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Consanguinité : les prochaines années seront décisives

Dégradation. Ce n’est pas l’arrivée de la sélection sur les index génomiques en 2009 qui accélère la consanguinité, mais la façon dont elle est mise en œuvre. L’Institut de l’élevage tire la sonnette d’alarme pour la holstein.

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C’est indéniable. La consanguinité au sein des trois grandes races laitières augmente, ce qui en soi est logique. Les accouplements se font dans une population fermée, même si c’est à l’échelle mondiale pour la holstein. « Plus que le niveau de consanguinité, c’est son accroissement qui est important », commente Coralie Danchin, de l’Institut de l’élevage. C’est là que le bât blesse. Il s’accélère depuis 2013. Idele tire même la sonnette d’alarme pour la prim’holstein. « Sur dix ans, son augmentation moyenne de 2,7 % par an est plus faible que la montbéliarde (3,6 %) et équivalente à la normande, mais on assiste à une vraie accélération depuis quatre à cinq ans », insiste la généticienne. L’infographie ci-contre illustre bien le mouvement engagé depuis cinq ans. « La situation est moins inquiétante pour les races normande et montbéliarde, reprend-elle. Ce n’est pas pour autant qu’elles sont à l’abri : 2017 et 2018 sont des années charnières. »

La sélection sur les index génomiques, lancée en 2009, aggrave-t-elle l’apparentement ? En d’autres termes, le passage d’un intervalle de huit-dix ans entre deux générations de pères à moins de trois ans amplifie-t-il le phénomène ? « Elle n’est pas en cause, répond Coralie Danchin. C’est sa mise en œuvre qui peut l’être. C’est clairement le cas en prim’holstein. »

Holstein : la starisation n’est pas abandonnée aux États-Unis

Cette analyse est partagée par les pays où la holstein est implantée. La branche française et ses demi-sœurs étrangères sont imprégnées de la sélection états-unienne qui, depuis la sélection génomique, ne s’est pas affranchie de la starisation de pères à taureaux, puis de leurs fils (par exemple Goldwyn, Man-O-Man, Mtoto, O-Man, Planet). Le risque est la création d’un goulet d’étranglement : le nombre de pères à taureaux peut devenir insuffisant pour assurer à la fois le progrès génétique et la variabilité. Or, dans les grandes races, limiter le poids des pères est un levier efficace pour lutter contre la dégradation de la consanguinité. Elle bondit si, en plus de ce goulet d’étranglement, l’intervalle entre deux générations raccourcit. La holstein en est là. « Ce constat est fait sur l’analyse des généalogies… Il est pire si elle porte sur le génome. » Il y a donc urgence à redresser la barre. Seulement, sa dimension internationale complique la gestion de son patrimoine génétique.

Malgré l’arrivée de la sélection génomique en 2009, l’accélération de la consanguinité holstein n’apparaît qu’à partir de 2013. Entre les deux, les taureaux à index génomiques ont côtoyé ceux issus de la sélection sur descendance, offrant une palette plus large d’origines.

Normande : appétence pour les taureaux 100 % à index génomiques

« Ce scénario ne s’applique pas à la race normande », souligne Coralie Danchin. Les entreprises de sélection ont « squeezé » les générations B, C et D pour passer directement de A à E et surtout F, ce qui a apporté une bouffée d’oxygène. La dégradation de la consanguinité est limitée à + 1,7 % entre 2009 et 2012 (voir ci-contre).

Depuis, même si son niveau progresse deux fois plus vite, plusieurs éléments pourraient jouer en faveur de la race. Le principal : l’utilisation massive aujourd’hui des jeunes taureaux génomiques. Dès 2012, 80 % des inséminations artificielles premières se font avec des taureaux confirmés ou non sur descendance. Deux ans plus tard, les taureaux testés uniquement sur descendance sont quasi évincés. Et, selon Idele, depuis 2015, 90 % des IA sont réalisées avec des jeunes taureaux non confirmés. Sans doute la concurrence entre les entreprises de sélection, jusque-là moins exacerbée qu’en prim’holstein et montbéliarde, favorise-t-elle le souci de l’équilibre entre performances et origines variées. « La consanguinité moyenne de la population, légèrement inférieure à la parenté moyenne des parents, traduit leurs efforts pour limiter l’accroissement de la consanguinité. » Enfin, même si son taux de consanguinité sur la généalogie est le plus élevé des trois races, elle a la chance d’avoir été créée à partir d’un « pool » très varié d’allèles (constitutifs des gènes). Dit autrement, elle a à sa disposition une réserve de variabilité. L’enjeu des prochaines années est de ne pas la gaspiller, en évitant le piège du goulet d’étranglement et en privilégiant des origines au génome plus variable mais qui, au final, offriront à la race le même progrès génétique.

Montbéliarde : face à la sélection génomique, le souci de la sécurité

En montbéliarde, la situation est différente. Malgré un fléchissement, l’accroissement de la consanguinité est au-dessus des 3 % depuis dix ans. Plus prudents, les éleveurs et les entreprises de sélection ont mis plus de temps que la normande et la prim’holstein à tourner la page des taureaux sélectionnés uniquement sur descendance. En 2011, c’est-à-dire deux ans après le lancement de la sélection génomique, ils concernaient 75 % des IAP en 2011 pour tomber par étapes à 8 % en 2014 et encore à 2,5 % l’an passé. De même, la part des génomiques confirmés sur descendance reste à un quart des IAP. On retrouve cette conduite dans le top 5 des taureaux les plus utilisés. En 2016, il n’intégrait pas les dernières générations I et J, ce qui était le cas de la normande. « De plus, la montbéliarde a instauré plus lentement que la normande un turnover rapide des taureaux leaders », complète Coralie Danchin. Pour la chercheuse, la maîtrise de l’évolution de la consanguinité dépend de la capacité de la montbéliarde à renouveler suffisamment son pool de taureaux et de courants de sang, tout en veillant à un nombre suffisant de taureaux.

Ces interrogations ne doivent pas masquer les efforts des ES pour la minimiser. « Par des accouplements raisonnés, elle est seulement de 0,1 à 0,2 % sur les trois dernières générations. C’est une bonne nouvelle. »

Claire Hue

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