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DES AGRICULTEURS FONT LEUR FENAISON EN COMMUN

« En réalisant leur fenaison en commun, les membres de la Cuma sont passés d'une situation de concurrence à une logique de partenariat », soulignent Boris Drapeau (à gauche), président, ici avec Rémy Bonnet, trésorier.PHOTOS © D.L.

Pour valoriser au mieux le matériel et récolter du fourrage de qualité, les adhérents de la Cuma La Romaine mutualisent les travaux. En cas de pluie, une répartition, au prorata entre les membres, des bottes de foin mouillé et sec est même prévue.

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DEPUIS QUATRE CAMPAGNES, UNE DIZAINE D'AGRICULTEURS de la Cuma La Romaine, située à La Romagne (Maine-et-Loire), réalisent leur fenaison en commun. « Quand une fenêtre climatique favorable se présente, nous envoyons un SMS aux adhérents et nous nous retrouvons le lendemain matin en réunion, explique Rémy Bonnet, éleveur laitier et trésorier de la Cuma. Chacun déclare sa surface à récolter et nous établissons un planning. » L'organisation est désormais bien rodée : la liste des parcelles à faucher est inscrite sur un grand tableau blanc dans le bâtiment de la Cuma. Des équipes sont constituées pour effectuer les différents travaux, de la fauche au retour des bottes à la ferme, en passant par le pressage.

DEUX FANEUSES POUR 100 HA

Le groupe utilise une faucheuse avant combinée à une faucheuse arrière. Les premières années, chaque exploitant fauchait uniquement chez lui. « Cela permettait avant tout d'éviter les erreurs de parcelles, ajoute Boris Drapeau, président de la Cuma. Psychologiquement, il n'était pas non plus très facile pour certains membres du groupe de laisser d'autres exploitants venir faire le travail chez eux. Depuis, les choses ont évolué : la Cuma a embauché un chauffeur employé régulièrement pour la fauche. Les réticences se sont estompées et quelques adhérents n'hésitent plus à déléguer complètement la fenaison. Ils laissent alors le soin aux responsables du groupe de déclencher et de suivre le chantier. » Généralement, sur la première coupe, la surface totale à faucher varie entre 90 et 110 ha, dont environ 30 % sont destinés à l'enrubannage et le reste en foin. Les surfaces par exploitation vont de 3 à 25 ha. La Cuma dispose de deux faneuses. « Dans le planning, nous désignons deux chauffeurs et nous leur attribuons une zone géographique : il est courant qu'un agriculteur ne travaille même pas sur ses propres parcelles. À chacun d'organiser son travail au sein de la zone attribuée, en optant pour le meilleur itinéraire afin de perdre le moins de temps possible sur la route. »

LE CHANTIER N'EST JAMAIS ARRÊTÉ

« Le premier qui a terminé va aider le second. Le chauffeur s'engage à faner toute la journée. Pour la pause du déjeuner, à lui de trouver quelqu'un pour le remplacer au besoin. Même chose en fin de journée, s'il doit rentrer traire ses vaches. L'idée est de ne jamais arrêter le chantier : les changements de chauffeurs se font dans le champ »,poursuit Rémy Bonnet.

Le groupe comporte des éleveurs laitiers et des éleveurs de vaches à viande. Cette diversité est un avantage car tous n'ont pas les mêmes contraintes quotidiennes de travail sur leurs exploitations. Ils peuvent plus facilement se remplacer si nécessaire. De ce côté-là, l'entente entre les agriculteurs fonctionne bien puisqu'ils n'ont pas mis en place de banque de travail pour comptabiliser le temps passé.

UNE ORGANISATION BIEN RODÉE

Quand une équipe a effectué sa journée de travail, une autre prend le relais le lendemain. Chacun est mis à contribution en fonction des surfaces qu'il a engagées. Grâce à cette organisation, le fanage ne mobilise que deux personnes en même temps. Les autres agriculteurs disposent de journées entières pour réaliser d'autres travaux au sein de leur ferme. Dans l'ancienne organisation, chacun devait attendre que le matériel soit disponible. Il était presque impossible de commencer un autre chantier. Sans parler du temps perdu pour atteler et dételer le matériel à chaque changement.

Les deuxième et troisième fanages s'organisent généralement comme le premier. Toutefois, les choses ne sont pas complètement figées et le groupe s'accorde de la souplesse. Les exploitants se rencontrent chaque matin pour refaire le point. « Certains peuvent décider au dernier moment de faire plus ou moins d'enrubannage que prévu, explique Boris Drapeau. Nous devons aussi tenir compte des caractéristiques de chaque parcelle : les mieux exposées sont souvent matures avant les autres. Si l'un d'entre nous a de la luzerne, il passe généralement dans les premiers car son fourrage a plus de valeur. » Quand le foin est sec, tout le monde est mobilisé : certains finissent de faner, une deuxième équipe commence à andainer tandis qu'une autre presse. Les agriculteurs utilisent en général un round-baller et une presse cubique. Ce matériel est employé avec des Cuma voisines (voir encadré). Au besoin, ils peuvent ainsi avoir recours à une troisième presse. Une dernière équipe s'occupe de charger et de rentrer les bottes afin que cela se fasse le plus rapidement possible.

« Auparavant, nous étions concurrents car chacun voulait utiliser le matériel en premier sans forcément se préoccuper de ce qui se passait chez son voisin, souligne Rémy Bonnet. J'avais vu fonctionner ce système chez des agriculteurs aveyronnais et j'ai proposé de l'adapter chez nous. Désormais, nous sommes devenus des partenaires, puisque tous les adhérents s'investissent autant chez eux que chez les autres. C'est encore plus flagrant quand le temps est menaçant car tout le monde est alors sur le pont. Moi qui viens d'être opéré, je dois rester en arrêt pendant plusieurs semaines. Pourtant, je ne suis pas inquiet car je sais que ma fenaison sera réalisée correctement. Idem pour les collègues qui, comme moi, ont des vaches laitières : nous pouvons rentrer le soir pour nous en occuper pendant que notre fenaison se poursuit. »

UN VRAI PARTENARIAT

Si un jour, le chantier devait être perturbé par la pluie, il est convenu que les agriculteurs qui ont récolté leur foin dans de bonnes conditions échangent une partie de leur récolte avec ceux qui ont rentré du foin mouillé. La répartition

des bottes mouillées s'effectue au prorata de la surface totale engagée par chaque exploitation. Actuellement, compte tenu de la réactivité du groupe, les associés n'ont jamais vécu cette situation. « Nous avons connu des printemps difficiles et il nous est arrivé de finir in extremis, ajoute le président de la Cuma. Mais ces années-là, si nous avions conservé notre organisation traditionnelle, plusieurs d'entre nous auraient rentré du foin mouillé. Finalement, la mise en place de cette mutualisation du risque nous aura aussi permis de gagner en efficacité et en collaboration. »

DENIS LEHÉ

Le matériel est utilisé par des équipes qui se relaient pour travailler sans interruption.

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