Freinage Dans moins de un an, la réglementation change
Au 1er janvier 2025, le freinage évolue sur les matériels neufs : les tracteurs et une grande partie des outils traînés seront équipés uniquement de système double ligne. Une mesure peu connue qui, faute d’anticipation, pourrait avoir un impact fort sur les stratégies d’achats.
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Le règlement 167/2013, adopté depuis une dizaine d’années, est un texte européen qui concerne la sécurité des matériels agricoles et qui a engendré une première étape dans l’évolution du freinage en 2018. Date depuis laquelle tous les tracteurs neufs sont désormais vendus avec un système de freinage double ligne. Dans les faits, ce changement d’équipement a eu peu d’impact sur le quotidien des utilisateurs, passant même parfois presque inaperçu. «Cette mesure, pourtant importante, n’a sans doute pas été suffisamment expliquée, regrette un professionnel du secteur, car avec ce qui arrivera l’an prochain, nous serons confrontés à des situations sans doute compliquées. » En effet, une seconde étape est planifiée pour début 2025, et vient d’une évolution de la réglementation française. Elle aura selon les situations de véritables conséquences, en particulier pour les acheteurs de tracteurs de petites et moyennes puissances, très courants dans le monde de l’élevage. Le risque ? Se retrouver avec du matériel traîné dont le système de freinage ne pourra plus être connecté à celui du tracteur. Voici en quelques questions les principaux points à connaître afin de se préparer à la future législation et d’éviter ainsi de tomber dans une impasse.
Que prévoient les textes réglementaires ?
L’objectif de la réglementation est louable : homogénéiser les règles d’homologation à l’échelon européen, tout en renforçant la sécurité des convois agricoles. En effet, le principe du freinage hydraulique simple ligne, qui équipe encore la majorité des matériels vendus en France, n’est plus adapté ni au poids des véhicules actuels, ni à la vitesse des tracteurs. Les remorques, épandeurs, ou autres matériels qui en sont équipés ne sont homologués qu’à 25 km/h, alors que le Code la route autorise les tracteurs à rouler à 40 km/h. Chez beaucoup de nos voisins européens, il a été remplacé par la technologie du freinage pneumatique double ligne, plus performante en matière de sécurité. Pour ne pas imposer de changement trop brutal et créer une période de transition, la nouvelle réglementation a donc d’abord obligé les tractoristes à installer un système de freinage double ligne sur tous les tracteurs neufs vendus depuis 2018. Les constructeurs avaient toutefois le choix de la technologie : pneumatique ou hydraulique. La prochaine étape prévoit que la grande majorité (1) des véhicules tractés neufs (remorques, plateaux, épandeurs, pulvérisateurs, bols mélangeurs, outils semi-portés, etc.), mis en service à partir du 1er janvier 2025, soit eux aussi équipés d’un freinage double ligne. Le choix entre système pneumatique et hydraulique est le même. Mais cette cohabitation de deux technologies différentes et incompatibles entre elles risque de créer des problèmes aux utilisateurs finaux.
Quelle est la situation actuelle ?
Pour répondre à l’obligation légale d’installer un freinage double ligne sur le tracteur depuis 2018, les tractoristes n’ont pas tous fait le même choix. Beaucoup de marques ont même adopté plusieurs stratégies, selon les modèles et la demande de leurs clients. Une première option consistait à installer systématiquement un freinage pneumatique à double ligne. Ce principe, très répandu dans d’autres pays européens, est fiable et maîtrisé. En France, certains agriculteurs et de nombreux ETA réalisant régulièrement du transport l’utilisaient déjà avant l’évolution de la norme. Le freinage pneumatique double ligne s’est ainsi facilement imposé sur une majorité de tracteurs de moyennes et fortes puissances. En option complémentaire, le constructeur a très souvent conservé une prise standard hydraulique simple ligne. Avec ce montage mixte, l’agriculteur peut ainsi atteler tous ses matériels.
N’ayant pas l’obligation d’installer uniquement du freinage pneumatique, les tractoristes ont également imaginé une alternative : la pose de prises hydrauliques à double ligne. La raison ? Cette technologie répond à l’obligation réglementaire de sécurité, puisqu’elle compte deux réseaux à actions opposées, et elle est compatible avec les freinages simple ligne déjà en service sur les matériels attelés. Constructeurs et vendeurs justifient aussi ce choix par des arguments économiques : « le système hydraulique à double ligne est moins cher », du moins côté tracteur, et « il évite de monter un freinage pneumatique dont les agriculteurs n’ont pas l’utilité », pour le moment. C’est donc ce principe qui a été le plus fréquemment retenu, notamment sur les tracteurs d’entrée de gamme, très répandus en élevage.
À quels changements s’attendre en 2025 ?
