EXPÉRIMENTATION : UN ROBOT DE TRAITE AU MILIEU DES CHAMPS
DANS LE FINISTÈRE, LA CHAMBRE D'AGRICULTURE LANCE UN ESSAI SUR LA TRAITE ROBOTISÉE AU PÂTURAGE AVEC UN TROUPEAU LAITIER BIO. DEUX AUTRES ESSAIS CONCERNENT DES SYSTÈMES DE PRODUCTION CONVENTIONNELS PLUS OU MOINS INTENSIFS.
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LE ROBOT DE LAVAL EST INSTALLÉ SUR UN CHÂSSIS DE REMORQUE et est voué à rester au coeur des pâtures du printemps à l'automne. Il revient dans le bâtiment pour l'hiver. Mais pas question de le promener d'une parcelle à une autre. Ce sont les vaches laitières qui se déplacent. Toute une installation en poste fixe a été conçue pour pouvoir traire au champ.
Le site se trouve à proximité d'une route, pour un accès facile du laitier. Un abri a été aménagé pour le tank. Le robot repose sur une dalle en béton. Un silo attenant permet de l'alimenter en concentré. Le parc d'attente est aménagé sur une fosse sous caillebotis de 85 m3 qui reçoit aussi les eaux du bloc de traite. Un jeu de barrières et une porte de tri servent à orienter les animaux vers le box d'isolement ou les différentes pâtures. Elles sont desservies par un réseau de chemins nouvellement refaits. Enfin, un local technique abrite le tableau électrique, l'ordinateur et un minimum d'outils.
CONNECTION PERMANENTE À INTERNET
La technologie Wimax permet de garder le robot connecté à internet en permanence, afin d'assurer un suivi du troupeau à distance en continu. L'ensemble du site est surveillé par une caméra.
« Il s'agit du premier robot de traite mobile installé en France », précise Pascal Le Coeur, responsable de la station de Trévarez qui accueille l'installation. Pour concevoir et réaliser ce projet, les chambres d'agriculture de Bretagne ont travaillé avec l'université de Liège (Belgique) et avec le Danemark qui exploraient la même piste.
« Nous constatons que la production de lait bio n'est plus l'apanage des petites exploitations détenant des parcellaires bien groupés. Des éleveurssouhaitent se convertir sur des structures plus grandes, avec des parcellaires éclatés qui compliquent la conduite au pâturage », explique Pascal Le Coeur. D'où l'idée de mener une expérimentation sur un robot de traite mobile. L'un des axes de travail vise à inciter les vaches à venir se faire traire d'elles-mêmes. Soulignons que Trévarez sera la première ferme expérimentale professionnelle travaillant sur un troupeau de vaches laitières bio. Une surface de 81 ha est mise à disposition du troupeau de 55 vaches. L'objectif est de fournir la moitié de la ration sous forme d'herbe pâturée. L'assolement prévoit 6,5 ha de maïs, 10 ha de mélange céréalier (triticale, avoine et pois) récolté en grains et 64,5 ha de prairies. Il s'agit d'un mélange multi-espèce à dominante ray-grass anglais et trèfle blanc pour le pâturage, et de ray-grass hybride et trèfle violet pour la constitution des stocks. Différents types de mélanges céréaliers seront testés successivement. Un bloc de 14 ha se trouve à proximité du bâtiment. Il sert au pâturage en début et fin de saison, et quelques cultures y sont implantées. Un deuxième îlot de 16 ha à 4,5 km est valorisé en pâturage par les génisses et les taries. Le troisième bloc représente 22 ha presque d'un seul tenant, et c'est là qu'est installé le robot en été. Il se trouve à 5 km du bâtiment. Enfin, 28 ha situés à 6 km servent essentiellement pour les cultures.
La région de Trévarez se caractérise par une pluviométrie abondante (1 240 mm/an) et bien répartie sur l'année. Avec des hivers doux et des étés frais, la saison de pousse de l'herbe est longue. C'est la portance des terres, à teneur élevée en argile et limon, plus que la disponibilité en herbe qui impose les dates d'entrée et de sortie des animaux.
Le troupeau est conduit pour des vêlages groupés de septembre à fin mars afin de ne pas cumuler les difficultés lors du lancement de l'essai de traite au champ.
