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CRÉAVIA : QUITTE LE NAVIRE DE LA SÉLECTION NORMANDE COLLECTIVE

La nouvelle configuration de la sélection normande imposera encore plus de vigilance par rapport au maintien de la variabilité génétique. La population femelle rassemble 463 000 vaches laitières.© SÉBASTIEN CHAMPION

Ses divergences avec les autres entreprises de sélection adhérentes à Génétique normande avenir ont incité Créavia à prendre le large. Cela ne l'empêchera pas de respecter ses engagement envers GNA pour ces deux à trois prochaines années.

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L'ENTREPRISE DE SÉLECTION CRÉAVIA A ANNONCÉ, EN NOVEMBRE DERNIER (REL de novembre 2009), sa volonté de quitter le navire de la sélection normande fédérée par Génétique normande avenir (GNA) pour créer son propre schéma. C'est chose faite. « La collaboration avec les autres entreprises de sélection adhérentes de GNA(1) était devenue difficile. Notre partenariat était pollué par la concurrence que nous vivons au travers de la prim'holstein. L'arrivée de la génomique l'a exacerbée. Pour en sortir, Créavia était favorable à la création d'une seule structure 100 % normande. Ce projet n'a pas abouti. Nous avons décidé de lancer notre propre création génétique sur la zone Créavia », explique Jean-Michel Arondel, président de la commission normande de Créavia. La crainte que la génomique ne se développe pas au même rythme en race normande, prim'holstein et pie rouge au sein de Créavia a renforcé la décision de la commission normande.

GÉNOTYPAGE DES FEMELLES DEPUIS FÉVRIER

Malgré le lancement de Créavenir normand en février, l'ES est toujours membre de GNA. À ce titre, elle affiche sa volonté de respecter ses engagements envers GNA : l'achat de 25 taureaux issus de la station mutualisée de Domfront (Orne) en 2009-2010 et 20 en 2010-2011 (un flou existe pour 20 autres en 2011-2012). En amont, elle participe à l'effort collectif de génotypage des veaux mâles (un peu plus de 750 mâles en 2009-2010). En revanche, depuis le 1er février, elle ne contribue plus à l'objectif de 750 génotypages de femelles que s'est fixé GNA pour cette campagne. Ceux qu'elle effectue désormais sont la première pierre à l'édifice de son propre schéma. « Nous visons 400 génotypages de femelles par an sur la zone Créavia, des génisses et aussi, dans un premier temps, des vaches en première lactation dont le pedigree est bien construit. Elles sont repérées à partir de leur Isu ascendance et de la variabilité génétique qu'elles offrent », détaille Thierry Nicollas, responsable de la race normande à Créavia. Mi-juin, 150 génisses étaient déjà « samées ».

Côté mâles, 250 génotypages sont prévus par an en vue d'en sélectionner 50. Leur fonction sexuelle pour la production de semences sera le dernier critère éliminatoire pour dégager une liste finale annuelle de 25 taureaux. En débutant prochainement ses propres génotypages, l'entreprise de sélection prépare l'arrivée des premiers reproducteurs 100 % Créavia en 2012. « Certes, la fiabilité des index génomiques n'étant pas encore suffisante, nous n'allons pas proposer du jour au lendemain 25 taureaux sélectionnés uniquement sur cette base. Ils cohabiteront avec les taureaux polygéniques obtenus dans le cadre de la sélection GNA. Nous ne souhaitons pas sacrifier ce travail. » La proposition de taureaux génomiques utilisés dans les premières années dépendra aussi de l'engouement des éleveurs. Ce dispositif a été bâti pour répondre au besoin de 150 000 doses normandes des éleveurs de la zone Créavia et, à terme, multiplier par 2,5 ou 3 le progrès Isu par rapport à la base mobile mâle (l'évolution annuelle est aujourd'hui de 3 points d'Isu). Pour cela, l'ES veut s'appuyer sur la collecte d'embryons issus des 65 meilleures femelles parmi les 350 à 400 repérées et génotypées. Objectif : transplanter 1 000 embryons par an, ce qui suppose 125 à 130 collectes. L'entreprise met actuellement en place un réseau d'éleveurs donneurs et receveurs (voir ci-contre) avec la possibilité pour le donneur de confier sa primipare à la station de donneuses de Plounévézel (Finistère) ou Sucé-sur-Erdre (Loire-Atlantique). Dans ce but, elle a proposé à 700 éleveurs un contrat-cadre pour jeter les bases d'une relation avec eux (voir ci-contre). 335 l'avaient signé à la mi-juin. Également à la même date, 18 collectes d'embryons avaient été réalisées (137 embryons produits), dont une en station de donneuses.

