UNE INTOXICATION AU PLOMB À LAQUELLE IL FALLAIT PENSER
Les intoxications au plomb ne sont pas si banales que cela. Les centres de toxicologie vétérinaire les connaissent bien.
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A L'AUTOMNE DERNIER, MON COLLÈGUE EST APPELÉ SUR UN CAS PEU BANAL : une petite jersiaise d'environ 80 kg présente des troubles nerveux. Il constate que la génisse ne voit plus, pousse au mur, refuse de baisser la tête, ne mange plus et ne boit plus. Sa température est de 39°C et son état est alarmant. Ses chances de survie sont faibles. Ces symptômes sont le signe d'une encéphalite ou une d'une encéphalo-méningite, mais à quoi serait-elle due? Plusieurs maladies peuvent donner des symptômes similaires et il n'est pas simple de remonter à l'origine du problème.
SEPTICÉMIE, LISTÉRIOSE OU NÉCROSE DU CORTEX SONT ÉCARTÉES
La première maladie envisagée est la conséquence d'une septicémie due à Escherichia coli ou Streptococcus. En général, on rencontre ces symptômes sur des veaux dans leur premier mois de vie ou s'il y a une autre pathologie permettant l'introduction du germe pathogène (plaie, pneumonie…). Ce n'est pas le cas de notre petite jersiaise. Elle a cinq mois et était en pleine forme jusque-là.
La deuxième maladie rencontrée fréquemment est la listériose. Il s'agit d'une pathologie d'origine bactérienne qu'on rencontre principalement dans les troupeaux nourris avec de l'ensilage mal conservé. La jersiaise n'est pas sevrée, mange du foin et des céréales. L'hypothèse de la listériose est peu probable.
La troisième maladie est la nécrose du cortex cérébral, dont les symptômes sont secondaires à une carence en vitamines B1. Cette pathologie est souvent présente quand les animaux ont une ration riche en aliments hautement fermentescibles, que le ruminant se trouve en acidose ruminale et que la flore ne peut plus synthétiser de vitamine B1. Dans cet élevage, on pouvait y penser car les animaux sont plutôt grassement nourris. Le traitement consiste alors en l'administration de vitamine B1 à haute dose en intraveineuse. Si l'animal est traité en début d‘évolution, la rémission des symptômes est rapide et le bovin récupère vite. Mais, là encore, fausse route.
UN TRAITEMENT À BASE DE CHÉLATEURS
La quatrième hypothèse, une intoxication au plomb, sera la bonne. Dans le cas suivi, c'est la barrière dont la peinture était tout écaillée qui a mis le vétérinaire sur la piste. Lorsqu'il demande à l'éleveur si la jeune génisse avait pu consommer du plomb, ce dernier lui indique qu'elle est « toujours en train de lécher la barrière en question, qu'elle va même jusqu'à racler la peinture qui est peut-être au plomb ».
Une prise de sang est réalisée et un traitement à base de chélateurs commandé à la pharmacie est administré. Celui-ci consiste en une injection toutes les 4 heures pendant un jour, puis toutes les 8 heures.
Au bout de 8 heures, la génisse commence déjà à aller mieux. Au bout d'une journée, elle remange et, en quelques jours, est complètement rétablie. Les résultats de la prise de sang confirmeront une plombémie élevée. Les animaux n'avaient pas de pierre à sel à leur disposition, ce qui a certainement aggravé le comportement de léchage de l'animal.
Ce genre d'intoxication n'est pas rare. Les centres de toxicologie vétérinaire le connaissent bien. Les sources de contamination sont multiples : vieille peinture au plomb, antirouille ou encore batterie usagée. Le traitement est très coûteux (200 euros les 100 kg) et pratiquement impossible à mettre en oeuvre sur des animaux lourds.
L'intoxication au plomb n'est pas rare. Vieille peinture, antirouille ou encore batterie usagée sont des sources de contamination qu'il faut absolument éliminer. © CLAUDIUS THIRIET
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