GTE Trouver les bons indicateurs économiques pour décider
Est-ce pertinent de réaliser une GTE en élevage laitier ? Quels chiffres faut-il regarder et comment doit-on se situer ? Le BTPL vous donne quelques indicateurs pour y voir plus clair dans la gestion technico-économique de votre troupeau.
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De nombreux éleveurs réalisent une gestion technico-économique (GTE) de leurs productions. Cette approche est plus compliquée en production laitière. L’approche coûts des fourrages est plus délicate et les cycles de production sont longs. Avec un atelier volaille de chair par exemple, les calculs sont beaucoup plus simples pour mesurer les entrées et les sorties. Mais sans GTE, difficile d’obtenir des indicateurs pour décider.
Les chiffres du réseau Ecolait
Les chiffres présentés sont issus du réseau Ecolait (BTPL), de 2020 et hors production en agriculture biologique. Les éleveurs du réseau ont produit 800 090 l de lait, avec 90 vaches sur 85 ha de SFP (162ha de SAU). La main d’œuvre lait est de 1,9 UMO, dont 0,6 salarié. La marge brute est de 232 €/1 000 l, 2 010 €/vache et 97 540 €/UMO lait.
Nous retrouvons les écarts plaine/montagne. Les exploitations en zone de plaine sont plus intensives : + 100 000 l par exploitation, - 30 ha de SFP, mais au final la marge brute par unité de main d’œuvre est équivalente. Les aides compensent l’effet de la zone géographique à moindre potentiel.
Montages et zones intermediaires | Plaine | |
Lait produit | 721 927 l | 822 093 l |
Main d'œuvre lait | 1,9 UMO | 1,9 UMO |
SFP lait | 108 ha | 78 ha |
Produit lait | 354 €/1 000 l | 351 €/1 000 l |
Produit viande | 46 €/1 000 l | 34 €/1 000 l |
Concentrés vaches | 74 €/1 000 l | 74 €/1 000 l |
Frais d'élevage | 48 €/1 000 l | 43 €/1 000 l |
Marge brute | 251 €/1 000 l | 227 €/1 000 l |
Marge brute/UMO | 93 492 €/UMO totales lait | 98 679 €/UMO totales lait |
352 €/1 000 l, c’est le prix moyen du lait perçu en 2020, toutes primes confondues. L’effet année est défavorable, - 7 à - 8 €/1000 l par rapport à 2019. Les plus-values taux sont proches entre zones géographiques (+ 18 €/1 000 l en montagne et + 14 €/1 000 l en plaine).
Parmi les charges, le coût alimentaire des vaches est évidemment le principal poste, et celui avec le plus de variabilité. La part des concentrés est de 74 €/1000 l. Les frais d’élevage augmentent. Nous observons des écarts importants entre exploitations, +/- 20 €/1 000 l.
Les marges se situent à 227 €/1 000 l en plaine, 251 €/1 000 l en montagne. Ramenées à l’unité de main d’œuvre, les marges se resserrent : 98 600 €/UMO en plaine et 93 500 €/UMO en montagne.
Sur les concentrés, l’effet conjoncture est limité en 2020. Depuis 9 mois, le prix des protéines s’est envolé. Aujourd’hui, il s’est stabilisé légèrement au-dessus de 400 €/t pour du tourteau de soja livré fin 2021. Le surcoût est de l’ordre + 60 à 70 €/t. Dans des productions de lait spécifique, alimentation non OGM par exemple, ce surcoût est encore plus marqué. Même si les cotations tendent vers un marché plus favorable pour les utilisateurs de tourteaux. Sur l’année civile 2021, cette hausse des cours va impacter les charges de 10 à 15 €/1 000 l. Ce chiffre cumule les surcoûts correcteur, aliment de production et concentré génisse. Dans des systèmes très économes en concentrés azotés, la hausse se limite à 5 €/1 000 l.
Dans l’approche GTE Ecolait, les minéraux, le bicarbonate ou propylène glycol et les autres additifs, sont intégrés au coût de concentrés. Le coût des fourrages est calculé avec les charges opérationnelles, les frais de récoltes et les charges de structures liés à la culture, (semis, fermage…). Ces coûts fourragers sont plus élevés que les données comptables, de 20 à 25 €/1 000 l (selon les rendements fourragers et la production par vache).
Quel repère pour situer son coût alimentaire ?
3-3,3 €/vache en système intensif :
En système intensif maïs, viser 2 €/vache de coût de concentré et 3,3 €/vache de coût de ration est déjà un bon objectif, ou 65 €/1 000 l en concentrés et 110 €/1 000 l de ration (90 €/1 000 l avec calcul centre comptable). La stratégie passe par la production par vache. La marge à la vache est le bon indicateur, 6,5 €/vache/jour. Avec le prix élevé des correcteurs cette année, le coût augmente de 0,3 €/vache ou 8 à 10 €/1 000 l et atteint 2,3 €/vache ou 70-75 € (avec par exemple 4 kg de correcteur à 400 €/tonne et 2 kg d’aliment de production à 330 €/tonne).
