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La longévité, facteur clé du succès des croisées Procross

Étude. Après avoir suivi sept élevages américains pendant dix ans, le chercheur Les Hansen démontre que les croisées permettent de dégager un tiers de profit de plus que les holsteins pures.

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L’idée de croiser les vaches holsteins a émergé il y a vingt ans dans de gros élevages californiens. Confrontés à une baisse de la fertilité, une hausse de la mortalité et des problèmes de santé, les éleveurs voyaient leurs vaches quitter le troupeau sans même laisser une femelle derrière elles. Suspectant un problème lié à la consanguinité, ils ont utilisé des taureaux de races rouges européennes (normande, montbéliarde, rouge scandinave) pour croiser leurs vaches.

Les performances de six élevages pratiquant ce type de croisement ont été analysées. Il est apparu que les croisées se reproduisaient mieux. La mortalité a baissé dans ces troupeaux. Si le volume de lait était moins élevé, la production de matière utile restait comparable à celle des holsteins pures. Ces résultats ont interpellé Les Hansen, professeur en sciences animales à l’université du Minnesota (États-Unis). Il a voulu vérifier les conséquences du croisement de manière scientifique. « Sept fermes du Minnesota ont accepté de croiser une partie de leur troupeau et de conserver au moins 250 holsteins en race pure afin de les comparer », se souvient le chercheur. Elles devaient adopter la méthode Procross, un croisement trois voies impliquant la holstein, la montbéliarde et la viking rouge. Au total, 3550 holsteins pures ont été observées lors de cet essai.

La génomique a accru la consanguinité holstein

Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Journal of Dairy Science, ce qui garantit la rigueur des travaux et donc la fiabilité des conclusions. Au-delà des mesures zootechniques, Les Hansen a comparé les performances économiques.

Il rappelle qu’aux États-Unis, la consanguinité ne cesse de progresser dans les élevages holsteins. Elle se monte en moyenne à 8,6 % en 2020 contre 7,3 en 2017 ou 5,8 en 2011. Pire, l’élévation du taux de consanguinité s’accélère depuis la généralisation de la génomique. Elle a crû à 0,43 % en 2020 contre 0,19 en 2014. De plus, la sélection américaine a un peu tardé à prendre en compte les caractères fonctionnels. La santé n’est intégrée que depuis 2018.

Sur les élevages de l’essai, les accouplements en race pure ont été conduits de façon à limiter la consanguinité. En général dans les troupeaux commerciaux, ce n’est pas le cas. Les éleveurs n’ont utilisé que les meilleurs taureaux de chaque race durant l’essai. Les croisées ont toujours été comparées à leurs contemporaines holsteins, et non à la moyenne, pour tenir compte des éventuelles améliorations génétiques obtenues au fil des dix ans. L’expérimentation a duré dix ans, le temps nécessaire pour obtenir les croisées avec une race, puis deux, et de revenir à un taureau holstein.

On sait que la consanguinité dégrade la fertilité, la santé et la longévité des animaux, et augmente le taux de mortalité. À l’inverse, le croisement apporte une vigueur hybride (hétérosis) qui renforce l’ensemble de ces critères. Le croisement vise donc à bénéficier de cette vigueur qui améliore ces caractères de 10 %. Le choix du croisement trois voies permet de maintenir un niveau d’hétérosis élevé à chaque génération.

De plus, le croisement permet d’introduire et de fixer de nouveaux gènes. Dans le schéma Procross, la montbéliarde a été retenue pour sa puissance et sa fertilité. La viking rouge est réputée pour sa résistance aux maladies et sa fertilité. Enfin, la holstein reste la meilleure pour la productivité laitière et la mamelle.

Si les taux de consanguinité et la conduite des accouplements sont différents dans les troupeaux français, il est néanmoins clair que les caractéristiques des croisées y sont identiques. D’où l’intérêt de cette étude pour éclairer les éleveurs français.

Des progrès nets sur la fertilité et la résistance

L’analyse des résultats des sept élevages sur dix ans démontre l’intérêt économique des croisées (voir infographie). À l’échelle de leur vie, les croisées de deuxième génération (trois races) dégagent un tiers de profit en plus. « La longévité supérieure des croisées est un facteur majeur d’explication de cette amélioration de la rentabilité », constate Les Hansen. Ces vaches font en moyenne une demi-lactation de plus, ce qui réduit fortement le coût de renouvellement.

Cette longévité s’explique d’abord par l’amélioration de la fertilité, un critère de réforme important. Mais plus largement, c’est la robustesse des croisées et leur résistance accrue aux maladies qui leur permet de rester plus longtemps dans les troupeaux. À l’issue de l’essai, les éleveurs constataient que leurs plus vieilles vaches étaient toutes des croisées et que la proportion de holsteins pures diminuait inexorablement.

Dans le détail, les croisées produisent autant de matière utile que les holsteins au quotidien. Mais elles le font sur une durée plus longue. Avec une meilleure fertilité et une moindre mortalité des jeunes, elles produisent davantage de veaux par an. Leur prix est supérieur de 30 % en moyenne, ce qui contribue aussi à augmenter les recettes liées aux ventes des mâles. Les réformes croisées sont elles aussi mieux valorisées. L’écart s’élève à 20 % pour celles qui sont issues d’un père montbéliard, un peu moins pour les autres. Au total, les produits dégagés par les croisées dépassent donc ceux des holsteins.

L’avantage des croisées se retrouve aussi au niveau des charges. Plus efficaces, elles produisent autant avec une ingestion moindre. L’écart de matière sèche ingérée s’établit à 4,8 % en première lactation et 6,5 % pour les suivantes. L’intervalle entre le vêlage et l’insémination fécondante est réduit de deux à trois semaines selon les types de croisées et les stades de lactations. Les frais vétérinaires diminuent d’environ 20 $ (16,80 €) par vache et par lactation. Au total, sur les vaches de troisième génération (mère croisée trois voies, père holstein), le profit journalier progresse de 10 %.

Et puis, un élément reste impossible à chiffrer mais compte beaucoup pour les éleveurs. Des vaches qui se reproduisent bien, donnent facilement naissance à des veaux vigoureux et tombent rarement malades, s’approchent de l’animal sans souci que tous recherchent. L’éleveur ne gagne pas seulement de l’argent. Son confort est amélioré grâce à la réduction du stress et de la charge de travail.

Pascale Le Cann

© p.l. c. - Les Hansen,

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