PACS DE RAISON AVEC UMOTEST POUR LA COMTOISE MS

En situation économique structurellement délicate à la suite de son officialisation. Montbéliarde Sélection s'est résolu à un partenariat. Objectifs : accroître son activité et accéder à la génomique, outil devenu incontournable pour rester dans le jeu

DANS LE MICROCOSME MONTBÉLIARD, il y a longtemps eu un monde de la sélection officielle et un univers parallèle : Umotest et Jura-Bétail d'un côté, la Comtoise MS (Montbéliarde Sélection) de l'autre. Ce schéma de sélection initié par Émile Richème, directeur « démissionné » de Jura- Bétail en 1978, a perduré plus de trente ans dans l'illégalité de la loi de l'élevage de 1966 et du monopole de l'insémination artificielle. Fort de 150 à 170 élevages du Jura et du Doubs, il testait cinq à dix taureaux par an, pour environ 21 000 IAP.

UN DOUBLE DÉFI À RELEVER POUR RESTER DANS LE JEU

L'histoire des MS aurait pu s'arrêter fin 2008 s'ils n'avaient pas « saisi » l'opportunité de la rénovation du dispositif génétique français (fruit de la loi d'orientation agricole de 2006) pour rentrer dans le rang.

C'était cela ou disparaître. Mais cette officialisation avait des coûts nouveaux : enregistrement officiel des IA, pointage par l'OS montbéliarde (et plus les seuls techniciens MS). Plus lourds encore à digérer pour cette structure légère, ceux liés à la production et au stockage de semences aux normes européennes. Pour rester dans le vert, MS espérait développer son activité d'au moins 10 %.

C'était sans compter sur la sortie très décevante des index officiels de ses géniteurs. Le premier MS du top racial, Ecu MS, n'est que 237e à 121 d'Isu, et le plus laitier, Urgent MS, 564e à 307 kg. Les indéniables atouts de la génétique MS en matière de variabilité génétique et de morphologie (puissance dans l'avant-main, dimensions de bassin, musculature…) sont donc restés transparents. Résultat: une baisse d'IAP dans sa zone historique franc-comtoise, juste compensée par une progression en Auvergne et dans l'Ouest, mais à des coûts commerciaux plus importants.

C'est ainsi que la situation financière s'est dégradée, obligeant les MS à agir pour continuer d'exister avec un double défi : comment augmenter le nombre d'IAP et ainsi accroître le chiffre d'affaires, mais aussi la base femelles ? Comment accéder à un coût raisonnable à la génomique, outil devenu incontournable pour rester dans le jeu ? Seule issue : nouer un partenariat avec une entreprise de sélection ayant pignon sur rue, celle de la génomique. Trois ont été contactées(1) : Umotest, Jura-Bétail et Gènes Diffusion. La dernière n'a pas donné suite. Restait à choisir entre les deux montbéliardes. L'AG extraordinaire de l'association des éleveurs MS, réunie le 30 mars 2012, a approuvé par 85 % des voix l'option Umotest retenue par ses élus.

INDÉPENDANCE DES DEUX SCHÉMAS PRÉSERVÉE

Quelles sont les principales modalités de ce projet avancé de partenariat qui reste à caler sur le plan juridique et que les MS espèrent gagnant-gagnant ? Il s'agit d'un contrat pour cinq ans renouvelables.

Les deux schémas resteront indépendants, chacun s'engageant à ne pas utiliser la voie mâle de l'autre sur deux générations. Les MS pourront travailler sur des filles d'Urbaniste (non contractées dans le schéma Umotest), mais pas tester des fils ou des petits-fils d'Urbaniste sur leurs mères à taureaux. Umotest s'engage à diffuser un volume minimum de doses MS sur sa zone. Cet engagement ne concernera que des taureaux MS génotypés.

Pour l'export, tout transitera via Coopex, en contrepartie d'une retombée sur le chiffre d'affaires. Concernant la mise en place, les MS ne garderont que deux inséminateurs dans le Jura (6 000 IAP). Ailleurs, elle se fera via les coops Umotest. C'est ainsi que l'inséminateur MS officiant dans le Doubs devrait (s'il accepte) devenir Genia'Test. Les éleveurs IPE (IA par l'éleveur) pourront continuer de s'approvisionner en direct avec MS ou passer par les coops de leur secteur.

En revanche, pour les vétérinaires travaillant de longue date avec MS, ils ne pourront plus lui acheter de doses en direct.

