisionnel de trésorerie et d'activité est alors remis au tribunal pour démontrer que l'entreprise est en mesure de financer la période d'observation.
DÉCISION DU TRIBUNAL : ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Effets de l'ouverture de la procédure
Au jour du jugement
- Gel du passif au jour de l'ouverture de la procédure = véritable bol d'air .
- Arrêt des intérêts pour les contrats d'une durée inférieure à 1 an.
- Suspension des poursuites des créanciers, qui profite aux cautions personnes physiques uniquement pendant la période d'observation.
Les semaines suivantes
- Du fait du gel du passif et du bon positionnement de la date d'ouverture de la procédure, trésorerie excédentaire de 30 000 € fin avril 2010 .
Les perspectives
- Trésorerie prévisionnelle au terme de la période d'observation s'élevant à 47 000 €. Constitution d'un fonds de roulement .
- Période d'observation à mettre à profit pour renforcer la rentabilité de l'activité à venir et présenter un plan de redressement dans les délais légaux (quinze ans maximum). Ce qui peut être envisagé de plusieurs manières en l'espèce : augmentation de la production, réorganisation du travail, diversification des activités.
L'EXPLOITATION
- Basse-Normandie
- Exploitation individuelle
- 370 000 l
- 55 vaches laitières
- ha
- En cours de conversion à l'agriculture biologique
SAVOIR TIRER PARTI DE L'ÉVOLUTION DE SA SITUATION AVANT L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE
Ce que le diagnostic de la situation a mis en évidence
- L'impasse de trésorerie est de 40 000 € : état de cessation des paiements caractérisé .
- Les échéances d'emprunts sont trop élevées en comparaison de la rentabilité actuelle.
IL EST INDISPENSABLE DE RESTRUCTURER LA DETTE
Décisions prises au terme du diagnostic :
- Déclaration de l'état de cessation des paiements du Gaec le 9-03-10 auprès du tribunal de grande instance (demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire).
Déroulement de la procédure
- Deux jours avant l'audience d'examen de la demande, réception d'un chèque de 20 000 €, inattendu. Accord avec un fournisseur pour un délai de paiement de sa créance. Le Gaec n'est plus en état de cessation paiements. Les conditions de la procédure de sauvegarde sont alors remplies .
- À l'audience du 20-04-10, après exposé de la situation, retrait de la déclaration de cessation des paiements et demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde remise à la présidente .
DÉCISION DU TRIBUNAL : demandes des gérants du Gaec acceptées, ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire.
Effets de l'ouverture de la procédure
Au jour du jugement
- Gel du passif au jour de l'ouverture de la procédure = véritable bol d'air .
- Arrêt des intérêts pour les contrats d'une durée inférieure à 1 an, qui profite aux cautions personnes physiques.
- Suspension des poursuites des créanciers (notamment de la banque qui avait prononcé la déchéance du terme du découvert autorisé), qui profite aux cautions personnes physiques.
Les semaines suivantes
- Rééquilibrage des relations avec les fournisseurs.
- Du fait du gel du passif, trésorerie conservée (notamment chèque de 20 000 €) permettant d'envisager la période d'observation avec sérénité.
Les perspectives
- Trésorerie prévisionnelle excédentaire de 38 000 € à fin décembre après paiement des frais de procédure. Constitution d'un fonds de roulement .
- Présentation d'un plan de redressement dans les délais légaux (quinze ans maximum, la première échéance pouvant être fixée un an après le jugement approuvant le plan), profitant aux cautions personnes physiques.
Restructuration de la dette en cohérence avec la rentabilité de l'activité.