CRÉAVIA A MIS EN SERVICE SES STATIONS DE DONNEUSES D'EMBRYONS
Annoncées il y a à peine un an par Créavia, les stations de donneuses d'embryons suscitaient le scepticisme. Elles ont ouvert voici six mois, et les éleveurs suivent.
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PARMI LES INTERROGATIONS NÉES AVEC L'ARRIVÉE DE LA GÉNOMIQUE, beaucoup concernent les moyens à mettre en oeuvre pour produire et faire naître un nombre accru d'embryons mâles.
D'autant plus que beaucoup d'entre eux sont voués à ne pas faire carrière dans la production de semences. Quand Créavia a annoncé, l'an dernier, son ambition de créer des stations de donneuses d'embryons, les débats avec les sélectionneurs ont parfois été houleux. Leur crainte de perdre la main dans la création de la génétique était tangible. Mais l'unité de sélection a tenu bon, et une majorité d'éleveurs s'est rapidement ralliée au projet.
« Nous allons avoir besoin de faire naître un nombre élevé de mâles, dont la plupart seront éliminés après génotypage », expliquait alors Marc Bolard, responsable du schéma de sélection de Créavia. Ceci supposait d'améliorer le rendement de la production d'embryons, et de disposer de suffisamment de receveuses pour les implanter. D'où l'idée d'accueillir les donneuses dans des stations dédiées, et de proposer des contrats adaptés aux éleveurs, pour qu'ils jouent le jeu en mettant leurs génisses à disposition ou en préparant des receveuses.
AMÉLIORER LE RENDEMENT DE LA TRANSPLANTATION
« En élevage, les résultats obtenus par la transplantation embryonnaire sont très hétérogènes, précise André Rohou, responsable du service à Créavia. Dans 20 % des cas, on a un échec à la collecte. » L'effet élevage est très important.
En station, on peut imaginer une conduite optimale des animaux, notamment sur le plan alimentaire, mais aussi un meilleur suivi. Car sur le terrain, les éleveurs ont souvent autre chose à faire que d'être aux petits soins pour les donneuses d'embryons.
« Notre objectif est de produire 10 000 embryons par an à partir de 375 vaches qualifiés pour le programme », explique André Rohou. Cela suppose d'obtenir, en moyenne, vingt-cinq embryons par femelle, un seuil élevé qui nécessite de réduire le niveau de pertes actuel.
Créavia a ouvert deux stations pour accueillir les donneuses d'embryons, l'une à Sucé (Loire-Atlantique), l'autre à Plounévézel (Finistère). Ces sites, qui accueillent déjà des taureaux, n'ont pas été choisis par hasard. Il s'agit de reconvertir des personnes et des bâtiments qui ne seront plus employés comme avant. Ceci permet de réduire les frais liés à l'hébergement des génisses.
En outre, ils sont situés au coeur de bassins d'élevages denses, ce qui ouvre davantage de facilités pour implanter les embryons frais en élevage. Or, cela permet d'obtenir un taux de réussite supérieur de 10 % par rapport à la transplantation d'embryons congelés.
Depuis juin, les génisses entrent dans ces stations à un âge moyen de douze à quatorze mois et sont nourries en ration sèche pour limiter tout stress alimentaire. L'objectif est de les accueillir plus tôt, vers quatre mois, afin de maîtriser l'alimentation et la conduite sur l'essentiel de la période de croissance. Mais Créavia bute encore sur l'obtention du génotypage. La forte demande actuelle empêche de connaître les profils plus tôt. Progressivement, les génisses entreront de plus en plus jeunes. Pubères un peu avant un an, elles sont collectées toutes les cinq semaines. Elles quitteront la station vers dix-sept mois, gestantes.
