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MORTELLARO, LE PROTOCOLE DÉPEND DU TAUX D'INFECTION

CINDY JOUVE, VÉTÉRINAIRE DANS LE PAS-DE-CALAIS

Au-delà de 10 % d'animaux atteints, la maîtrise de la Mortellaro passe par une désinfection collective, associée à des traitements locaux.

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LES APPELS POUR DES BOITERIES constituent une part importante de nos interventions en clientèle. Encore récemment, j'ai reçu un appel pour une vache holstein atteinte d'une boiterie modérée du membre postérieur droit depuis quelques jours. L'examen en cage de contention mettait alors en évidence une lésion « en peau de fraise » à l'arrière des onglons, typique de la dermatite digitée, ou maladie de Mortellaro (voir photos). Cette pathologie a été introduite récemment dans le troupeau, à la suite de l'achat de vaches porteuses de tréponèmes, les principales bactéries responsables de la maladie.

UN TRAITEMENT LOCALISÉ AVEC OU SANS PANSEMENT

Face à ce problème, plusieurs pistes de traitement sont envisageables. Si moins de 10 % des vaches sont atteintes et/ou si moins de 25 % ont des pieds sales et si à travers son organisation, l'éleveur a la capacité de détecter précocement les lésions, on peut se limiter à des traitements individuels.

Cette prise en charge individualisée repose sur un traitement précoce des lésions de stade M1, M2 et M4-1. Le traitement par voie générale est souvent inutile. Il vaut mieux lui préférer un traitement local en pulvérisation, avec une solution désinfectante (à base de zinc et de cuivre chélatés, d'aloe vera et d'alcool) ou une bombe aérosol contenant des antibiotiques, appliquée directement sur la lésion en salle de traite, pendant plusieurs traites consécutives (au minimum quatre). À chaque passage, il est possible de notifier les traitements réalisés à l'aide d'un trait de couleur sur le canon, pour assurer le suivi lorsque plusieurs personnes participent à la traite. Lorsque les lésions sont sévères, le traitement local peut être appliqué sous un pansement. Celui-ci pourra être réalisé à la faveur d'un parage et laissé en place pendant trois à quatre jours. On utilisera par exemple un gel, toujours à base de zinc et de cuivre chélatés, ou d'aloe vera et d'alcool. Puis à J+3 et J+7, ce badigeon sera réappliqué localement mais, cette fois, sans pansement. S'il n'y a pas de guérison après dix jours de traitement local, il est indispensable de lever le pied de l'animal traité.

DIMINUER LES BACTÉRIES PAR LE PÉDILUVE OU LA PULVÉRISATION

En revanche, et c'est la situation la plus fréquente, lorsqu'un grand nombre de vaches est atteint dans le troupeau, si la majorité des pattes sont sales ou si une détection précoce n'est pas assurée, il faut passer par des traitements collectifs, associés à des traitements individuels pour les lésions les plus graves.

En pulvérisation sur tous les animaux ou en pédiluve, les traitements collectifs visent à réduire la pression bactérienne, à gérer les affections précoces et chroniques, les lésions sans boiteries ainsi qu'à diminuer le nombre de traitements individuels. Le pédiluve doit être suffisamment long et large pour qu'une vache puisse y tremper ses quatre pieds en même temps et le bain renouvelé tous les 100 à 120 passages pour ne pas devenir un bouillon de culture. Dans l'idéal, il faut prévoir un rythme de quatre passages consécutifs (quatre traites) tous les quinze jours pendant la période à risque (hiver) si le troupeau est peu atteint (prévalence inf à 10-15 %). Si le troupeau est très atteint, on ira jusqu'à deux fois quatre passages consécutifs par semaine, tous les quinze jours. Il existe des pédiluves à base de produits secs tout aussi efficaces, à condition de mettre suffisamment de produit, c'est-à-dire jusqu'à la hauteur des ergots. Composés de fleurs de chaux à 40 %, ils sont moins coûteux et non polluants, donc utilisables pour certains en agriculture biologique.

Les traitements collectifs par pulvérisation au cornadis sont aussi efficaces que le pédiluve, à condition d'être suffisamment fréquents : un traitement pendant deux jours, espacés de quatre jours, tous les quinze jours, pendant six mois et surtout sur des pieds propres ! Des produits en pulvérisation à base de bactéries lactiques apparaissent sur le marché. L'objectif est de prendre la place des tréponèmes avant que celles-ci ne s'installent. Cela pourrait donc être intéressant, en particulier dans le traitement préventif des primipares ou des vaches encore indemnes. Par ailleurs, il existe aussi des systèmes à base de mousse pulvérisée sur le quai de traite ou dans l'aire d'attente. Mais quelle que soit la méthode de traitement choisie, plus le pied sera propre avant et après le traitement, plus celui-ci sera efficace.

ATTENTION AUX RISQUES DE RECHUTE SUR LES LÉSIONS INSTALLÉES

Le respect de ces recommandations offre un bon taux de guérison, mais le risque de rechute est important avec des lésions installées de longue date. En effet, le traitement local est efficace en superficie, mais a du mal à atteindre les lésions profondes. Il est donc indispensable d'effectuer des parages réguliers. Le parage permet non seulement de détecter précocement les lésions, mais aussi de les traiter individuellement et de suivre l'évolution de la maladie au sein du troupeau : à cette occasion, il faut s'assurer que les vaches saines ne s'infectent pas et que celles qui présentaient des lésions de stade M1 n'évoluent pas vers un stade M2 ou M4. Le critère de guérison étant l'apparition d'une lésion de stade M3 (cicatrisation) puis M0 (peau saine).

S'il n'existe pas, pour l'instant, de moyens d'éradiquer la maladie de Mortellaro, il est néanmoins possible de la contrôler efficacement. Cela demande rigueur et précocité dans la détection et les traitements. Ensuite, la propreté des pattes reste l'un des éléments fondamentaux de maîtrise de la maladie. Le simple fait de nettoyer très régulièrement les pattes lors du passage en salle de traite, à l'aide d'une douchette, par exemple, ou avec un système automatisé, à la sortie, permet de limiter les recrudescences de la maladie et la fréquence des traitements individuels comme collectifs. Le principe est de décoller la gangue de bouse qui se forme autour du pied, créant un environnement anaérobie favorable aux tréponèmes. Il faut éviter les jets à haute pression qui agressent la barrière cutanée et attendre que les vaches soient branchées pour ne pas contaminer les manchons avec des projections de bouses.

L'efficacité du traitement individuel exige une intervention précoce, idéalement au stade M1 (sup à 2 cm). Pour rappel (voir « L'Éleveur laitier » n° 243), M2 est le stade aigu de la maladie (> 2 cm), M3, la phase de cicatrisation, M4, la forme chronique et M4-1, la réactivation de cette forme chronique.

© NICOLAS GAUDOUT

Une astuce vue dans le Nord : un bâton équipé d'un rétroviseur et d'une lampe de vélo pour la détection des lésions à l'arrière du sabot sur le quai de traite.

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