L’année prochaine sera marquée par des évolutions importantes qui ne concerneront que les ventes de matériels neufs. Sur les tracteurs, il sera définitivement interdit d’installer une prise hydraulique simple ligne en complément d’un freinage pneumatique. Seuls les équipements double ligne seront autorisés, avec la possibilité tout de même d’installer les deux technologies sur le même tracteur, quand le montage est techniquement possible. Le deuxième changement concerne les constructeurs de véhicules tractés qui devront eux aussi s’adapter à la réglementation en équipant leurs gammes uniquement avec des freinages double ligne. Mais, qu’il s’agisse d’une remorque ou de tout autre type de véhicule, il n’est pas possible d’installer les deux technologies sur le même essieu. Les fabricants devront donc choisir entre pneumatique ou hydraulique. Le premier est déjà largement utilisé notamment sur tous les poids lourds. En agriculture, ce principe est bien connu et les fabricants disposent de solides références, ce qui procure à cette technologie un net avantage.
À l’opposé, le freinage hydraulique à double ligne est beaucoup plus confidentiel, avec des développements plus récents, liés notamment à la mise en place de la nouvelle norme. « En hydraulique, la technologie est maîtrisée et les premières homologations à 40 km/h sont en cours », affirme tout de même un équipementier. Plusieurs marques se disent prêtes à l’installer sur leurs véhicules dès l’an prochain. Sur la question du prix, les réponses sont plus vagues : des constructeurs évoquent un tarif équivalent à celui du pneumatique, alors que d’autres prévoient entre 800 et 1 500 € de surcoût. Dans les faits, proposer un véhicule équipé d’un freinage hydraulique double ligne répondra surtout à la demande des exploitants dont le tracteur n’est pas équipé de prises pneumatiques. Des technologies pourraient permettre le fonctionnement d’un tel véhicule traîné avec un tracteur plus ancien qui n’est pourvu que d’une seule prise hydraulique simple. Mais actuellement, sur le plan réglementaire, un tel convoi n’est pas autorisé à circuler sur la route.
Quelle technologie choisiront les constructeurs de véhicules tractés ?
Les marques se positionnent selon divers critères : importance du marché français, profil de la clientèle, capacité industrielle… Deux grandes catégories se dessinent. Les premiers répondent : «En 2025, nous ne vendrons plus que du matériel avec un freinage pneumatique.» Un choix strict, principalement adopté par les grandes marques étrangères. Ces dernières expliquent qu’elles n’installent aujourd’hui des freins hydrauliques simple ligne que pour le marché français. Pas question donc pour ces multinationales de conserver à l’avenir deux références pour le même produit. Charge à la clientèle de changer de tracteur ou de l’adapter en conséquence.
Le second groupe est constitué principalement de constructeurs basés en France, pour lesquels le marché hexagonal est prioritaire. Ces marques annoncent qu’elles proposeront le choix entre les deux systèmes, selon la demande du client, avec donc une solution pour tout agriculteur, quel que soit le type de freinage qui équipe son tracteur.
Les stratégies évoquées aujourd’hui peuvent encore évoluer. Pour 2025, constructeurs et distributeurs s’attendent donc à une période de flou où c’est la demande du marché qui orientera les choix industriels des marques, soit uniquement en faveur du pneumatique, soit vers une offre partagée entre les deux technologies.
Qui sera concerné à partir de 2025 ?
À peu près tout le monde. En effet, la période théorique de transition prévue entre 2018 et 2025 était trop courte pour permettre aux exploitants d’adapter 100 % de leur parc matériel à la prochaine échéance. Et dans les faits, très peu d’agriculteurs ont réellement anticipé ce changement. Les cas d’incompatibilités pourraient se multiplier (lire encadré page 43), obligeant les exploitants à des renouvellements de matériels non planifiés ou bien à faire rééquiper leurs tracteurs de kits de freinage double ligne. Selon les marques ou les modèles, il est par exemple possible d’installer en seconde monte un nouvel ensemble complet de freinage. Le prix d’un kit varie entre 1 500 et 6 000 €. Un flou demeure toutefois sur le plan juridique. Le matériel ainsi modifié sera-t-il homologué pour aller sur la route ? Mieux vaut s’en assurer au préalable auprès de son concessionnaire et de son assureur.
«Quelle que soit la situation, il faut tout faire pour éviter que des convois ne prennent la route sans solution de freinage, souligne un conseiller machinisme. Quand un agriculteur me parle de renouveler un tracteur ou du matériel traîné dans les mois à venir, je l’invite à se pencher sur cette évolution de la norme. S’il craint de tomber dans une impasse, il peut anticiper son achat pour passer en commande avant la fin de l’année et ne pas être impacté. S’il n’est pas pressé, mieux vaut attendre un peu pour voir comment l’offre des constructeurs évoluera.»
(1) Seront concernés les véhicules dont le poids par essieu dépasse 1,5 t pour les remorques et 3,5 t pour les outils traînés. En dessous de cette valeur, le freinage n’est pas obligatoire.
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