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« Toaster les protéagineux, la touche finale de notre démarche »

Les associés du Gaec du Mûrier (de g. à dr. ), Marjolaine Vadeboin, Quentin Riou, Laurent Brousset, Jean-Luc Guyot et Lionel Riche, organiseront des portes ouvertes sur le toasteur et les cultures protéiques le 31 mai.Anne Bréhier

Avec neuf autres exploitations bio du Rhône et de la Loire, le Gaec du Mûrier a importé des États-Unis un matériel pour toaster ses protéagineux. Homologuer la machine a été une étape fastidieuse.

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En bio depuis 2011 et en ration herbe-maïs (deux tiers-un tiers), le Gaec du Mûrier, à Saint-Joseph (Loire), a pour objectif de produire toutes ses protéines. Après avoir travaillé sur la voie des fourrages et introduit des protéagineux dans l’assolement, les éleveurs ont entrepris d’acheter un toasteur. En toastant les protéagineux, on les protège des dégradations dans le rumen et on améliore leur assimilation dans l’intestin (augmentation de l’azote by-pass de 20 à 80 %). Les facteurs antinutritionnels thermosensibles (FAT) sont détruits. Dans une ration riche en azote soluble (ensilage d’herbe jeune), le toastage améliore la valeur PDIE des protéines de soja par 2,6, la valeur PDIA par 6 (source : Inra 2007). Sur une féverole, l’augmentation respective est de 2 et de 3,7.

« Nous réalisons des associations de luzerne et de trèfle violet »

« Depuis qu’on est en bio, l’enjeu des protéines est encore plus important », explique Lionel Riche, l’un des cinq associés du Gaec. Outre le coût des tourteaux (colza bio : 650 € la tonne, soja bio : 1 000 €), il s’agit de respecter les exigences du cahier des charges Biolait. « Toutes les protéines consommées par nos vaches doivent être françaises. »

Pour gagner en autonomie protéique, les associés ont dans un premier temps amélioré la qualité de leurs prairies et de leur ensilage. « Nous réalisons des associations de luzerne et de trèfle violet, précise l’éleveur. Nous ramassons l’herbe jeune. Ici, avec le climat et les terres séchantes, nous faisons une première coupe fin avril. La priorité n’est pas le rendement mais la qualité. » Les agriculteurs ont aussi introduit du soja, des pois, des féveroles et des lupins dans leur assolement. L’objectif est de produire 30 tonnes de graines par an pour supprimer les achats extérieurs nécessaires à l’alimentation des vaches et des génisses.

Depuis 2015-2016, à l’exception du soja, les protéagineux sont cultivés en association avec des céréales sur 20 ha environ. Cette pratique permet de lisser les rendements et de maîtriser la proportion de protéagineux dans la ration des vaches. Sur le mélange blé panifiable-pois-féveroles, le rendement global moyen est de 50 q/ha (35 q de blé, 5 q de pois et 10 q de féveroles). Sur les blé-féveroles, il se situe à 40 q de blé et 5 q/ha de féverole. Les agriculteurs associent également l’orge au pois protéagineux d’hiver, et le lupin à l’avoine de printemps.

Jusqu’à présent, les protéagineux crus étaient broyés avec les céréales et distribués dans le Dac. Ils étaient mal valorisés.

Dans leur recherche totale d’autonomie protéique, le toastage des graines de protéagineux constitue la touche finale. Avec une ration composée d’un tiers maximum d’ensilage maïs, le reste en ensilage d’herbe avec 1-2 kg de foin l’hiver, cette stratégie est pertinente car la ration de base est suffisamment riche en azote soluble.

Engagée à l’automne 2016, la démarche du Gaec du Mûrier s’inscrit dans celle d’un groupe de dix éleveurs livreurs Biolait de la Loire et du Rhône. Elle a été menée avec l’aide de l’Association pour le développement de l’emploi agricole et rural (ADEAR) et de la FDCuma de la Loire.

« Les graines toastées peuvent se garder au moins six mois »

« Nous avons d’abord examiné les solutions susceptibles d’améliorer la valorisation de nos protéagineux, précise Lionel Riche. L’extrusion est un procédé intéressant, mais il n’existe pas de petites installations. La germination exige un pilotage quotidien en fonction de la chaleur et de l’hygrométrie, donc une charge de travail trop importante. Le toastage présente une souplesse appréciable, avec des graines pouvant se garder au moins six mois. En Vendée, nous avons rencontré un groupe d’éleveurs équipé collectivement d’un toasteur italien. Intéressés, nous avons déchanté quand nous avons appris que la machine avait brûlé. Notre priorité était de trouver un matériel fiable et le plus autonome possible. Par contre, le débit nous importait peu compte tenu du faible tonnage à traiter (100 t/an pour le groupe dont 30-40 t pour le Gaec). »

En cherchant sur Internet, le groupe a trouvé un matériel américain adapté à ses exigences avec une capacité de 1 t/j. Il a été acheté par le Gaec du Mûrier pour un montant de 12 000 € rendu port du Havre, les neuf autres exploitations du groupe se portant caution. Le toasteur est arrivé en avril 2017 au port du Havre où il a été bloqué jusqu’à mi-octobre par les ­douanes. « Les fonctionnaires n’avaient jamais vu une telle machine. Ils se sont interrogés : pouvait-elle servir de lance-missiles ?Pour traiter avec eux, il a fallu passer par une entreprise spécialisée. La sortie du matériel a coûté 2 000 € en frais de dédouanement. »

Neuf mois d’attente avant d’utiliser le toasteur

Les difficultés ne se sont pas arrêtées là. « Il a fallu faire certifier le matériel aux normes UE. Bureau Véritas, spécialisé dans la certification, s’est déplacé mi-décembre 2017 et nous a fait un devis de 2 800 €. Treize anomalies concernant les circuits électriques et la sécurité ont été relevées. Aux États-Unis, les fils électriques sont rouges. Dans l’UE, ils sont bleus. Des voyants manquaient pour savoir, par exemple, si la vis sans fin à l’intérieur du tube tournait. Des pièces métalliques du système de chauffage étaient mal isolées. Pour remédier aux anomalies électriques, nous avons fait appel à un électricien (1 000 €). Nous avons réglé par nous-mêmes les points mécaniques. »

Fin janvier 2018, Bureau Véritas après une ultime vérification, a enfin accordé l’autorisation de mise en route du toasteur, qui va pouvoir être utilisé en poste fixe. Le prix de son utilisation reste à fixer. Avec une durée d’amortissement de dix ans et un volume de 100 tonnes de graines à toaster par an, il pourrait se situer autour de 30 € la tonne (électricité comprise).

Anne Bréhier

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