LA VARIABILITÉ GÉNÉTIQUE EN QUESTION

La dissidence de Créavia soulève un certain nombre de questions. En premier lieu pour Créavia elle-même. Avec 30 à 35 % de la ressource génétique femelle (potentiel de mères à taureaux), est-elle en mesure de faire vivre durablement son schéma sans être confrontée rapidement à un affaiblissement de la variabilité génétique ? « À nous d'y être vigilants, répond Thierry Nicollas. Pour cela, il faut l'objectiver, c'est-à- dire déterminer quelle concession nous pouvons accorder en Isu pour aller chercher des origines différentes. »

L'amputation de cette ressource génétique aura-t-elle un impact plus global sur la race ? « Avec un effectif limité à 463 000 vaches laitières, le schéma de sélection commun a permis jusque-là de gérer sa biodiversité sur l'ensemble de sa population. Le principal risque de cette réduction de gestion commune est une perte de variabilité génétique », estime Matthieu Chambrial, responsable technique au GNA. Surtout si une course à l'Isu s'instaure à terme entre les deux structures de création génétique. À moins que tous les liens entre Créavia et GNA ne soient pas coupés. « Il serait sage qu'un maximum de concertation ait lieu au sein ou hors de GNA pour gérer en particulier la population femelle et les pères à taureaux », avance François Blocher, directeur par intérim de GNA (il est aussi directeur d'Intersélection). Et en aval, la poursuite du fonds commun de semences permettant aux éleveurs d'accéder à un prix raisonnable aux doses produites par l'ensemble des ES. L'engagement de Créavia dans GNA pour ces deux à trois prochaines années laisse encore du temps pour aborder ces questions de fond. La génomique soulève aussi des questions à l'intérieur de GNA. L'investissement accru des entreprises de sélection dans les élevages (génotypages, aide à la transplantation embryonnaire) peut les inciter à davantage formaliser leur relation avec les éleveurs, au-delà de celle existant entre ces derniers et GNA (voir ci-contre). C'est par exemple la voie qu'a choisie Amélis en proposant depuis fin mai, son contrat Isy'création à 150 éleveurs : « De cette manière, nous prenons aussi en compte les besoins particuliers de nos éleveurs sélectionneurs », avance Jean-Yves Dréau, d'Amélis.

PLUS D'AUTONOMIE

Amélis souhaiterait plus d'autonomie aux entreprises de sélection dans la déclinaison des orientations prises. « Il est indispensable que des axes communs soient définis pour obtenir une cohérence globale, affirmet- il. À l'intérieur, pourquoi ne pas imaginer des libertés possibles qui, bien sûr, ne la remettraient pas en cause ? » Comme la possibilité pour Amélis de génotyper plus de femelles que sa part prévue au sein du schéma afin d'accéder à des souches a priori moins attractives. « Nos partenaires voudront peut-être aussi accentuer leurs efforts dans ce domaine ou un autre. S'il y a des surinvestissements de part et d'autre, il faudra trouver une mécanique de rééquilibrage financier pour qu'au final, les éleveurs bénéficient d'un prix de la dose identique dans le cadre du fonds commun de semences. » Les discussions sont en cours, compliquées actuellement par un conflit de concurrence entre Amélis et Urcecof-Unog.

CLAIRE HUE

(1) Outre Créavia, sont adhérentes Amélis, Intersélection et Urcecof toutes deux sous la dénomination de Dynamis'no.

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