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Stress thermique « La ventilation latérale de notre bloc de traite aide nos vaches durant les fortes chaleurs »

Stéphanie et Ludovic Thépaut ont mis en route une salle de traire de 2x26 postes en simple équipement en 2021 pour limiter leur temps de traite à 50 minutes seuls, nettoyage compris. Ce confort de travail profite à leurs cent vaches qui ne restent que 35 à 40 minutes debout.

Stéphanie et Ludovic Thépaut, éleveurs à Locarn, dans les Côtes-d’Armor, ont construit leur bloc de traite au pignon de la stabulation laitière, perpendiculaire à elle, pour bénéficier d’une ventilation sur les deux façades. Des bardages coulissants apportent de la souplesse dans la gestion des températures du moment.

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Les fortes chaleurs au printemps et en été sont rentrées dans le quotidien des éleveurs laitiers français, y compris à l’extrême ouest, en Bretagne. Bon nombre d’entre vous ont entrepris des adaptations de bâtiments pour offrir aux laitières un meilleur confort thermique : amélioration de la ventilation naturelle, installation de ventilateurs mécaniques, et éventuellement, en dernière étape, mise en place d’un système de brumisation ou de douche au-dessus du couloir d’alimentation. « Dans ces aménagements, il ne faut surtout pas oublier le bloc de traite », pointe Pierrick Eouzan, chargé d’études en bâtiments et équipements aux chambres d’agriculture de Bretagne. « Le regroupement des animaux deux fois par jour dans le parc d’attente et leur passage en salle de traite accentuent le risque de stress thermique. Le renouvellement de l’air, la création de courants d’air et la limitation du rayonnement solaire sont les trois leviers prioritaires pour améliorer l’existant. »

Pierrick Eouzan est chargé d’études bâtiments et équipement aux chambres d’agriculture de Bretagne. Dans le cadre du programme « Bati Lait Mieux » financé par le Cniel, il a travaillé avec l'Idele, d’autres chambres d’agriculture et le BTPL sur des recommandations de confort thermique, publiées en septembre 2022. Le document « Assurer un confort thermique optimal au sein du bloc traite en période chaude », téléchargeable sur le site du Cniel. ( © C.Hue)

Un positionnement du bloc de traite compliqué à décider

Ces trois préconisations se confrontent évidemment aux contraintes des sites d’élevage. Celui de Stéphanie et Ludovic Thépaut est implanté dans un petit vallon, le long d’une falaise avec la route en surplomb. Il a fait l’objet de deux extensions pour absorber l’agrandissement du troupeau : une de 25 mètres en 2016 et une autre de 21 mètres en 2020. « Auparavant, les vaches étaient obligées de traverser la cour pour rejoindre la salle de traite de 2 x 8 postes. Nous effectuions la traite en deux heures et demie, lavage compris », racontent-ils. Pour le couple, ce n’était pas tenable. Une salle de traite adjacente à la stabulation était indispensable. « La topographie compliquée du terrain offrait quatre possibilités, mais chacune imparfaite », rapporte Stéphanie. Celle qui a été retenue est la construction d’une salle de traite de 2 x 26 postes en simple équipement et de la laiterie dans le prolongement. L’ensemble est positionné en pignon, perpendi­culaire au bâtiment laitier, avec le parc d’attente situé en bout de couloirs de raclage. Les 165 m² profitent des deux racleurs. Seule la surface entre les deux est nettoyée manuellement. « Nous avons considéré qu’en bout de bâtiment, grâce à ses deux façades, la salle de traite bénéficierait d’une meilleure ventilation par rapport aux autres solutions envisagées, indique Ludovic. De plus, même si ce n’est absolument pas envisagé aujourd’hui, son emplacement laisse la possibilité d’un second bâtiment. » Selon l’orientation du soleil, le parc d’attente, lui, profite d’une ouverture possible des quatre portails déjà existants l’été : trois sur son côté ouest et surtout un grand de 6 m côté nord.

Le bloc de traite en pignon, perpendiculaire au bâtiment, est la solution retenue parmi les quatre envisagées. Le site en fond de vallon complique les aménagements et agrandissements. ( © C.Hue)

Trois ouvertures modulables

Afin de créer une plus grande circulation transversale de l’air au niveau des animaux – ce qui les rafraîchit l’été –, sur le long pan côté ouest de la salle de traite, une partie du bardage en bois est remplacée par trois portails coulissants de 1,5 m x 3 m.