90-100 €/1 000 l en système plus économe :
En système plus économe, avec ou sans herbe pâturée, l’objectif est d’équilibrer la ration en visant moins de 100 €/1000 litres en coût alimentaire (80 €/1 000 l avec calcul centre comptable), dont 40-45 € pour le concentré. La marge à la vache a moins d’intérêt dans ce système. En équilibrant la ration à l’auge, les économies possibles sont à réaliser sur l’aliment de production, en particulier au-delà de 100-120 jours de lactation.
Attention à la lecture des chiffres, la productivité de la main d’œuvre est une composante du résultat économique. La charge de travail n’est pas intégrée dans les chiffres ci-dessus. L’objectif est bien de trouver le compromis propre à chaque élevage.
Interpréter ses résultats
Dans l’exemple ci-dessous, la marge alimentaire passe de 249 à 241 €/1 000 l entre octobre et novembre (les coûts fourragers sont calculés selon la méthode BTPL), mais progresse de 0,2 €/vache/jour. L’interprétation des résultats dépend du contexte de l’élevage – la référence est-elle limitante ? L’effectif vaches est-il contraignant ? Perdre un peu en marge aux 1 000 l pour gagner en marge à la vache et à l’échelle de la structure, peut s’avérer intéressant, l’inverse aussi. À chacun sa stratégie !
La marge brute est un indicateur parmi d’autres. Pour apprécier la pertinence économique de l’atelier laitier, il faut aller jusqu’au coût de production ou au prix d’équilibre, avec les charges de structures et la rémunération des associés. Le prix d’équilibre traduit le prix du lait à percevoir pour couvrir toutes les charges courantes (hors amortissements), les annuités et les prélèvements privés des associés.
Montagne | Plaine | |
Mécanisation hors amortissement (€/1 000 l) | 53 | 45 |
Annuités matériel (€/1 000 l) | 29 | 31 |
Annuités bâtiments (€/1 000 l) | 30 | 26 |
EBE lait (avec rémun. terres en propriétés) (€/1 000 l) | 136 | 131 |
Prix d'équilibre avec rémun. MO fixée (€/1 000 l) | 360 | 345 |
Vaches/UMO | 46 | 56 |
Sur les charges de structure, hors amortissements, il y a peu d’écart. Avec une main d’œuvre fixée à 2 Smic par associé, le prix d’équilibre est de 352 €/1 000 l. Les valeurs oscillent de moins de 250 €/1 000 l à plus de 400 €/1 000 l, avec une moyenne de 345 €/1 000 l en plaine et 360 €/1 000 l en montagne.
Si nous voulons aller un peu plus dans le détail, en regardant les élevages en zone de plaine répartis en 3 groupes selon la marge brute pour 1 000 l, en retirant les situations extrêmes :
Groupe 1 | Groupe 2 | Groupe 3 | |
Marge brute (€/1 000 l) | 193 | 228 | 268 |
Mécanisation hors amort. (€/1 000 l) | 44 | 44 | 42 |
Annuités matériel (€/1 000 l) | 31 | 30 | 33 |
Annuités bâtiments (€/1 000 l) | 25 | 28 | 28 |
EBE lait (avec rém. terres en propr) (€/1 000 l) | 92 | 126 | 169 |
Prix d'équilibre avec rémun. MO fixée (€/1 000 l) | 374 | 346 | 319 |
Vaches/UMO | 55 | 53 | 58 |
Litrage/UMO | 458 579 | 435 220 | 402 872 |
L’écart de marge brute est de 75 €/1 000 l entre le groupe 1 et 3, classé selon leur marge brute/1 000 l. Les écarts s’expliquent par la qualité du lait 10 €/1 000 l, le produit cheptel 10 €/1 000 l et les charges alimentaires, 30 €/1 000 l pour les vaches et 5 €/1 000 l pour les génisses. Les prix d’équilibre se resserrent, via le volume produit par UMO.
Inutile de redire que chaque exploitation est différente. Toutes les stratégies de production ont leur pertinence. Prendre un seul chiffre est souvent trompeur. Réaliser une vraie GTE est intéressante pour connaître ses chiffres, afin d’ajuster sa stratégie.
Bien entendu, pour faire évoluer ces résultats, le premier point concerne le prix du lait. Mais sans avoir la possibilité de maîtriser le prix de base, difficile d’agir. Sur les autres en revanche, chacun peut intervenir et choisir la bonne stratégie – celle qui lui correspond et correspond au contexte de son exploitation.
Pourquoi faire une GTE en groupe ?
- Se motiver, en échangeant avec un groupe pour évaluer ses réussites et pistes de travail. En situant ses propres chiffres vis-à-vis d’autres éleveurs, cela donne de la valeur au temps passé.
- Poser des chiffres, pour raisonner non pas en charges mais en marge. La marge sur coût alimentaire par exemple intègre le coût des fourrages et des concentrés, ramenée à la vache ou aux 1 000 l, mais aussi la valorisation des taux et la qualité du lait. Si 5 €/1 000 l de plus, en coût alimentaire, se traduisent par + 10 €/1 000 l avec la valorisation des taux, ce n’est plus un coût mais un investissement.
- Valoriser la production par vache. Quel que soit le système, + 1 l/VL/j pour 80 vaches, ce sont 29 000 litres livrés en plus et + 7 000 € de marge... Ça vaut le coup de regarder de plus près, la qualité des fourrages récoltés, la conduite des taries et prépa-vêlages, l’effectif de génisses de renouvellement ou la bonne gestion du concentré.
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