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NOUVEAU PAVÉ DANS LA MARE DE LA HOLSTEIN MADE IN USA

Empêtrés dans des problèmes d'élevage sans fin, une poignée de producteurs de lait californiens ont cherché leur salut dans le croisement de leurs holsteins. Avec succès.

Si l'on raisonne en jours de vie, les croisées holstein x montbéliardes, rouges suédoises ou normandes produisent plus de lait que les holsteins... et génèrent plus de profit. Témoin, les derniers résultats de la très sérieuse université du Minnesota.

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LES HANSEN EST DEVENU LE CAUCHEMAR DE SES ANCIENS ÉTUDIANTS qui sont aujourd'hui à la tête des ABS, Sélect Sires, Accelerated Genetics, CRI et autres entreprises de sélection holstein. Ce professeur émérite de sciences animales à l'université du Minnesota, celle qui forme le gros des généticiens nord-américains, dresse un tableau très critique de la sélection holstein. « Certes, la race a gagné énormément en potentiel de production, surclassant les autres. Plus de 4 500 kg de lait par vache laitière en trente-cinq ans. Elle a aussi beaucoup progressé en mamelle. Mais les schémas de sélection ont trop longtemps ignoré un certain nombre de caractères économiques devenus incontournables : les difficultés de vêlage, la mortalité des veaux naissant, la fertilité, la santé et la longévité », s'alarme-t-il de longue date. La sélection très influencée ici par les concours y a une lourde responsabilité. « Dans les années quatre-vingt, on a redessiné un modèle de vache très grande, avec une ligne de dos rectiligne jusque dans le bassin. Puis est venue la mode du type laitier, avec des animaux profonds mais très étroits dans leur avant-main, très anguleux, avec des côtes de plus en plus saillantes », rappelle Les Hansen à chacune de ses conférences. « Le souci est que tout cela n'a aucune base scientifique. Nous avons prouvé que le gabarit n'avait aucune relation avec le potentiel laitier. Dans l'une de nos fermes, nous avons mené pendant quarante ans untroupeau en deux lots inséminés avec des taureaux très bien ou moins bien indexés en format. Ils sont aujourd'hui au même niveau de production, 12 000 kg par vache laitière. »

UN COCKTAIL DÉTONNANT QUI EN A MIS CERTAINS DANS LES SOUCIS

Et d'argumenter : « En sélectionnant le format, on a augmenté l'ossature et donc réduit l'ouverture pelvienne. D'où un risque accru de problèmes de vêlage. Les bassins plats, voire renversés, n'arrangent rien. Ils sont source de non-délivrances et de métrites, mais aussi de problèmes d'aplombs. Un animal très profond est aussi plus sujet auxdéplacements de caillette après vêlage. Enfin, un animal qui perd trop de condition corporelle est moins armé pour se reproduire normalement et vieillir. »

Ajoutez à ces oublis et à ces fausses idées l'effet pervers de la dangereuse progression du taux de consanguinité dans les troupeaux américains (2,8 % en 1991, 4,1 % en 1997, 4,9 % en 2003 et 5,6 % en 2009*), vous avez un cocktail détonnant. Certains troupeaux commerciaux l'ont appris à leurs dépens avec un cortège de difficultés de vêlage fréquentes, mortalité des veaux déraisonnable, déplacements de caillette à répétition, problèmes de reproduction et de longévité au point de compromettre la capacité à assurer son renouvellement. C'est le cas d'un noyau de grands troupeaux de la région d'Oakdale, en Californie. Empêtrés dans ces soucis, ils ont cherché leur salut il y a juste dix ans dans le croisement… Loin d'imaginer la petite révolution qu'ils enclencheraient. Lassé de voir les schémas de sélection sourds à ses cris d'alarme, désespéré de ne pas les voir se réorienter vers une vache moins étroite dans son avant-main, avec plus de musculature, Les Hansen a suivi ces pionniers. Non sans une idée en tête : prouver que le croisement pouvait être une vraie alternative pour redresser les situations les plus critiques. Traduisez plus rapidement qu'en race pure en misant sur les taureaux les mieux indexés en fonctionnels.

Sa théorie du croisement s'appuie sur trois races utilisées en rotation. Objectif : jouer comme on le fait en porcs, sur l'effet hétérosis des hybrides, tout en cumulant les atouts de chacune des races élues. Le potentiel laitier et la qualité de mamelles de la holstein bien sûr, mais aussi tous ces caractères (fertilité, mortinatalité, santé, longévité…) qu'elle a oublié mais que d'autres races laitières ont gardé. Comme la montbéliarde, la normande, la simmental et les pies rouges scandinaves. Condition sine qua non de réussite pour le généticien : utiliser les meilleurs taureaux dans chaque race choisie et travailler avec trois races. « En se limitant à deux, on limite l'effet hybride. Avec quatre, on réduit l'influence de chacune », explique-t-il.

RAISONNER EN JOURS DE VIE PRODUCTIVE CHANGE TOUT

Grâce au suivi à la loupe de ces six troupeaux californiens par Les Hansen, on savait que les croisées produisaient moins de lait que les pures holsteins sur des lactations ramenées à 305 j. Un peu moins pour les montbéliardes ou rouges suédoises, beaucoup moins pour les normandes… tout en restant à des niveaux très élevés, plus de 10 000 kg/VL. On savait aussi que ces croisées compensaient sans surprise leur handicap par moins de difficultés de vêlage, de mortalité des veaux, de meilleures performances de reproduction et de longévité (L'Éleveur laitier d'avril 2008). La dernière approche de Les Hansen apporte un éclairage nouveau. Certes, les croisées sont moins percutantes en lait, mais elles sont beaucoup moins nombreuses à périr en première lactation ou à être réformées ensuite, et elles « prennent veaux » plus vite (voir infographie). Là où cinq croisées, sur dix au départ, sont toujours là en quatrième lactation, il y a moins de quatre holsteins. Et ces dernières, quand elles font cinq lactations, se décalent par rapport aux croisées de huit, quatorze ou dix-huit semaines… Des jours perdus à chaque lactation sur l'intervalle vêlage-IA fécondante. Résultat : quand on raisonne la production non pas par lactation en 305 jours, mais en jours de vie productive, l'avantage des holsteins fond comme neige au soleil. Pendant les quatre années suivant le premier vêlage, elles produisent en moyenne 28 424 kg de lait par vache laitière, autant que les croisées normandes (28 451 kg/VL). Et moins que les rouges suédoises (30 173 kg/VL) et surtout les montbéliardes (32 615 kg/VL).

Quand on transforme l'ensemble de ces résultats techniques en intégrant le coût du renouvellement, des vaches de réforme ou mortes, des veaux vivants, de l'IA, de la ration et le prix du lait à la qualité (MU et cellules), il ressort que les F1 rouges suédoises et montbéliardes génèrent respectivement un profit de 20 et 30 % supérieurs aux holsteins. Même les croisées normandes font mieux. Un vrai pavé dans la mare qui devrait booster les ventes de semences montbéliardes et rouges suédoises aux Etats-Unis. Et cela d'autant que cette approche économique n'intègre pas les frais vétérinaires, comme les traitements hormonaux qui s'appliquent quasi systématiquement en Californie pour favoriser la reproduction des holsteins.

JEAN-MICHEL VOCORET

*Résultats enregistrés dans les troupeaux contrôlés, la moitié d'entre eux ne l'étant pas.

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