J.-M. VOCORET

(1) Un contact sans suite avait aussi été pris avec les Eleveurs Libres de Franche-Comté, structure n'ayant pas, à ce jour, accès à la génomique.

« LE TYPE MS IDÉAL POUR DU LAIT AOC COMTÉ »

Ce n'est pas par hasard que l'exploitation de Christophe Cathenoz porte le nom d'EARL de la Comtoise. La montbéliarde version MS, Christophe est tombé dedans tout petit. Son père, auquel il a succédé, a vécu en première ligne la scission houleuse avec la coopérative d'insémination artificielle du Jura à la fin des années soixante-dix. Il est de ceux qui alors, dans le Jura et le Doubs, ont suivi Émile Richème, le père du testage sur descendance, sur le chemin de la sélection linéaire et de la Comtoise MLS. Christophe s'est aussi beaucoup impliqué dans cette entreprise de sélection qui, pendant près de trente ans, a bravé le monopole de l'IA de la loi sur l'élevage de 1966 et n'est rentré dans le rang qu'à la fin 2008. Il a fait partie, de 1997 à 2001, des actionnaires de la structure quand elle est devenue SARL au départ d'Émile Richème (Comtoise MLS est, depuis juin 2010, une association d'éleveurs).

Pas étonnant donc que depuis trois ans, Christophe soit resté fidèle à la Comtoise MLS quand d'autres, déçus du niveau d'indexation laitière désormais officiel des taureaux MS, étaient tentés d'inséminer avec du Jura- Bétail ou de l'Umotest.

« BESOIN D'UN ANIMAL QUI GARDE DE LA RUSTICITÉ »

« Il ne m'est jamais venu à l'esprit de travailler avec autre chose que la génétique MS, pour la simple raison que le type de vache sélectionné correspond à ce que j'ai toujours recherché pour mon système d'exploitation. J'ai besoin d'une laitière avec une mamelle qui dure dans le temps, des trayons “tip top” et de bons aplombs. Mais aussi d'un animal qui garde de la rusticité et donc de l'aptitude viande. Umotest et Jura-Bétail ont trop cherché à courir derrière la holstein. Je reproche à leurs animaux d'un type laitier des bassins insuffisamment dimensionnés et pas assez inclinés. Ils manquent aussi d'éclatement dans leur avant-main et de conformation bouchère, gages d'une rusticité que la génétique MS a toujours su préserver. Les vaches Umotest ou Jura-Bétail bien plantées sur leurs pattes avant, avec un dessus large et une bonne musculature comme je les recherche, sont devenues rares.

Mais force est de constater que les choses semblent commencer à se corriger. » Habitué des expositions génétiques et des concours, l'homme aime voir ce qui se fait ailleurs.

Les 70 ha qu'exploite Christophe Cathenoz à Plasnes, sur le premier plateau du Jura, sont dédiés à 100 % à l'élevage : production de lait à comté (250 000 l livrés), vente de vaches en lait et de veaux de lait. Classiquement, dans ce secteur herbager, toutes les génisses nées sont élevées et vêlées, soit 45 à 50 vêlages par an avec 35 laitières. Un tiers des vaches et génisses sont vendues pour l'élevage, le reste pour la viande mais sans être finies, disponibilité en surface pâturable oblige. Poids moyen de ces réformes sur les deux derniers exercices : 320 kg. Finies, elles atteindraient aisément 350 à 400 kg de carcasse, une performance commune pour des montbéliardes de type MS, que les maquignons franc comtois affectionnent particulièrement. Cette aptitude viande se retrouve sur la quinzaine de veaux de lait tout autant appréciés du boucher qui les achète.

Elle transparaît enfin dans le prix des veaux de quinze jours. « Depuis cet automne, tous sont partis ou presque à 150 à200 €/tête », note Christophe, non sans reconnaître volontiers qu'il est habitué à surveiller les vêlages… Vêler de « gros veaux » a ses contraintes.

Il s'étonne encore du niveau génétique loin du top Isu et lait racial des taureaux MS qu'ils utilisent sans restriction. Cet hiver, il a même utilisé du Timonier à - 800 kg, il est vrai sur des supports au potentiel assuré. « Je n'ai franchement pas l'impression de traire plus de vaches que mes voisins à quota égal », note-t-il, sourire aux lèvres.