Pendant les premiers mois de fonctionnement, le taux d'échec est tombé à 5 %, ce qui est déjà un progrès. Autre satisfaction, ce taux est relativement homogène. Les résultats devraient encore s'améliorer avec l'entrée de génisses plus jeunes. Au-delà de l'optimisation d'une technique bien connue et maîtrisée, Créavia mise sur l'Opu Fiv (Ovum pickup fécondation in vitro) pour développer la production d'embryons. Il s'agit de prélever des ovocytes directement dans les ovaires. Mis en culture in vitro, ils parviennent à maturité et peuvent être fécondés. Les embryons sont ensuite implantés. Cette technique est difficile à mettre en oeuvre en élevage. Les ovocytes peuvent être prélevés sur des femelles très jeunes (avant la puberté) ou gestantes, sans conséquence sur leur reproduction future.
Cette opération ne nécessite aucun traitement hormonal. Il n'y a donc aucune transformation de l'animal, même en multipliant les ponctions. En outre, elle rend possible la fécondation par différents pères, à partir d'un seul prélèvement.
VIGILANCE SANITAIRE
Le Brésil, qui s'est lancé dans l'Opu Fiv il y a dix ans, produit 400 000 embryons de cette manière chaque année. « On connaît le potentiel de cette technique, affirme André Rohou. Nous sommes en train de former des personnes pour la développer dans nos stations. »
La méthode traditionnelle permet de produire, en moyenne, un embryon par femelle et par semaine, avec une collecte toutes les cinq semaines donnant chacune cinq embryons. Avec l'Opu Fiv, le rendement devrait doubler, au rythme de deux ponctions par semaine, donnant chacune un ou deux embryons. La marge de progrès est donc importante.
Par ailleurs, la maîtrise sanitaire doit être irréprochable pour sécuriser les éleveurs propriétaires. Des prises de sang sont donc effectuées avant l'entrée en station. Tous les animaux sont placés en quarantaine à leur arrivée. Les conditions se rapprochent progressivement de celles qui sont exigées pour les taureaux. « L'expérience que nous avons acquise avec les mâles est utilisée pour les femelles », précise Jean-Pierre Rohou, responsable de la station de Plounévézel.
DES EMBRYONS AU PRIX ATTRACTIF DE 100 EUROS POSE COMPRISE
En parallèle, Créavia a créé un réseau de receveuses en élevage. Les propriétaires des donneuses sont prioritaires pour recevoir les embryons. Mais ils ne disposent pas toujours des receveuses nécessaires.
C'est donc toute une logistique qui se met en place pour que les embryons puissent être posés au plus vite. L'entreprise de sélection a misé sur un prix attractif pour motiver les éleveurs. Les embryons sont proposés à 100 €, pose comprise, alors que le tarif usuel est cinq à six fois plus élevé.
En contrepartie, le propriétaire de la receveuse ne choisit pas l'embryon. Mais tous les mâles sont achetés par Créavia. Seule une faible proportion (environ 15 %) est conservée pour la reproduction. Les autres rejoignent la filière viande.
Ce système a séduit les éleveurs. Les receveuses proposées sont parfois plus nombreuses que les embryons disponibles. C'est donc un succès pour Créavia. Mais il va falloir gérer la montée en puissance. Midatest travaille sur le même modèle avec sa propre station de donneuses. Progressivement, le nombre de mâles conservés en station va diminuer, libérant des places pour les donneuses. Actuellement, la station de Plounévézel peut en accueillir soixante-quinze. À terme, elles seront cent à cent vingt. La production d'embryons montera à 3 000 par an, et autant sur le site de Sucé. « Sachant que chaque élevage dispose, en moyenne, de cinq à six receveuses, nous devrons en trouver mille pour couvrir nos besoins », souligne André Rohou. La pression est d'autant plus forte que la génétique progresse vite. Le gain en Isu est désormais d'un point par mois. Les embryons doivent donc être implantés au plus vite, la décote pouvant être rapide. Si les débuts sont encourageants, la motivation des éleveurs ne devra pas faiblir pour soutenir le pari de Créavia : rendre le schéma de sélection de plus en plus collectif.
PASCALE LE CANN
Le laboratoire est équipé d'un microscope inversé. Des équipements spécifiques permettent de maintenir et de manipuler l'embryon.
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