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Identifier la bonne vache pour le bon système

Génétique. Les éleveurs bio ou en mode de production économe explorent davantage la diversité des races pour atteindre leurs objectifs. La rénovation de l’Isu des races mixtes apporte de nouveaux outils adaptés à ces systèmes.

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La restitution des résultats du programme GenAB, conduit dans un partenariat entre l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), Idele et l’Agence bio, contribue à mieux connaître les choix génétiques des éleveurs bio. L’enjeu est de les comprendre et de réfléchir à de nouveaux indicateurs adaptés à la bio et aux systèmes bas intrants. Cette collaboration a d’abord permis de croiser les bases de données pour caractériser les élevages bio.

Des écarts de performances liés aux pratiques

Sans surprises, la quantité de lait produite par les 58 000 vaches bio inscrites au contrôle laitier est plus modeste : 5 463 kg de lait/VL en 305 jours, à 31,1 de TP, contre 7 288 kg à 31,7 de TP en système conventionnel. La différence est variable selon les races (de - 15 à - 20 %).

« De - 300 kg/VL en race vosgienne à -1 700 kg en holstein », précise Antoine Roinsard, de l’Itab. Les données d’abattage (Normabev) vont dans le même sens. Par rapport au conventionnel, c’est - 20 kg de poids de carcasse pour les races montbéliarde et holstein et - 30 kg pour les normandes ; une conformation un peu plus basse (en montbéliarde, une note de 3,8 contre 4,1) et des carcasses à peine moins grasses (note d’engraissement de 2,2 contre 2,4). « Ces écarts de performances sont surtout dus aux conditions de milieu, car les potentiels génétiques à l’intérieur d’une même race sont très proches pour ces caractères. » La variation de production liée au niveau génétique est comprise entre - 70 kg et - 100 kg de lait, alors que l’effet troupeau explique - 1 100 kg à - 2 200 kg d’écart, « surtout en raison de pratiques alimentaires plus économes ».

La bio remet en cause le choix de la race

À l’intérieur d’une race, les bio et les conventionnels font quasi les mêmes choix de reproducteurs : des taureaux à peine moins laitiers (+ 530 contre + 570 kg de lait), avec un peu plus de taux et des index fonctionnels semblables. « Bio ou non, les éleveurs de holsteins­ font globalement les mêmes choix », indique Pascale Le Mezec, de l’Institut de l’élevage. Concernant la conduite de la reproduction, la saisonnalité est la même (70 % de vêlage étalés) et il y a un peu plus de monte naturelle : 72 % des femelles sont inséminées (81 % en conventionnel).

Pour s’adapter à la conduite bio, les éleveurs misent donc sur la diversité des races  et le recours au croisement : on dénombre 40 % de troupeaux multiraces et 10 % des effectifs sont issus de croisements laitiers. « Les éleveurs recherchent la complémentarité de races aux aptitudes très différentes. C’est un moyen d’avancer plus vite sur certains critères, plutôt que de travailler à l’intérieur d’une race, explique Pascale Le Mezec. Si l’on veut une holstein qui fait du lait, de la viande et un veau par an avec une alimentation peu énergétique, il vaut mieux partir sur d’autres races » (voir ci-contre). Pour autant, avec 40 % des effectifs, la holstein est encore très présente. « Telle qu’elle a été sélectionnée jusqu’à aujourd’hui, la holstein reste intéressante pour la réactivité de sa production laitière. Cela justifie que les éleveurs la conservent dans leur schéma de croisement », explique Luc Delaby, de l’Inra.

« Les bons reproducteurs sont les mêmes quel que soit le milieu »

À l’intérieur de la race, les éleveurs peuvent se fier au système d’indexation. Les études comparatives menées dans le cadre de GenAB montrent qu’il n’est pas justifié de reclasser les taureaux en fonction du système de production.

À partir des données d’abattage, il a été possible de comparer les aptitudes bouchères des races holstein, normande et montbéliarde en bio et en conventionnel, selon différents degrés d’intensification (voir ci-dessous). « On n’observe pas de corrélation entre la race et le mode d’élevage pour les aptitudes bouchères, ni pour le poids de carcasse, l’état ou la conformation, souligne Pascale Le Mezec. Les différences génétiques s’expriment de la même façon quel que soit le milieu. Autrement dit, les meilleurs reproducteurs sont toujours les mêmes quel que soit le système. À l’éleveur de faire ses choix au sein de la race en fonction de ses objectifs. » Pour se différencier sur le produit viande, sans perdre de vue la production laitière, les races normande et montbéliarde réaffirment leur mixité, à travers l’intégration de nouveaux caractères d’aptitude bouchère.

Caractères bouchers : la normande fait le premier pas

L’absence d’outils de sélection distincts selon le niveau d’intensification a conduit à évaluer l’intérêt de caractères adaptés à l’économie des systèmes bio et agroécologique, dans l’Isu des races mixtes. Ce travail est mené dans le cadre du programme 2-Org-Cows regroupant huit pays.

La France a choisi de développer des évaluations sur l’aptitude bouchère. « Les simulations économiques ont ­convaincu d’intégrer deux nouveaux caractères : “jeunes bovins” et “veaux de boucherie”, dès la prochaine sortie d’index en avril, indique Albéric Valais, directeur de l’OS normande. Bien sûr, il ne s’agit pas de régresser en lait, mais d’accepter d’avancer un peu moins vite, pour progresser sur la ­qualité des ­carcasses, l’âge et le poids à l’abattage. » Montbéliarde Association mène une réflexion plus large, intégrant le caractère « vaches de réforme » (poids et classement), en plus de « jeunes bovins » et « veaux de boucherie ». « L’étude préliminaire tend à démontrer l’héritabilité de la qualité bouchère des réformes, indique Philippe Maître, directeur de l’OS. Dans un second temps se pose la question de l’intégrer dans l’Isu et dans quelles proportions. Les simulations économiques sont en cours et les producteurs arbitreront en fonction de ces éléments. »

La décision est attendue d’ici à ­dix-huit mois. Elle devrait être facilitée par une corrélation lait-viande proche de la neutralité. « À l’inverse des taux, la conformation des réformes n’est pas complètement antagoniste au lait. » En outre, le choix de la mixité, d’animaux bien conformés et de bonne valeur bouchère est aussi un atout santé vis-à-vis des maladies métaboliques.

Jérôme Pezon

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