7 560 KG DE LAIT PAR VL À 37,6 DE TB ET 32,4 DE TP

Son troupeau tourne, pour les trois derniers exercices du contrôle laitier, à 7 560 kg de moyenne à 37,6 de TB et 32,4 de TP. Ce niveau de production le place parmi les bons troupeaux MS. Il est d'autant plus remarquable qu'il est le fait d'un troupeau plutôt jeune avec un rang de lactation de 2,6… La vente de vaches en lait explique cela. Niveau de vêlage des adultes : 32,1 kg, celui des génisses vêlées à 33 mois de moyenne : 25,6 kg. Là aussi, ces performances placent le troupeau au-dessus de la moyenne de son groupe au contrôle laitier de 83 élevages en foin traditionnel (moyenne de 28,9 kg en multipares, 21,8 kg en génisses).

« Mais, avec quelle quantité de concentrés ? », se demanderont ceux qui veulent une montbéliarde à la génétique laitière plus affirmée. Avec 1 750 kg d'aliment par vache, comme l'atteste le récent contrôle pour le respect du cahier des charges de l'AOC comté. Là encore, la performance de 230 g de concentrés/kg de lait est enviable. Il est vrai aussi que Christophe Cathenoz sait soigner son troupeau mené tout l'hiver au foin-regain et produire du lait d'abord avec du fourrage. Chaque balle ronde est étiquetée, histoire de pouvoir trouver à tout moment le foin suffisamment fibreux et appétent qui complétera le regain distribué. Ici, les vaches ne manquent jamais de fourrage au cornadis. Les 37 ha en première coupe et 30 ha en deuxième fournissent largement de quoi bien faire : 140 t de foin, 50 t de regain. Le concentré est distribué en salle de traite.

1,4 IA/IA FÉCONDANTE SUR VACHE, 1,2 SUR GÉNISSE

« La recherche d'animaux aux type et potentiel laitiers toujours plus marqués m'interroge en système AOC comté où les quantités de concentrés sont limitées à 1 800 kg/VL. Dans ces conditions, comment faire durer et se reproduire normalement une vache à 50 kg de lait ? Pour ma part, je préfère des animaux un peu moins laitiers, avec une aptitude viande plus marquée et qui ne poseront pas de souci de reproduction. » Les résultats du troupeau aux deux dernières campagnes d'IA parlent pour Christophe. Taux de réussite en première IA : 68 % sur les adultes, 87 % en génisses avec un nombre d'IA/IA fécondante respectif de 1,4 et 1,2. Christophe ne court pas non plus après la précocité laitière. Témoin, l'âge moyen au vêlage : 33 mois. Il n'y en a que quatre par an, les plus « belles » nées en début de saison en août-septembre qui sont poussées pour mettre bas entre 26 et 30 mois.

« Ma génisse idéale est celle qui fait une première lactation autour de 6 500 kg, pour monter ensuite doucement au fil des lactations et durer. Ce n'est pas celle qui fait 8 000 kg ou plus au premier veau, car ce n'est pas celle qui progressera le plus ensuite. » Le potentiel laitier ne vient d'ailleurs ici qu'en seconde position des priorités de sélection derrière les qualités de mamelle. « Entre une génisse à 30 kg de lait avec un pis moyen et une à 25 kg avec une mamelle sans faille, je n'ai aucune hésitation.

Je préfère la moins productive. » Les résultats économiques de l'EARL confortent Christophe dans ses convictions. « Sans parler de la limite de 1 800 kg de concentrés par VL, pas besoin de vaches à 50 kg de lait pour gagner sa vie comme producteur de lait en AOC comté. » En 2010, dernière année connue, l'EARL a sorti, avec un prix du lait à 420 €/1 000 l, un EBE de 52 000 € pour un chiffre d'affaires de 155 000 €, soit près de 200 €/1 000 l produits… une performance qui laisse encore toutefois des marges de progrès.

Une grande attention apportée aux aplombs Christophe est très vigilant sur la qualité des aplombs ; et pour cause, en période de pâturage le troupeau marche jusqu'à un kilomètre par jour pour accéder à certaines parcelles.

Plus de dix ans et toujours dans le coup. Le troupeau compte encore deux « S » nées en 2001, à l'instar de Société en septième lactation. Voilà le type de vache vieillissant bien, avec un pis qui « encaisse » les lactations, qu'affectionne Christophe. D'après lui, elle en est à plus de 18 l par jour de vie.

PACS DE RAISON AVEC UMOTEST POUR LA COMTOISE MS

UN DOUBLE DÉFI À RELEVER POUR RESTER DANS LE JEU

INDÉPENDANCE DES DEUX SCHÉMAS PRÉSERVÉE

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