PRIM'HOLSTEIN : LA RÉVOLUTION GÉNOMIQUE SE POURSUIT
En moins de dix ans, la génomique a profondément modifié la sélection des troupeaux. Comme prévu, le progrès génétique a accéléré. En parallèle, le génotypage des femelles et le sexage ont explosé. Et les coûts des schémas tendent à augmenter.
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LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA SÉLECTION HOLSTEIN SE SONT RETROUVÉS à Angers le 22 octobre, à l'invitation de Prim'hosltein France et de Allice. Une journée pour mesurer les changements survenus depuis l'avènement de la génomique, en 2009.
Cette révolution est intervenue alors que le détricotage de la loi sur l'élevage conduisait les organisations à s'interroger sur leur dimension et leur rôle. Tandis que l'ouverture à la concurrence modifiait elle aussi le contexte dans lequel elles évoluent. Le monde de la sélection en sort transformé en profondeur. Et ce n'est pas fini.
30 000 GÉNISSES ONT ÉTÉ GÉNOTYPÉES L'AN DERNIER
Les premiers constats de changement concernent les pratiques des éleveurs. Aujourd'hui en race holstein, 70 % des IAP sont réalisées avec des taureaux génomiques. Près de 30 000 génisses ont été génotypées l'an dernier et ce nombre ne cesse de croître. 37 % des génisses sont inséminées avec des doses sexées. Les éleveurs se sont donc approprié les nouveaux outils à leur disposition. Il n'empêche que la proportion des inséminations réalisées avec des taureaux génomiques semble avoir atteint un palier.
Cet engouement des éleveurs est sans doute lié à l'évolution de l'offre. Les taureaux génomiques se sont imposés dans les catalogues. Confiantes dans cette technologie, les entreprises ont poussé à leur utilisation. L'Institut de l'élevage a montré la forte corrélation entre les index génomiques des femelles et leurs performances de production (lait, taux). On retrouve cette relation avec les index fonctionnels. Ce rapport est moindre pour certains caractères, telle la locomotion, pour lesquels le milieu a une forte influence. Le niveau moyen des taureaux proposés progresse plus vite. L'accent a été mis sur la morphologie, le TP et les fonctionnels. Le progrès est plus lent sur le lait et le TB. Si l'on compare les taureaux de 2014 à ceux de 2004, on remarque qu'ils possèdent, en moyenne, 75 points d'Isu ou 27 points d'Inel de plus. La différence dépasse 2,5 en morphologie, elle est proche de 2 en cellules et de 1,5 en reproduction. Mais l'écart n'est que de 555 kg en lait. Sur le terrain, le progrès accompli dépend des choix de taureaux réalisés par les éleveurs (voir infographie). Ils ont efficacement travaillé les fonctionnels et la morphologie, surtout la mamelle et la capacité corporelle, puis les membres.
« DES PROGRÈS CONTINUS SUR LES FONCTIONNELS »
La progression des fonctionnels s'est accentuée depuis 2010 grâce à la génomique. Mais le gain sur le potentiel laitier et le TB a ralenti. Soulignons que les éleveurs du nord de l'Europe ont accéléré sur le potentiel laitier depuis 2010, pour se préparer à la fin des quotas.
Sur la base des dernières IA réalisées, on peut prévoir les évolutions du progrès génétique des troupeaux d'ici à 2020. Le potentiel laitier ne gagnera que 30 kg/an, contre 100 kg en moyenne depuis vingt ans. Mais « les progrès continus réalisés sur les fonctionnels devraient se voir de plus en plus concrètement dans les troupeaux », selon Pascale Le Mézec, spécialiste des programmes de sélection en races laitières à l'Idele.
Ces constats amènent à s'interroger sur la composition de l'Isu. Doit-on maintenir le poids des fonctionnels ? Ne faut-il pas donner plus d'importance aux membres et moins à la capacité corporelle ? N'est-il pas judicieux de rebooster le potentiel laitier ? Autant de questions qui seront débattues dans les mois à venir. Mais l'impact de la génomique va bien au-delà de la sélection des troupeaux. Cette révolution a entraîné une perte de repères. Les taureaux sont de plus en plus nombreux et tournent de plus en plus vite. Qui peut encore s'y retrouver sans son ordinateur ? Perdus dans les catalogues, beaucoup d'éleveurs délèguent les accouplements.
LA PAILLETTE DEVIENT UN INTRANT COMME UN AUTRE
Le star system, qui mettait sur le devant de la scène des taureaux que tout le monde connaissait, a presque disparu. Cette connaissance des taureaux et cette capacité à gérer les accouplements donnaient au métier une dimension supplémentaire qui s'est un peu perdue avec la génomique. La paillette tend à devenir un intrant comme un autre.
La rapidité de la montée en puissance de la génomique a aussi engendré une certaine suspicion. Les évolutions méthodologiques ont été nombreuses, laissant penser que la technologie n'était pas au point. La création génétique s'est éloignée des éleveurs.
Les évolutions sont majeures aussi pour les entreprises de sélection. Leur activité a changé d'échelle. Car la génomique a besoin d'une base de taureaux de référence d'autant plus fiable qu'elle est étendue. Ceci a conduit plusieurs entreprises en Europe, pourtant concurrentes, à travailler ensemble au sein d'Eurogenomics. Et elles s'interrogent aujourd'hui sur l'opportunité de créer un index de synthèse européen. Il pourrait contrebalancer la toute puissance du TPI américain.
Le coût de la technologie (voir encadré) est également lourd d'implication. Il doit s'amortir sur la vente de doses. Or, les taureaux sont plus nombreux, font des carrières plus courtes, ce qui rend leur rentabilité aléatoire. « La majorité des taureaux ne produit que 3 000 doses », précise Laurent Schibler, responsable du développement et de l'innovation pour Allice. Les entreprises ont plus que jamais besoin d'exporter, ce qui nécessite des moyens et donc une certaine taille. La concurrence se durcit. De même, les entreprises ont bien conscience du fait que l'histoire de la génomique ne fait que commencer. Bien des voies restent à explorer, et les éleveurs vont en bénéficier. Les États-Unis viennent de sortir un index « efficacité alimentaire ».
BIENTÔT D'AUTRES INDEX
Même si les acteurs français restent dubitatifs sur sa fiabilité, il donne le ton des orientations à venir. Partout, les chercheurs travaillent sur l'élaboration de critères de santé. En jeu, l'amélioration de la résistance des animaux, une moindre utilisation d'antibiotiques, et une meilleure rentabilité pour l'éleveur. Dans les cartons aussi, des idées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour mettre au point ces nouveaux index, les entreprises ont besoin d'informations. Au-delà du contrôle de performance, les données issues des outils de monitoring ou des robots les intéressent. Le prochain règlement zootechnique européen, attendu pour 2016, va rebattre les cartes des missions des organismes d'élevage. L'accès aux données va devenir crucial. Et les éleveurs auront leur mot à dire car ils en sont propriétaires. Les évolutions vont donc se poursuivre.
PASCALE LE CANN
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