Échanges mondiaux de viande bovine L’UE fait de moins en moins le poids sur le marché mondial de la viande bovine
À contre-courant des tendances observées à l’échelle mondiale, la production de viande bovine de l’Union européenne continue de diminuer. Elle importe de plus en plus et exporte de moins en moins vers les pays tiers, ce qui la place dans une position très marginale dans un commerce mondial plus polarisé que jamais entre les Amériques et l’Asie.
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L’Union européenne pèse de moins en moins lourd sur le marché mondial de la viande bovine. C’est l’un des enseignements de la journée « marchés mondiaux de la viande » organisée par l’Idele le 8 juin. De fait, l’évolution de la production européenne va à contrecourant de ce qu’on observe à l’échelle mondiale, a expliqué Caroline Monniot, économiste au GEB-Idele.
Le cheptel mondial a ainsi augmenté de 0,7 % par an en moyenne sur les dix dernières années, avec notamment des hausses dans certains pays développés d’Asie (Corée du Sud, Japon), qui importaient jusqu’ici une large part de leur consommation de viande bovine mais proposent désormais des subventions publiques pour développer un cheptel allaitant.
Il croît aussi dans certains pays émergents d’Amérique latine (Colombie, Mexique), qui veulent développer une production d’exportation, y voyant un atout pour leur balance commerciale, et qui pour cela « investissent dans la génétique et veulent aller exporter des produits de plus en plus qualitatifs ».
Cela s’accompagne logiquement d’une hausse de la production mondiale de viande bovine : + 1 %/an sur dix ans. Entre 2021 et 2022, elle a surtout augmenté en Amérique du Nord (« la très forte sécheresse a entraîné une décapitalisation, d’où une hausse de production), chez les mastodontes indien et chinois, au Brésil, et au Mexique, « qui garde de plus en plus les animaux pour les engraisser et les abattre sur place, devenant exportateur alors qu’il était importateur il y a dix ans ».
« Il n’y a qu’en Europe que le cheptel total diminue »
Le cheptel européen continue en revanche de baisser depuis 2017, « après une phase de consolidation entre 2013 et 2016, liée notamment à la fin des quotas laitiers » : - 6 % de vaches en cinq ans, - 9 % en quinze ans, laitières et allaitantes confondues. Avec moins de disponibilités à abattre, la production de viande bovine de l’UE-27 s’est réduite de 2,5 % entre 2021 et 2022, tombant à 6,6 Mtéc (millions de tonnes-équivalent-carcasse).
Elle a diminué dans la plupart des pays membres (- 4,4 % pour la France, - 8,4 % pour l’Allemagne, - 2,6 % pour la Pologne) mais avec deux exceptions notables : l’Espagne (+ 1,9 %), où « davantage d’animaux ont été mis à l’engraissement », et en Irlande (+ 4,5 %), où « le ralentissement de la capitalisation laitière a donné lieu à de nombreuses réformes de vaches » et où « plus de bœufs avaient été mis à l’engraissement en 2019-2020 ».
En face, la consommation européenne de viande bovine s’est érodée de 0,8 % par rapport à 2021 en raison « des disponibilités en baisse et de l’inflation qui a réduit le pouvoir d’achat ». Une baisse moins importante que celle de la production, ce qui « réduit l’autosuffisance de l’UE-27 », pointe l’Idele. Et là encore, une évolution à contresens de la tendance mondiale : en hausse depuis soixante ans, la consommation mondiale de viande bovine devrait encore progresser de 4 % d’ici à 2031, selon la FAO.
Faute de disponibilités, l’UE est peu présente dans les flux mondiaux
Ces dernières années, les flux mondiaux de viande bovine, portés par les géants américains et océaniens, sont de plus en plus importants : 18 % des volumes produits étaient exportés en 2022, contre environ 12 % dans les années 2000.
En six ans, ils se sont particulièrement intensifiés vers l’Asie, avec « d’énormes flux » des pays du Mercosur vers la Chine et de l’Amérique du Nord vers le Japon et la Corée, et une reprise des flux australiens vers la Chine en 2022.
Entre 2021 et 2022, les hausses de production ont notamment mené à une hausse des exports brésiliens (+ 554 ktéc), mexicains (+ 49 ktéc), étasuniens (+ 48 ktéc) et indiens (+ 43 ktéc).
Les exports européens de viande bovine ont à l’inverse baissé de 602 ktéc et 4 % d’une année sur l’autre : la réduction de la production a limité le disponible exportable, et « la forte hausse des cours a réduit la compétitivité des viandes européennes sur les marchés émergents », précise l’Idele.
Si bien que les ventes européennes ont baissé de 68 % vers la Chine, de 24 % vers le Moyen-Orient et l’Afrique du nord et de 21 % vers l’Afrique subsaharienne, mais aussi de 37 % vers la Norvège et de 26 % vers les USA. Ils ont progressé vers le Royaume-Uni (+13 %), en lien avec la hausse de la production irlandaise.
Reprise des échanges entre pays membres et des importations
L’UE apparaît de plus en plus marginale dans le commerce entre grands bassins mondiaux. En revanche, les échanges intracommunautaires de viande bovine ont nettement repris après s’être contractés en 2020, représentant 37 % des volumes abattus en 2022 (35 % en 2019) et avec des échanges croissants de viande désossée.
Les trois quarts de ces échanges de viande bovine au sein de l’UE ont été assurés par six pays en 2022. En tête, les Pays-Bas (521 ktéc exportés), qui fournissent de la viande de veau, de la viande d’autres États membres découpée aux Pays-Bas et de la viande sud-américaine arrivée à Rotterdam et « difficile à tracer ». Suit la Pologne (409 ktéc), dont les flux concurrencent la France sur ses marchés mais dont la production s’érode « faute de veaux à engraisser ».
À la fois « gros importateur et gros exportateur » de viande bovine, l’Allemagne arrive troisième (302 ktéc). Présente sur le marché français mais aussi sur nos marchés d’export, notamment italien, l’Irlande a expédié 262 ktéc au sein de l’UE-27 en 2022. Et les flux espagnols (230 ktéc), qui nous concurrencent vers l’Italie et le Maghreb, sont passés devant les flux français (224 ktéc).
En parallèle, l’UE-27 s’est remise à importer de la viande bovine en 2022 des pays tiers, après un ralentissement dû à la pandémie et à la fermeture des structures de restauration (qui consomment surtout des viandes importées) : les importations ont rebondi de 25 % en un an, avec une hausse significative des achats au Royaume-Uni, à l’Argentine et aux USA.
Quelles perspectives ?
Au niveau mondial, la production de viande bovine est attendue« quasiment stable » en 2023 avec une hausse pour la Chine, « le grand retour de l’Australie », le Brésil et la Chine toujours présents, qui contrebalanceraient le « fort retrait » des USA. Côté UE, la Commission prévoit une baisse de la production d’1,6 % par rapport à 2022, plus marquée que celle de la consommation (- 1,3 %).
Les exportations de viande européenne vers les pays tiers sont attendues stables par rapport à 2022. « Les flux intra-UE continuent de se reprendre et cela devrait continuer », note Caroline Monniot, en lien avec la hausse de la consommation en restauration au détriment des achats au détail.
Les importations devraient augmenter de 5 % d’une année sur l’autre. « Ce ne sera pas encore l’invasion, mais à force de réduire nos abattages, petit à petit la place de l’import va prendre de plus en plus de place », souligne l’économiste.
Et à plus long terme, avec « une production et une consommation matures alors qu’ailleurs elles se développent », il est pour elle certain que le poids de l’Europe sur le marché mondial continuera de s’amoindrir.
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