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MATÉRIEL AGRICOLE : L'ENVOLÉE DES PRIX EXPLIQUÉE AUX ÉLEVEURS

Pour les tracteurs, l'argument choc est celui des normes antipollution qui auraient fait exploser le prix des moteurs. S'ajoutent aussi les nouvelles technologies embarquées.© P. PEETERS/GFA

TOUS LES ARGUMENTS SONT BONS POUR NOUS CONVAINCRE QUE LES MATÉRIELS AGRICOLES SONT À LEUR JUSTE PRIX. L'IMPRESSION DES AGRICULTEURS EST TOUT AUTRE.

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POURQUOI LES MATÉRIELS AGRICOLES AUGMENTENT-ils autant et si vite ? Une conférence organisée lors du salon des Cuma, en août dernier, a tenté de lever un coin du voile sur cette question, un coin seulement. Car les faits sont là. Que ce soit un tracteur, une charrue, une remorque ou un semoir, tous les agriculteurs font le même constat : l'inflation est assez étourdissante. Entre 2002 et 2013, le prix d'achat d'un tracteur de 130-140 ch a progressé de 64 %. Soit une augmentation moyenne annuelle de 6 % (voir tableau). Idem pour une remorque de 15 tonnes et c'est encore plus marqué pour une charrue cinq corps ou un semoir maïs six rangs qui voient leurs prix progresser de 8 % par an.

Qu'est-ce qui peut justifier de telles augmentations sur des outils qui, en dix ans, ont souvent conservé les mêmes bases, sans grandes évolutions technologiques, excepté peut-être pour les tracteurs ?

MOTEURS PLUS CHERS MAIS MOINS POLLUANTS

Et les exemples d'éleveurs se multiplient. « En 2005, notre épandeur a été acheté 35 000 €. Nous l'avons renouvelé cette année au tarif de 60 000 € : même marque, même capacité, même configuration. Et ce n'est pas la DPE qui peut expliquer cette différence de prix », témoigne un adhérent d'une Cuma de l'Ain.

Concernant les tracteurs et les automoteurs, Jean-Noël Louis, directeur marketing de Claas France, a la réponse immédiate : l'inflation des prix est principalement due aux normes antipollution imposées aux motorisations. Entre 1999 et 2015, nous sommes passés de la norme Tier 1 à Tier 4 pour des émissions de particules divisées par 1 000. « Entre 2006 et 2014, le coût d'un moteur a progressé de 75 %. Cela représente environ 20 % du coût total d'un tracteur. Donc, le moteur à lui seul imprime une hausse de l'équipement de 17 %. Et ce n'est pas la seule : entre 2010 et 2015, les matériaux de construction qui entrent dans la fabrication des matériels agricoles ont connu une inflation de 7 % », explique Jean-Noël Louis.

Présent dans le débat, Alain Savary, d'Axema (syndicat professionnel qui regroupe les industriels de l'agroéquipement), préfère apporter une analyse macroéconomique. « Les prix des matériels agricoles ont évolué dans la moyenne de ceux de l'ensemble des moyens de production agricole. On est loin de la flambée de prix évoquée par certains. » Il compare l'indice du prix d'achat des moyens de production agricole (Ipampa) qui a progressé de 11 % entre 2010 et 2015, alors que dans le même temps, le matériel agricole augmentait de 7 %.

EXIGENCES RÉGLEMENTAIRES

« La hausse des prix reste donc contenue à un niveau proche de l'inflation. » Toujours selon Alain Savary, cette hausse est liée à deux facteurs essentiels : les exigences réglementaires et les nouvelles technologies liées à l'agriculture de précision. En contrepartie, l'agriculteur utilisateur bénéficie d'équipements plus performants et plus productifs au bénéfice de son entreprise. « Le rendement des presses est passé de 50 à 70 balles à l'heure », poursuit Alain Savary. Contrairement aux idées reçues, ce ne serait donc pas l'inflation des matières premières (acier) qui serait en cause, mais les progrès technologiques, et les coûts de recherche et de développement. Un argument parfois difficile à entendre quand on pense à une charrue ou une remorque. Mais là aussi, on veut nous convaincre qu'il y a de la technologie cachée partout, même derrière un disque en acier ou un palier pour les rendre encore plus robustes.

Vient l'argument final : depuis 2011, le taux de marge des entreprises de l'agroéquipement se situe à deux points en dessous de la moyenne de l'industrie française et il serait largement inférieur à celui des entreprises des autres pays européens. D'où la conclusion d'Alain Savary : « Les entreprises de l'agroéquipement n'ont pas fait payer au client final l'intégralité des coûts générés par les évolutions réglementaires et technologiques. »

De quoi nous rassurer, les prix des matériels agricoles sont finalement très raisonnables.

DOMINIQUE GRÉMY

Pour certains outils, difficile d'argumenter sur des avancées technologiques fulgurantes pour justifier leur inflation.

© CHRISTIAN WATIER

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