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« La formation en stratégie a validé nos objectifs »

Valeurs. La liberté d’entreprendre au quotidien était déjà essentielle pour les associés du Gaec Maudouet, avant les six jours de formation. Mais avoir appris à bien formuler ce qui les motive facilite aujourd’hui leurs prises de décisions.

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Conduire une exploitation laitière est complexe car elle est au carrefour de plusieurs dimensions : technique et économique, bien sûr, mais surtout humaine. Or cette dernière, bien souvent, n’est pas assez considérée avant de décider des orientations techniques ou des investissements. Pourtant, c’est au nom de ce qui nous motive que nous agissons. « Sauf que les éleveurs laitiers sont dans une économie de mouvement. Un événement peut venir remettre en cause leurs choix », rappelle Luc Guillemine, en Gaec avec son frère Pierre-Henri. Et le producteur de prendre l’exemple de l’investissement dans un bâtiment : « Le business plan est généralement établi sur quinze ans. Mais le marché ne nous offre pas aujourd’hui une vision sur cette durée. » D’où l’importance d’identifier et de formuler ce qui est essentiel, et ce qui l’est moins. Savoir pour quoi (et bien sûr aussi pourquoi) on veut s’engager dans le développement ou la création d’une activité facilite la prise de décision.

De même, en temps de crise, connaître ses priorités aide à reconsidérer ses façons de procéder. « Nous nous sommes installés tous les deux après une activité salariée. Il est clair pour nous que notre exploitation doit dégager un revenu en phase avec la société, c’est-à-dire environ 2 000 € par mois chacun. En 2015 et 2016, nous avons, entre autres, suspendu des investissements pour garantir ce niveau », détaille Pierre-Henri Guillemine.

C’est cette réflexion sur leur cadre de référence que les deux associés ont menée il y a trois ans, au cours d’une formation de six jours, étalée de janvier à juin. Proposée par l’organisme de conseil Elvup (Orne), elle a été animée par Diagonart Conseil, et a représenté un coût de 192 € par personne, après le financement du fonds Vivea.« Elle n’a pas créé de déclic mais a validé ce que nous faisions et vivions déjà. Elle nous a permis d’analyser notre façon de fonctionner, et d’en renforcer certains aspects », analyse Pierre-Henri. Les deux frères ont établi un cadre de référence commun. « C’est important pour la relation entre associés. C’est une façon de prendre en compte les valeurs de l’autre. Avoir des valeurs différentes n’empêche pas de construire un projet qui satisfasse les deux », souligne, de son côté, Luc.

« Maîtriser notre temps de travail, pas le réduire »

La liberté est l’une des valeurs que les deux associés partagent, et qui d’ailleurs les a menés au métier d’éleveur. « Nous avons davantage les clés pour maîtriser notre destin. Nous ne sommes pas soumis au risque d’une entreprise vendue ou délocalisée, comme c’est le cas quand on est salarié », dit Pierre-Henri.

Luc, lui, parle de liberté d’entreprendre. « Après dix ans de carrière commerciale, j’avais envie d’être dans la production. Que mon travail aboutisse à quelque chose de palpable me motive. » Pas question pour eux, donc, de s’installer dans une conduite routinière de leur exploitation. « Il nous faut de la nouveauté, et une certaine forme de risque », résument-ils. De même, pas question de se retrouver enfermés dans un trop-plein de travail. « Nous ne voulons pas réduire notre temps de travail, nous voulons le maîtriser. Il ne doit ni nous empêcher de développer des activités sur la ferme ou en dehors, ni empiéter sur notre vie familiale. » Leur système de production répond à cet objectif. Avec 8 800 kg bruts par vache, obtenus avec 25 % de normandes et 75 % de holsteins, il est intensif à l’animal, sans exclure le pâturage (20 ares par vache). Les animaux, performants, limitent l’effectif du troupeau et donc le travail nécessaire pour livrer leurs 600 000 litres. La mise à l’herbe, elle, casse la routine.

Ce souhait de liberté est-il vraiment compatible avec la production laitière, qui exige une présence sept jours sur sept ? « Oui, répondent-ils, car entre les astreintes du matin et du soir, nous disposons d’une plage horaire organisée à notre guise. C’est aussi pour cette raison que nous sommes en Gaec. Être associé apporte de la souplesse. »

« Une concrétisation par la méthanisation collective et le lin textile »

Leur engagement dans la méthanisation collective (24 exploitations) rentre dans les cases de ce « cahier des charges ». Lancé en 2010, le projet a abouti à la mise en route du méthaniseur en juin 2019. « Nous ne nous sommes pas engagés dans la foulée de la formation, mais elle a confirmé notre envie de participer. » Les cases « liberté d’entreprendre » et « nouveauté » y sont cochées. « Le projet était conçu sur de l’injection de biogaz dans le réseau. Ce n’était pas autorisé, à l’époque. Aujourd’hui, nous le faisons. C’est une belle aventure », se réjouit Pierre-Henri.

La case « maîtrise du temps » est également cochée : Luc et Pierre-Henri ne siègent ni dans le bureau de la société Méthan’gri, ni au conseil d’administration. Ils préfèrent assurer des missions précises, par exemple l’organisation de chantiers d’entretien de l’unité, l’animation d’un groupement d’achats de semences de Cive, etc. « La prise de participation à hauteur de 50 000 € contribue certes à développer l’activité du Gaec et à conforter notre revenu, mais dans ce projet, elle n’est pas notre motivation principale.La formation a fait émerger une deuxième valeur primordiale à nos yeux : l’ouverture à notre environnement, aussi bien économique qu’humain. Elle va avec la loyauté. Méthan’gri répond à cette attente. » La culture de 11 ha de lin textile aussi. Elle est inhabituelle dans le département de l’Orne. Il y a deux ans, une coopérative du Calvados avait besoin d’un approvisionnement supplémentaire. Les associés ont saisi cette opportunité.

Cette volonté d’ouverture dépasse même, aujourd’hui, les frontières du Gaec puisque les deux frères ont pris des responsabilités dans des associations locales.

Claire Hue

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