Quelle place pour les dérobées dans mon système fourrager ?
Pour pallier un déficit fourrager, améliorer l’autonomie protéique ou encore accroître les surfaces en cultures de vente, de nombreux éleveurs implantent des dérobées. L’intérêt économique de cette pratique n’est pas systématique.
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On observe, depuis plusieurs années, une tendance à l’intensification fourragère qui se traduit par une hausse du chargement. En dix ans, sur le périmètre Innoval Bretagne, le chargement moyen est passé de 1,58 à 1,69 UGB/ha de SFP. Une tendance qui masque une diversité de trajectoires, avec des exploitations dont l’assolement a peu évolué et d’autres où la part de dérobées a considérablement augmenté.
Combien coûtent les dérobées ?
Une enquête réalisée en 2023 auprès d’éleveurs laitiers a permis de calculer précisément le coût rendu silo des dérobées à partir d’itinéraires techniques détaillés : implantation, fertilisation, mode de récolte, etc. En moyenne, le coût sur pied (semence + fertilisation + mécanisation implantation + main-d’œuvre) s’élevait à 275 €/ha. Le coût rendu silo (coût sur pied + intrants récolte + mécanisation récolte + main-d’œuvre) était en moyenne de 560 €/ha, soit de 140 à 190 €/t de MS selon le rendement. À titre de comparaison, le coût du maïs ensilage rendu silo varie entre 100 € et 130 €/t de MS. Et il faut compter 130-150 €/t de MS pour un ensilage de prairie temporaire.
L’itinéraire d’implantation, le prix des semences, les pratiques de fertilisation ou encore le mode de récolte sont les principaux facteurs de variation du coût final de la dérobée.
LES COMMENTAIRES DE L’EXPERT
« UN IMPACT SUR LE TRAVAIL À PRENDRE EN CONSIDÉRATION »
On considère qu’il faut compter au minimum 4 heures de travail de l’implantation à la récolte pour un hectare de dérobée. Bien qu’une partie de ce temps se substitue à celui nécessaire pour l’implantation des couverts végétaux, on peut estimer que, pour le Gaec des Robes, la gestion des dérobées entraînera une charge de travail supplémentaire d’environ 60 heures par an. Au-delà du temps, c’est surtout l’organisation du travail qui sera considérablement affectée, avec un pic de travail saisonnier au printemps. Les épandages de déjections seront regroupés sur une période déjà très chargée.
« UN INTÉRÊT ÉCONOMIQUE LIMITÉ »
Avec davantage de charges de mécanisation à l’implantation et des coûts de semence et de fertilisation supérieurs, le coût sur pied des dérobées est plus élevé que celui des Cipan (cultures intermédiaires piège à nitrates) dont l’implantation reste obligatoire. Les valeurs alimentaires des dérobées sont souvent inférieures à celles d’un ensilage de prairie temporaire, ce qui risque d’influer sur les performances laitières et/ou les consommations de concentrés. L’un des enjeux majeurs concernant la récolte des dérobées est de viser un stade garantissant des valeurs alimentaires correctes, tout en atteignant un rendement suffisamment élevé pour diluer les coûts de récolte. Avec la nouvelle Pac 2023, un mélange fourrager constitué de plus de 50 % de graines de légumineuses et présent sur une parcelle au-delà du 1er mars, peut être considéré comme culture principale et être ainsi éligible à l’aide aux légumineuses fourragères. Une opportunité économique non négligeable de l’ordre de 150 €/ha.
La conclusion de l’expert
« LE PRINCIPAL LEVIER POUR SÉCURISER UN SYSTÈME FOURRAGER, C’EST D’ADAPTER LE CHARGEMENT »
Bien que la couverture des sols en hiver soit obligatoire dans certaines régions, la récolte des dérobées représente un surcoût non négligeable par rapport aux charges liées à l’implantation des Cipan. Les coûts rendu silo des dérobées oscillent entre 140 € et 190 €/t de MS selon le rendement. Quand cela est faisable (accessibilité, clôtures, abreuvement, etc.), il faut privilégier le pâturage des dérobées pour limiter les coûts. Les génisses peuvent très bien valoriser ces surfaces à l’automne.
Les dérobées permettent de produire un volume de fourrages complémentaire en peu de temps pour combler un déficit. Leur réussite est malgré tout dépendante des conditions météo. De plus, l’impact sur la culture suivante peut être considérable : jusqu’à — 25 % de rendement maïs selon les conditions. Dans un contexte de changement climatique, il est risqué de baser un système fourrager sur la valorisation des dérobées dont les valeurs alimentaires et les rendements seront très hétérogènes. Le principal levier pour sécuriser un système fourrager, c’est d’adapter le chargement au potentiel pédoclimatique.
Au-delà de l’aspect économique, la place des dérobées dans le système fourrager doit être également réfléchie en tenant compte des impacts travail (volume, organisation) et environnementaux. Dans certaines situations, les dérobées se substituent partiellement aux prairies qui présentent pourtant de nombreux intérêts : stockage carbone, biodiversité, réduction IFT, etc.
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