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Gérer « En réorganisant les tâches, unbilan travail redonne un objectif »

Échanges. Didier Farfouillon, avec Laurence Ponthus de Acsel Conseil élevage : « La réalisation d’un diagnostic travail casse la routine. C’est une entrée pour parler de choses qu’on ne peut pas aborder de but en blanc. Dans les conditions économiques difficiles, ça aide à tenir. On a un objectif. » Anne Bréhier

Diagnostic. Le retrait de l’un des quatre associés avait soumis le Gaec des Perses à rude épreuve. Un bilan travail a été réalisé pour remettre à plat le fonctionnement.

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Nous sommes passés de quatre associés avec 110 vaches en 2012 à trois associés avec 130 vaches en 2015, résume Didier Farfouillon, l’un des trois membres actuels du Gaec des Perses, à Francheleins (Ain). Tant bien que mal, nous avons fait face au travail généré par les céréales et les laitières. Des apprentis, jusqu’à deux en même temps par moments, et des stagiaires nous aidaient. » En 2015, compte tenu de la conjoncture et de la trésorerie difficiles, le Gaec n’a pas renouvelé le contrat d’apprentissage qui lui coûtait 1 000 € par mois. Faute de temps disponible, le travail réalisé en entraide avec une exploitation voisine a également été réduit. Il se résume aujourd’hui à l’utilisation du pulvérisateur. L’absence des apprentis a été durement ressentie. L’après-midi, à la belle saison, ils aidaient aux cultures, ce qui libérait Didier pour les papiers ou des réunions. Des tensions sont apparues au sein du Gaec.

Un inventaire précis du temps passé à chacun des postes

Sur l’exploitation, l’existence de trois sites distants de 8 km, dont deux abritent des animaux, alourdit et complique l’organisation du travail. Alors que les vaches et les petits veaux jusqu’à 1 mois sont hébergés à Cesseins-Francheleins, là où habite Didier, les taries et les génisses de moins d’un an et demi sont élevées jusqu’à leur insémination à Saint-Étienne-sur-Chalaronne, là où vit Maurice. Les fourrages sont stockés sur les deux sites.

C’est dans ce contexte tendu qu’a été réalisé, fin 2015, un bilan travail (méthode Acsel). Épaulée par Laurence Ponthus, la conseillère élevage de l’exploitation, Cécile Pandrot d’Acsel Conseil élevage, a dressé un inventaire précis du temps passé à chacun des postes de travail. Les travaux d’astreinte (surveillance et reproduction, curage et paillage, soins aux veaux, alimentation des élèves, alimentation des vaches, traite, pâturage) ont été examinés. Tout comme les travaux de saison (troupeau, fourrages, cultures) et de comptabilité-gestion.

Avec 6 636 heures par an, dont 3 200 h dédiées à la traite et à la distribution du lait aux veaux, les travaux d’astreinte sont lourds. La salle de traite, une 2 x 5 épi avec décrochage automatique et chien électrique, est sous-équipée pour un troupeau de 130 laitières. Malgré tout, elle assure une traite efficace (une heure et demie sans nettoyage pour 110 VL) avec de bons résultats (167 000 cellules/ml). La situation de tension de l’exploitation a été confirmée. « Les temps passés aux différentes tâches correspondent globalement aux références, notent Cécile Pandrot et Laurence Ponthus. Mais la taille et le fonctionnement de l’exploitation sont établis pour quatre travailleurs à temps plein et non pas trois. Avec seulement 446 heures de temps disponible par PCB (personne de la cellule de base), il y a peu de souplesse pour faire face à un aléa de travail et accomplir des tâches non comptabilisées dans la méthode, telles que l’entretien du matériel et des bâtiments, l’organisation du travail, les réunions agricoles ou non. »

« Un climat de confiance dans les entretiens »

Le diagnostic travail a été l’occasion d’examiner le fonctionnement du Gaec et la répartition des tâches entre associés. Alors que Maurice et Didier s’occupent plus du troupeau, Yannis s’investit davantage dans les cultures. Des entretiens individuels d’une durée d’au moins deux heures ont été conduits par Cécile Pandrot, en présence de Laurence. « Elle connaît bien le Gaec et le troupeau, souligne Didier Farfouillon. Elle a contribué à créer un climat de confiance dans les entretiens. » Chacun a pu s’exprimer sur la façon dont le travail était réalisé et perçu. À l’issue de la restitution, des changements ont été apportés. La réduction du troupeau, engagée avant le bilan, a été poursuivie : une vingtaine de vaches, les plus vieilles et celles qui tapaient en salle de traite, ont été réformées. Cette décision a permis de contenir la durée de traite, effectuée dorénavant le matin par un seul trayeur au lieu de deux. Elle a aussi boosté la production des montbéliardes, moins serrées désormais dans le bâtiment. De 24 litres par vache et par jour en moyenne, la production est montée à 30 litres. Les résultats de la reproduction se sont améliorés. « Il fallait faire du lait, il était bien payé, mais l’efficacité par animal avait baissé », commente Didier.

Désormais, c’est Didier seul qui trait les vaches, le matin, avant de pailler les logettes et de soigner les veaux. C’est lui également qui s’occupe de l’administratif et de la gestion. Libéré de cette traite, Maurice s’occupe des génisses hébergées à 8 km de là. Avant de partir dans les champs, Yannis vient le matin à la stabulation pour entretenir les logettes, charger et distribuer la ration complète. Maurice et Didier se retrouvent vers 16 heures. La traite se fait à deux (Maurice et le stagiaire, ou Maurice et Didier). Yannis ne revient pas sur le site. Le travail se termine vers 18 heures. Un an plus tard, la nouvelle organisation n’est pas satisfaisante.

Le diagnostic travail a permis de mettre des mots sur les maux

« Après la nouvelle répartition des tâches, on a senti une remotivation, note Didier. Mais depuis, on s’est pris des claques avec la récolte catastro­phique des céréales et le prix du lait en berne. Les réunions du lundi, instaurées à la suite du diagnostic travail pour échanger les informations, répartir le travail de la semaine, organisées en présence de Laurence, sont de nouveau tristounettes. »

Didier a le sentiment de courir en permanence d’une tâche à l’autre et d’être noyé dans les papiers et les factures : « Le fait que Maurice ne vienne plus le matin pour traire n’est pas forcément positif. » Car il se retrouve seul sur son site à 8 km de là. Yannis arrive plus tôt le matin. C’est peut-être pénible pour lui d’enchaîner des journées de tracteur. Alors qu’on aurait pu espérer que les problèmes se règlent plus vite, on se rend compte qu’il faut remettre de nouveau les choses à plat et refaire un bilan individuel. Le diagnostic travail a permis de mettre des mots sur des maux. Mais les tempéraments des uns et des autres, leurs modes de fonctionnement, la variabilité de l’efficacité du travail entre les hommes compliquent les choses. Maurice fonctionne plutôt au jour le jour, Didier est dans l’anticipation, et Yannis très prévisionniste. Le bilan travail bute sur ces problèmes-là.

Anne Bréhier

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