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Les bénéfices du croisement se confirment

Expérimentation. Les premiers résultats des vaches croisées de troisième génération révèlent leur nette supériorité en matière de reproduction et d’efficacité alimentaire.

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Enseignant chercheur à l’université du Minnesota (États-Unis), Les Hansen dresse un constat accablant de la sélection conduite en race holstein depuis trente ans. « D’une part, l’accent mis sur le lait, la taille et le caractère laitier dégrade la fertilité et la santé. D’autre part, le taux de consanguinité des troupeaux ne cesse d’augmenter. Il atteint 7,5 % en moyenne aux USA. » Le seuil de 6,5 %, reconnu comme critique, est donc largement dépassé. Et la croissance de ce taux s’accélère depuis l’utilisation des taureaux génomiques. Or, la consanguinité pénalise elle aussi la fertilité, la santé et la longévité des animaux. Ses effets ne se voient pas sur la morphologie ou la production, ce qui explique peut-être l’absence de réaction. « Aux USA, la jersiaise et les croisées progressent au détriment de la holstein, ce qui montre bien que les éleveurs cherchent des solutions », souligne Les Hansen.

Croiser avec trois races

Pour lui, l’option la plus efficace consiste à recourir au croisement. « Cela permet d’introduire de nouveaux gènes de races complémentaires sur les caractères de rusticité qui manquent aujourd’hui à la holstein. De plus, les animaux croisés sont plus résistants que la moyenne de leurs parents. Cet effet d’hétérosis est maximal sur la première génération. » Pour démontrer l’intérêt du croisement, Les Hansen a d’abord travaillé sur le nombre et le type de races à utiliser. Dans l’optique de maximiser l’effet d’hétérosis à chaque génération et de fixer les caractères intéressants de chaque race, il préconise un croisement à trois voies en utilisant la holstein, la rouge suédoise et la montbéliarde. Ce schéma dénommé Procross est aujourd’hui commercialisé par la société du même nom.

Depuis dix ans, Les Hansen mène une expérience grandeur nature sur huit troupeaux américains (plus de 10 000 vaches impliquées au total) pratiquant le croisement selon cette méthode. Tous ont conservé au moins 250 vaches holsteins afin de pouvoir comparer. Démarrée il y a dix ans, cette expérience arrive à son terme. L’analyse des résultats n’est pas terminée mais pour la première fois, Les Hansen a commencé à distiller les quelques données sur les croisées de troisième génération à l’occasion d’une conférence organisée par Procross au Portugal, en juillet.

Les tendances observées sur les croisées de deuxième génération (holstein x montbéliarde ou holstein x viking) se confirment. Ces vaches produisent autant de matière utile que les holsteins pures (voir infographie). Les quatrièmes lactations en donnent même 29 kg de plus, une différence significative.

Un mois gagné sur l’intervalle vêlage – insémination fécondante

Les croisées se reproduisent mieux et cet avantage s’accroît avec le temps. Dès la deuxième lactation, on gagne un mois sur l’intervalle entre le vêlage et l’insémination fécondante. « Dans tous ces troupeaux, nous veillons à limiter la consanguinité sur les holsteins », précise Les Hansen. Les coûts de santé sont calculés pour toutes les lactations d’au moins 305 jours. Ils incluent la période du tarissement. Là encore, l’écart est à l’avantage des croisées. En moyenne, la différence atteint 27 % pour les troisièmes générations (24 % pour la deuxième génération).

L’optimisation du rationnement à l’étude

La cerise sur le gâteau est venue d’un autre essai visant à évaluer l’efficacité alimentaire d’animaux croisés ou holsteins (voir L’Éleveur laitier, mai 2018, page 64). En raison du coût des opérations, il a été conduit sur la ferme expérimentale de l’université avec 200 vaches (50 % holsteins, 50 % croisées de quatrième génération) durant les 150 premiers jours de lactation. Si les poids des vaches des deux lots sont comparables, les holsteins ont une ossature plus puissante et les croisées affichent des notes d’état supérieures.

En moyenne, les croisées ingèrent 6,5 % de matière sèche de moins, un écart significatif. Et si elles produisent moins de lait en volume, elles sont au niveau des holsteins en matière utile. Plusieurs méthodes ont été utilisées pour évaluer l’efficacité alimentaire : rapport entre la matière utile ou le lait standard et l’ingestion de matière sèche, rapport entre le poids vif et l’ingestion, calcul de l’ingestion résiduelle (différence entre l’ingestion réelle et les besoins calculés). Toutes ont montré la supériorité des croisées sur ce critère.

Sur les exploitations impliquées dans l’essai, les vaches sont nourries de la même manière, en ration complète, quelle que soit leur race. Mais les éleveurs ont remarqué que les croisées ont moins de besoins et voudraient changer leur ration. « Il s’agit d’une nouvelle piste de travail que nous allons explorer afin de définir le meilleur rationnement possible pour les animaux croisés », détaille Les Hansen.

L’intérêt économique du croisement semble donc évident. « Le bénéfice vient surtout des gains en santé et reproduction. » L’analyse de la totalité des informations collectées prendra plusieurs mois. Les croisées seront comparées aux holsteins sur le plan de la production totale durant la carrière, les prix des veaux et des réformes, les coûts de santé à l’échelle de la carrière ou encore le coût alimentaire. Tout cela permettra d’évaluer le niveau de profit (ou de perte) par vache sur une carrière. Ce profit (ou cette perte) sera également calculé par jour. On saura alors avec précision ce qu’un éleveur laitier peut attendre concrètement du croisement.

Pascale Le Cann

© P.L.C. - Les Hansen, chercheur américain, travaille sur le croisement depuis plus de dix ans à l’université du Minnesota, aux États-Unis.P.L.C.

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