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Race des massifs Un terroir, une race, un fromage

Anne-Marie et Florent Campello. "Au-delà de ses qualités, le choix de la vosgienne c'est aussi le plaisir de voir une belle vache évoluer dans ses montagnes."

En zone de montagne, Florent Campello s’est appuyé sur les qualités de rusticité et de mixité de la race vosgienne pour bâtir un système d’élevage pastoral associé à la vente directe.

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Dans le massif des Vosges, plus précisément dans la vallée de Munster, l’exploitation de Florent Campello (EARL du Rothenbach, à Mittlach dans le Haut-Rhin) est l’exemple d’un authentique système pastoral fondé sur le pâturage et la mise en estive du troupeau laitier de race locale. En effet, dès son installation en 2011, l’éleveur a fait le pari de réintroduire dans son troupeau la race vosgienne. Il compte aujourd’hui un effectif de 35 à 40 vaches laitières, toutes vosgiennes. L’aptitude à la marche de ces animaux sur des membres solides, avec des sabots à corne noire et dure, a permis de reprendre la pratique de la transhumance à pied : chaque année au printemps, tout le troupeau et sa suite monte en estive à 1 200 mètres d’altitude, où il valorise une centaine d’hectares de pâtures avant de redescendre dans la vallée. « Le site d’estive est à 15 km, l’équivalent de quatre heures de marche pour lesquelles nous ne manquons jamais d’un coup de main bénévole d’habitants de la vallée, mais aussi de curieux venant parfois de beaucoup plus loin pour partager ce moment. Il ne s’agit pas pour autant de folklore, mais bien d’aller chercher par le pâturage une herbe de qualité dans une logique d’élevage économe et autonome, explique l’éleveur. Cette particularité implique d’avoir un second site en altitude, avec les installations nécessaires à la transformation fromagère et un logement où ma compagne et mes trois enfants me rejoignent pendant les vacances scolaires. Il s’agit de deux pièces accessibles uniquement en 4 x 4 où nous menons une vie simple qui nous convient. »

Jusqu’à 35 kg de lait en début de lactation

Dans ce système, tous les produits de l’exploitation sont commercialisés en vente directe : 60 % au magasin à la ferme, plus les livraisons et les expéditions jusque dans quelques crémeries parisiennes et lyonnaises. Cela représente quelque 180 000 litres de lait transformés quotidiennement en une gamme diversifiée allant du beurre et de la tomme fraîche, aux meules de 35 kg affinées six mois, en passant bien sûr par le munster AOP. Avec son épouse, fromagère à plein temps à la ferme, et un salarié, Florent commercialise également de la viande de réformes finies en caissette, de la charcuterie, du lapin et de l’agneau d’herbe. Seuls les veaux mâles sont écoulés en filière conventionnelle.

Pour assurer la régularité des fabrications, les vêlages sont étalés. La mise à la reproduction se fait par insémination, avec une priorité sur les taux pour la fromageabilité du lait. Les retours sont assurés au pâturage par un taureau (1,4 paillette/vache). Florent, également président de l’OS Vosgienne, peut s’appuyer sur un schéma de sélection, géré en partenariat avec Elitest, qui propose une quarantaine de taureaux au catalogue et des doses sexées. Race locale, la vosgienne a pu en effet bénéficier très tôt des apports de la génomique pour progresser dans la fiabilité des index. Un axe de travail important porte sur la persistance laitière. Car, si dans le cadre d’une conduite herbagère, certaines vaches affichent des niveaux de production plus qu’honorables de 35 kg de lait en début de lactation, elles peuvent chuter rapidement en lait après quarante jours de gestation. « L’enjeu consiste à poursuivre le progrès génétique sur les performances laitières, tout en gardant à l’esprit que la vosgienne doit rester avant tout une race mixte. » Ici, les aptitudes bouchères et le persillé de la viande constituent un vrai argument commercial dans le cadre de la vente directe.

Une alimentation 100 % au pâturage de mai à octobre

Pendant les six mois d’hivernage, dans une stabulation à logettes, l’alimentation du troupeau se compose de foin séché en grange, complété par 2 à 3 kg de concentré de production en début de lactation. C’est en 2015 que l’éleveur a investi 400 000 € dans le séchage du foin (avec une subvention de 100 000 € de la Région) pour combiner autonomie et qualité fourragères. « En remplacement de l’enrubannage, ce fourrage a eu un effet très positif sur la qualité de nos fromages. » La mise à l’herbe intervient au plus tôt le 1er mai. Le troupeau va d’abord pâturer une dizaine de jours dans la vallée, le temps d’assurer une transition alimentaire avant la transhumance et une alimentation 100 % herbe pâturée jusqu’au mois d’octobre. La montée en estive permet de consacrer à proximité des bâtiments un bloc de 30 ha pour la fauche.

Hivernage. Dans le contexte du massif vosgien, le troupeau passe six mois à l'étable avec une alimentation à base de foin séché en grange. (© J. Pezon)

En estive, le second site d’exploitation est situé au cœur d’un bloc de 40 ha d’herbe divisé en six parcelles réservées aux laitières. Après un déprimage rapide pendant quarante-cinq jours environ, les laitières vont tourner sur ces parcelles, dont une dizaine d’hectares sont fauchés début juillet avant de réintégrer le cycle de pâturage au mois d’août, offrant ainsi des repousses jeunes de qualité au moment où les primipares intègrent le troupeau. L’âge au premier vêlage est programmé à 3 ans. Mais la vosgienne compense cette moindre précocité par une indéniable longévité : l’âge moyen du troupeau est de 8,5 ans. En altitude, les génisses et la troupe de brebis exploitent les parcelles les plus éloignées du site où les fabrications restent quotidiennes.

Transhumance. La mise en estive sur 40 à 45 ha d'herbe assure une alimentation sans fourrages complémentaires de mai à octobre. (© J. Pezon)

Un EBE en retrait malgré des pratiques autonomes

La pousse de l’herbe d’altitude assure l’alimentation des animaux sans fourrage complémentaire jusqu’à la redescente programmée chaque année à la Saint-Michel, le 29 septembre. En bas, les vaches pâtureront encore une quinzaine de jours avant leur rentrée à l’étable. Ainsi, le troupeau affiche une moyenne de près de 5 300 litres de lait, avec seulement 680 kg de concentré par vache.

La vente directe autorise une valorisation du lait à hauteur de 2 000 €/ 1 000 litres, soit un EBE couramment compris entre 90 000 et 100 000 € avec deux salariés équivalent temps plein. Sauf en 2023 où l’EBE est descendu à 55 000 € sous l’effet de la hausse des charges externes (coût de l’énergie, achat de céréales et d’aliments, entretien du matériel…). « La chute du résultat est symptomatique de la situation de crise de l’agriculture et de l’élevage en particulier, parent pauvre de la politique agricole », soupire Florent.

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