Trois bardages coulissants sur la façade ouest de la salle de traite sont posés une travée sur deux. Deux rails, un en haut et un en bas, assurent la fixation en hauteur et le déplacement du portail de 1,5 x 3m. Une vis à tête hexagonale à chaque extrémité sert de butée. Ouverts l’été, les trois bardages coulissants permettent une plus grande circulation transversale de l’air. Il faudrait un débord de toiture et un accès sécurisé pour compléter le dispositif. ( © C.Hue)

Côté est, le mur banché haut de 2,5 m n’est pas complété par un bardage jusqu’à la toiture. Il n’y a pas besoin de ralentir la vitesse de l’air. Elle l’est déjà par un appentis adossé, qui accueille des cases à veaux. L’abri est choisi haut de 3 m pour le passage du tracteur. « À cela s’ajoute un besoin de volume en adéquation avec les 52 vaches traites en même temps. La faîtière placée à 5,3 mètres du sol permet à l’air venu des côtés de remonter correctement », explique Pierrick Eouzan. Le renouvellement de l’air contribue à la lutte contre les mouches, évacue l’ammoniac et l’humidité. « Plus l’air est humide, plus les vaches se fatiguent. »

Le parc d’attente à l’extrémité de la stabulation laitière est équipé d’un abreuvoir, bien utile durant les canicules. Les quatre portes métalliques, trois sur le pignon ouest et une sur la façade nord, sont ouvertes en fonction de la chaleur du moment. Conçu pour 125 vaches, il en accueille un maximum de cent. ( © C.Hue)

Après deux années de fonctionnement, Stéphanie et Ludovic sont satisfaits. Ils reconnaissent néanmoins deux erreurs dans la gestion des pics de chaleurs : « Nous avons réfléchi cette conception en 2018-2019. À cette époque, nous pensions davantage à nous préserver des mouches, infernales en été, et à réduire nos consommations électriques. »

Il aurait fallu faire un débord de toiture

Côté ouest, en l’absence de débord de toiture, le soleil tombe sur le dos des vaches en fin d’après-midi. « En période de fortes chaleurs, nous sommes obligés de fermer les portes coulissantes. » L’autre défaut est la faîtière recouverte d’un dôme translucide. « L’hiver, il assainit l’ambiance humide et crée un éclairage naturel mais l’été, il assèche les surfaces. » « Il augmente aussi la température dans le bâtiment, intervient Pierrick Eouzan. L’Institut de l’élevage et les chambres d’agriculture ont réalisé dans des élevages français des mesures positionnées sous les dômes et les plaques translucides. Elles mettent en évidence une augmentation de 5 °C de la température au sol. » L’expérience acquise depuis cinq ans par l’Idele et les conseillers en bâtiments conduit aujourd’hui à la suppression des dômes et des translucides sur les pans de toiture exposés à l’ouest, au sud et sud-ouest.

Sur la façade est, lors de la construction de la salle de traite, il a été décidé de tester seul le mur de 2,50 m de haut (sans bardage) pour favoriser la ventilation latérale. Un appentis d’élevage des veaux lui est adossé et sert de barrage au vent et à la pluie. Les trayeurs ne souffrant pas du froid et de l’humidité à cause de cette ouverture, elle a été maintenue. ( © C.Hue)

Un temps de passage des vaches à la traite très court

L’idéal est une lumière qui rentre naturellement sur les côtés avec des débords de toiture et des ouvertures modulables sur les longs-pans. « Heureusement, ces défauts posent moins de problèmes qu’ailleurs. Dans l’ouest de la Bretagne, les épisodes caniculaires sont de portée beaucoup plus limitée. L’été, nos températures sont de 5 à 7 °C inférieures à celles de Rennes. » Et, si stress thermique il y a durant la traite, il est de courte durée. Parents de deux jeunes enfants, les éleveurs ont fait le choix d’investir pour ne pas dépasser cinquante minutes voire une heure de traite seul, nettoyage inclus. « Le troupeau est trait entre trente-cinq et quarante minutes, attente dans le parc comprise. » Ils sont bien loin du maximum recommandé : une heure et demie entre l’entrée des animaux dans le parc et leur sortie de la salle de traite. « L’agglutinement des vaches en station debout dans le parc est une source de stress, qui s’accentue quand les températures montent. Il faut offrir aux laitières les meilleures conditions possibles », insiste Pierrick Eouzan.

La laiterie est totalement séparée de la salle de traite, ce qui évite, par diffusion, de réchauffer ensuite la salle de traite et le parc d’attente. L’arrière du tank à lait situé à l’extérieur et le récupérateur de chaleur permettent des économies d’énergie. ( © C.Hue)

L’article décrit les investissements principalement réalisés pour la salle de traite mais, bien sûr, la ventilation latérale, les ouvertures amovibles, le volume suffisant pour évacuer l’air vicié ou encore le bon raisonnement du rayonnement solaire évoqués s’appli­quent aussi au parc d’attente. « Et quand les améliorations entreprises ne sont pas suffisantes, la ventilation mécanique pourra être envisagée. Le douchage ou la brumisation sera en dernier recours. »

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