FIN DE LA CRÉATION GÉNÉTIQUE COLLECTIVE NORMANDE
Depuis le 1er novembre, Amélis, Intersélection, Urcecof et Créavia mènent chacune de leur côté leur programme de sélection. À elles de déterminer le degré de concertation qu'elles souhaitent encore maintenir.
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LA RACE NORMANDE A BIEN DES QUALITÉS. La principale est sans doute sa résistance aux soubresauts qui la traversent depuis plusieurs années. Il y a deux ans, le financement de l'Organisation de sélection (OSN) et son articulation avec les entreprises de sélection Amélis, Intersélection, Urcecof et Créavia agitaient les discussions. Le débat sur l'organisation de la race se déporte aujourd'hui sur le schéma de sélection fédérée par Génétique Normande Avenir (GNA). Créavia a pris le large en février pour lancer sa propre création génétique « Créavenir normand » (voir L'Éleveur laitier de juillet 2010 p. 55). L'histoire ne s'arrête pas là. En juillet, Amélis annonce à son tour sa volonté de mener sa barque. Cela se traduit dès le 1er août par des propositions de contrat sous sa bannière pour l'achat de veaux mâles. Ce domaine était jusque-là réservé à GNA. Il s'est éteint fin octobre. Cette position a obligé Inter-sélection et Urcecof à changer leur fusil d'épaule. Toutes deux proposent depuis le 1er novembre des contrats d'achat à leur en-tête. Intersélection via la Coopérative de L'Aigle (Orne) travaille aussi à « muscler son encadrement technique ». Elle a en particulier lancé le recrutement d'un directeur technique en charge de la sélection normande. « Nous aurions souhaité ne pas en arriver là. Nous nous mettons en position pour engager nos forces sur latransplantation embryonnaire et le génotypage des femelles. » Des passerelles existent encore malgré tout entre l'équipe technique GNA et les ES puisque la première continue d'émettre des propositions d'accouplements aux secondes, validées ou non après discussion. L'arrivée de la génomique est en partie à l'origine de cette reconfiguration. Elle offre aux ES plus d'autonomie en les libérant progressivement de la confirmation des reproducteurs sur descendances.
LA CONCURRENCE EXACERBE LES DIVERGENCES
« Cette redistribution des cartes est aussi le contrecoup de la fin du monopole de zone voulue par la loi d'orientation agricole de 2006, confie un observateur avisé. La concurrence de plus en plus vive sur le terrain a des répercussions sur les relations en amont. Il est devenu difficile de travailler en concertation sans courir le risque de dévoiler sa stratégie commerciale. » Il fait référence aux récentes frictions entre Unog-Urcecof et Amélis, et Gènes-Diffusion et Amélis (REL d'octobre 2010, p. 12). Les entreprises de sélection éprouvent aussi le besoin de se recentrer sur leur structure, surtout si la façon d'aborder la génomique diffère.
STRATÉGIES D'ENTREPRISE
Créavia et Amélis l'expriment chacune à leur manière. La première souhaite valoriser sa ressource génétique, qui représente 30 % à 35 % de la ressource normande, par le recours intensif à la transplantation embryonnaire. « Animer efficacement un réseau de receveuses est complexe. Cette gestion n'est possible qu'à l'échelle d'une équipe à l'intérieur de la même entreprise. Nous trouvons désormais un plus grand dénominateur commun entre les différentes races au sein de Créavia qu'entre entreprises de sélection au sein de GNA. » De son côté, Amélis estime plus aisé de mener sa politique marketing de segments de marché par le contrôle complet de sa mise en oeuvre en termes de qualité et de quantité de doses. Pour la quatrième année consécutive, les reproducteurs normands sont déclinés en cinq catégories. Son objectif : mieux coller aux différentes attentes de ses adhérents. En revanche, l'ES n'a pas encore définitivement tranché sur la voie de sélection à emprunter. « Faut-il accéder au progrès génétique en intensifiant la valorisation d'un certain nombre de femelles, au risque de réduire la variabilité, ou élargir le champ du génotypage des mâles et des femelles pour l'émergence de profils intéressants ? L'investissement à engager ne permet pas de conduire les deux de front. » Une chose est sûre : Amélis veut avoir les coudées franches pour mener à bien son projet d'entreprise.
DES QUESTIONS EN SUSPENS
La reprise en main de la création génétique par les ES sonne-t-elle le glas de GNA ? L'avenir du fonds commun de semences est-il remis en cause ? Il a permis jusque-là aux éleveurs d'accéder à l'ensemble des taureaux normands. La population normande limitée à 463 000 vaches laitières plaide logiquement en faveur d'un maintien d'une concertation. Tout dépendra où les quatre acteurs mettront le curseur. « Tous, nous proposerons des pedigrees classiques issus des souches répandues », estime Amélis. L'enjeu porte davantage sur le maintien de la variabilité génétique. « Trouverons-nous un consensus pour génotyper les femelles identifiées incontournables pour la race, avec un fonds commun de semences en aval ? Cette collaboration peut se dérouler en bonne intelligence sans une structuration lourde », défend l'ES qui pèse pour près de la moitié dans le giron normand. Cela n'empêchera pas des fonds communs bilatéraux. Des discussions sont engagées entre Urcecof et Créavia. Leur prudence sur la diffusion des taureaux génomiques, leur complémentarité en termes de mères et pères à taureaux pourraient les inciter à nouer des liens. Une assemblée générale extraordinaire de GNA le 27 octobre devait soulever toutes ces questions. Avec un mot d'ordre : l'apaisement des relations.
CLAIRE HUE
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