Traite robotisée « Les robots en batch milking sont adaptés aux grands troupeaux avec des salariés »
La traite robotisée en batch milking (par lots) fait son entrée en France. La Ferme de la Tremblaye a mis en route en juillet ce système développé par DeLaval. En 2024, 220 vaches seront traites par six robots pour 300 000 litres par robot.
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Avec ses 170 vaches, la Ferme de la Tremblaye appartient à la catégorie des grands troupeaux. Au printemps prochain, elle en comptera 220. En juillet dernier, elle a mis en route un nouveau site laitier, construit à quelques centaines de mètres du site d’origine, au centre des prairies pâturées. Ce dernier avait l’avantage d’être juste à côté de la fromagerie qui transforme la totalité du lait produit (1,2 Ml en 2023 et 1,8 Ml en 2024), mais ses bâtiments étaient devenus dépassés. « De plus, les vaches devaient traverser la route départementale pour accéder aux pâtures. Ce n’était pas pratique. À l’ouest de Paris, dans les Yvelines, la ferme est dans un secteur urbanisé », indique Baptiste Carrouché, gérant de l’entreprise.
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Temps de traite : une heure et quart par lot
La conception du nouveau site repose sur deux grandes innovations : les vaches sur litière malaxée et surtout la traite par six robots organisés en batch milking. Traduisez : traite par lots. Ce système, conçu par DeLaval pour les grands troupeaux, est un mix entre les robots en libre accès et la salle de traite. Il est le premier installé en France.
Le matin à partir de 6 heures et le soir à partir de 16 heures, un salarié pousse à tour de rôle les trois lots de 50 à 60 vaches vers le parc d’attente bordé de robots : un de jersiaises, un de holsteins hautes productrices et fraîches vêlées, un de holsteins à production plus faible ou en fin de lactation. Une fois traites, les vaches quittent le bloc de traite par un couloir arrière, puis retournent vers la litière malaxée ou sont dirigées vers l’espace d’infirmerie par une porte de tri. « La traite dure 3 h 30. Pendant ce temps, le salarié effectue d’autres tâches : soigner les veaux, inséminer les vaches et les génisses, malaxer les litières, saisir des données, préparer le pâturage, etc., explique Baptiste Carrouché. Il ne s’occupe pas de nettoyer le parc d’attente et les couloirs de circulation. Les déjections sont collectées par un robot en milieu de journée et durant la nuit sur 850 m2. Le robot collecteur les déverse dans la fosse. » Les eaux de lavage sont récupérées et acheminées vers la station d’épuration de l’exploitation. Les urines et fèces excrétées durant la traite sont collectées dans un canal à l’arrière de la stalle et envoyées dans la fosse à lisier qui alimente le méthaniseur. Le salarié intervient tout de même en fin de traite : il pousse les vaches qui traînent. « Au lancement du projet, nous avions prévu une heure de traite pour 50 à 60 vaches. En réalité, il faut compter 15 minutes de plus pour pousser les retardataires, précise le gérant. Nous réflechissons à accélérer la sortie des vaches des robots et à installer une barrière poussante dans le parc d’attente. Cette organisation économise un poste de salarié. »
Un argument pour recruter des salariés
Trois raisons ont guidé ce choix. La première est d’ordre salarial. « La conduite des grands troupeaux s’appuie souvent sur les salariés, qui ont aujourd’hui le choix des offres d’emploi, surtout en région parisienne. Il faut leur proposer des conditions attractives », estime Baptiste Carrouché. Or, en traite robotisée classique, l’astreinte de travail porte essentiellement sur la gestion des alarmes, y compris la nuit. « On ne peut pas l’exiger des salariés, qui ont droit à la déconnexion. De plus, la ferme est à une heure et demie du premier concessionnaire. Si panne il y a, elle nécessite des compétences du salarié pour la remise en route et le rattrapage des vaches non traites. » Pour le gérant, le batch milking robotisé rassemble les atouts des deux systèmes de traite : il évite la pénibilité physique de la traite et lui donne un début et une fin. En cas de panne d’un robot, les autres peuvent absorber les vaches qu’il prend habituellement en charge.
Maintien du pâturage tournant dynamique
Le deuxième argument qui a pesé en faveur de cette organisation est le maintien du pâturage tournant dynamique. Il est appliqué aux trois lots qui bénéficient chacun d’une surface dédiée. En traite robotisée libre, la Ferme de la Tremblaye aurait dû abandonner cette méthode pour une gestion du pâturage à l’animal moins encline à maximiser l’ingestion de l’herbe pâturée. Il n’en était pas question. « L’emplacement du nouveau site a été choisi pour, justement, faciliter le pâturage. Les vaches en lactation peuvent accéder directement de la stabulation aux paddocks. » Le troisième argument concerne la litière malaxée qui est libérée durant la traite de chaque lot : « Cela permet de passer un outil à dents sur l’aire qui lui est dédiée et laisse le temps à la litière de sécher. »
800 000 € pour 1,8 Ml
L’investissement dans le bloc de traite s’élève à 800 000 € : 700 000 € pour les six robots après négociations avec DeLaval et 100 000 € pour un bâtiment (440 m², dont 350 m² de parc d’attente équipé d’un rideau brise-vent et pluie). Les 700 000 € intègrent les six stalles et l’espace infirmier et de contention, mais aussi le matériel relatif à la traite, à savoir deux tanks à lait de 6 000 l et 4 000 l pour séparer les laits destinés à la transformation fromagère, les lactoducs, deux compresseurs, deux pompes à vide ou encore l’arrivée des concentrés au Dac des robots. Une passerelle située juste au-dessus regroupe en une seule ou deux lignes les lactoducs, le réseau de vide et le transport des concentrés. « Deux stalles peuvent être ajoutées. Le bloc de traite est conçu pour huit, y compris la passerelle et ses équipements. » L’investissement est amorti sur quinze ans. Il s’intègre dans la construction du nouveau site laitier d’un montant total de 3,5 M€.
Un modèle économique qui se cherche
Bien sûr, la question de la rentabilité d’une telle installation se pose. Avec 35 à 40 vaches et 300 000 litres par robot à partir de 2024, elle est en dessous des critères d’optimisation technico-économique habituels (70 vaches et 700 000 l). « C’est un surinvestissement au départ, mais en plus d’un salarié en moins, elle permet aussi des économies d’échelle sur les écrans tactiles (un pour deux robots), les compresseurs et pompes à vide ou encore les lactoducs, répond Baptiste Carrouché. Par ailleurs, les robots sont moins sollicités, donc ils s’useront moins vite. Enfin, si nous le souhaitons, le régime des installations classées autorise la ferme à monter son troupeau jusqu’à 280 vaches. » Et le gérant d’ajouter : « Nous ne prétendons pas être la réponse à la traite des grands troupeaux, mais seulement une réponse aux problématiques de renouvellement des générations, de main-d’œuvre et d’équilibre de vie. Ce système de batch milking répond bien à notre modèle 100 % salarié. » Face à l’investissement total de 3,5 M€, il avance un prix du lait de 480 €/1 000 l pour être à l’équilibre, sans indiquer à quel prix le lait transformé en fromages est réellement valorisé. Précisons aussi que le modèle économique de la Ferme de la Tremblaye est atypique dans le paysage laitier français. Elle appartient à une famille d’industriels français de l’agroalimentaire, discrète.
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