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Christophe Perrot : « Les troupeaux de plus de 500 vaches se développent en Europe »

En Allemagne, il existe déjà depuis plusieurs années des élevages comptant quelques milliers de vaches.

Aux États-Unis ou en Chine, les très grands élevages laitiers regroupant des milliers de vaches sont légion. L’Europe se distingue mais les évolutions varient selon les pays et les unités de plusieurs centaines de laitières se développent. Interview de Christophe Perrot, de l’Institut de l’élevage.

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Que représentent les très grands troupeaux laitiers en Europe ?

Christophe Perrot : Les statistiques de l’Union européenne (UE) ne détaillent pas la distribution des troupeaux laitiers par classes de nombre de vaches. Elles s’arrêtent aux UGB. En 2020, l’UE comptait 6 560 élevages à plus de 500 UGB (1,6 %) qui élevaient en moyenne 439 vaches laitières. Leur production était évaluée à 18 % des livraisons européennes, en prenant l’hypothèse d’une productivité à 10 000 kg de lait par vache. On estime que sur les 400 000 élevages laitiers comptant plus de dix vaches dans l’UE, environ 400 en ont plus de 1 000. On les trouve surtout dans l’est du continent et en Espagne. Leur nombre semble relativement stable. En revanche, il existe une réelle dynamique de développement pour les troupeaux de 500 à 1 000 vaches, sauf en France (15 troupeaux de plus de 400 vaches) et dans une moindre mesure en Irlande (128 troupeaux de plus de 400) et aux Pays-Bas (65 de plus de 500).

Le contexte actuel favorise les stratégies s’appuyant sur le volume. Dès que le prix du lait dépasse le coût de production, ce qui est le cas, les profits s’envolent grâce aux volumes. Les éleveurs installés au Danemark, en Allemagne du Nord, en Espagne, ou dans la plaine du Pô en Italie, l’ont très bien compris.

Pourquoi cette particularité de l’Europe alors que les mégafermes laitières se développent ailleurs ?

C. P. : Les systèmes agraires européens sont anciens et présentent des parcellaires découpés qui rendent plus difficile l’obtention d’économies d’échelle en cas de fort agrandissement. Elles ont tendance à plafonner dans le contexte UE. De plus, la sensibilité des citoyens aux modèles agricoles est une réalité qui débouche sur une forme de contrôle pour des motifs de pollution, bien-être animal ou de pression sur les ressources. Cela n’existe pas aux USA ou en Chine. Les seuils de réactions diffèrent selon les pays. On se souvient en France du tollé contre la ferme des 1 000 vaches. Il a pénalisé le développement d’élevages de plus de 400 vaches pendant plusieurs années. En Espagne, les troupeaux de plusieurs centaines de vaches existent depuis longtemps mais c’est un projet à 20 000 qui a poussé l’État à réglementer et à imposer un plafond à 850 UGB. On a vu des réactions similaires en Angleterre face à un projet de 8 000 vaches ou en Allemagne pour 3 300.

Comment se situe la France ?

C. P. : La France est un peu décalée par rapport à ses voisins pour des raisons historiques et sans doute réglementaires. Selon les statistiques européennes, la France recensait 750 troupeaux de plus de 500 UGB en 2020. Ils possédaient en moyenne 142 vaches laitières, loin derrière les chiffres européens. Dans les élevages français, seulement 15 % de la main-d’œuvre est salariée, contre 30 % en Allemagne ou 70 % au Danemark. Cependant, la situation évolue en raison de l’amélioration du prix du lait. La robotisation de la traite progresse à grande vitesse et elle se marie très bien avec le développement du salariat. Le nombre de troupeaux comptant entre 200 et 400 vaches est en hausse. Cette dynamique est cependant assez hétérogène. Elle est marquée en Normandie, quand la Bretagne subit un choc démographique et que la Vendée doute de sa vocation laitière.

La transmission des gros élevages ne pose-t-elle pas problème ?

C. P. : Aujourd’hui, le Danemark est confronté à cette difficulté. Les outils de grande taille et sur­équipés coûtent extrêmement cher. Les repreneurs doivent s’associer à des actionnaires et l’on assiste à un changement de modèle. La France n’est que peu concernée mais, déjà, on voit de belles structures qui peinent à être reprises en Normandie. Il revient aux éleveurs d’anticiper leur départ à la retraite pour assurer la pérennité de leur outil. Le portage temporaire de capital offre des solutions. Les coopératives sont interpellées sur ce sujet. Sodiaal recherche actuellement des solutions concrètes. En Bretagne, Eureden a rencontré cette problématique il y a plusieurs années avec les élevages porcins. Elle a développé des outils qu’elle pourrait étendre aux laitiers. Il s’agit notamment d’un accompagnement financier à l’installation, plafonné et laissant toujours l’éleveur majoritaire au capital.

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