UN TEMPS D'ADAPTATION NÉCESSAIRE
L'organisation du pâturage a été testée l'an dernier, avec le robot à l'intérieur du bâtiment. Au départ, les vaches recevaient 4 à 5 kg de MS de maïs le soir pour les inciter à rentrer. « Ces animaux étaient conduits à l'ensilage de maïs pour un essai précédent et il a fallu un temps d'adaptation », indique Pascal Le Coeur. Le fil était avancé tous les jours. Les vaches avaient accès à l'eau dans le bâtiment et dans les champs. Mais il est vite apparu qu'elles ne rentraient pas le matin. La gestion du pâturage a alors été modifiée. Deux zones ont été identifiées, l'une pour le jour, l'autre pour la nuit avec des paddocks adaptés à douze heures de pâturage. « Nous avons parié sur le fait que les vaches rentreraient pour aller dans un nouveau paddock, nous avançons le fil à chaque repas », souligne Pascal Le Coeur. Et cela a fonctionné.
C'est donc ce système qui a été mis en place cette année. Le changement s'effectue à 7 h et à 17 h. À la sortie du robot, une porte de tri oriente les animaux vers les parcelles.
En hiver, avec une ration comprenant trois quarts d'ensilage d'herbe et un quart de maïs, la complémentation au robot s'élève à 1 kg d'équivalent céréales par passage. À l'herbe, pour des raisons économiques, cette complémentation tombe à 500 g de granulés de céréales par passage au robot.
LA PORTANCE DES SOLS DÉTERMINE LA SAISON DE PÂTURAGE
L'expérimentation a débuté au printemps 2014. Les vaches sont sorties au pâturage fin mars, avec un apport complémentaire de 5 kg d'enrubanné. Elles ont migré vers le site du robot le 13 mai pour passer en régime de pâturage seul. Environ 30 % de la surface avaient été fauchés plus tôt dans la saison. « Nous les avons installées là-bas relativement tard, mais nous voulions être sûrs que la portance soit bonne sur le site. Elle peut poser un problème dans cette zone. En revanche, on y bénéficie d'une bonne pousse estivale. » Au bout d'un mois, elles produisaient en moyenne 22 kg/jour, avec une fréquence de deux traites par vache et par jour. L'expérience est trop récente pour tirer des conclusions en termes de production ou de rythme de traite.
Les vaches ont compris assez vite le rythme de changement des paddocks. Rares sont celles qui rentrent en début d'après-midi. Le mouvement s'accélère vers 16 h 30 et les premières qui sont dirigées vers le paddock de nuit appellent les autres ! Vers 22 h, tout le troupeau a changé de parcelle. « Il est clair que l'espérance d'une herbe fraîche les incite à rentrer et donc à passer au robot », constate Pascal Le Coeur. Il rajoute que l'appât du concentré joue également pour les attirer. Il est envisagé de tester une conduite sans aliment pour voir si l'attrait de la nouvelle pâture est suffisant. De plus, la surface de 81 ha pourrait nourrir soixante vaches. L'effectif sera donc probablement augmenté. Mais pas au point de saturer le robot. Car dans cette conduite, il est difficile d'obtenir une fréquentation étalée sur vingt-quatre heures. Cette expérimentation s'inscrit dans un cadre plus large puisqu'elle concerne trois troupeaux conduits différemment sur le site de Trévarez. Les deux autres étaient en place avant le bio. L'un concerne cinquante-quatre vaches en lactations longues (18 mois) pâturant peu (15 ares/vache). Elles reçoivent une ration à base d'ensilage de maïs (4,5 t de MS de maïs/vache/an) et l'objectif de production est élevé.
Ce lot servira aussi à conduire des expérimentations sur l'affouragement en vert à partir de 2015. Différents niveaux d'apport de concentrés ont été testés, notamment en fin de lactation. De plus, les intervalles de traite seront également travaillés. L'enjeu est de voir dans quelle mesure on peut rapprocher les traites du matin et du soir dans l'optique d'une réalisation de cette tâche par des salariés.
Un deuxième lot est conduit afin de maximiser la production de lait par les fourrages. La saison de pâturage intégral dure quatre mois avec une disponibilité de 40 ares de pâture/vache. Les stocks (2,5 t de MS/vache/an) se composent d'ensilage d'herbe et de maïs, dans un objectif d'optimisation de l'autonomie protéique.
L'un des axes de travail concerne les intervalles de fauche sur des parcelles de RGH-TV. L'idée est d'évaluer l'impact de l'augmentation de la fréquence de coupe sur le rendement, la valeur alimentaire, la production laitière et les besoins en concentrés. Un programme d'essai qui se termine concerne la répartition des apports de concentré au fil de la lactation.
« Ces trois essais permettent de balayer l'essentiel des pratiques des éleveurs et de répondre aux questions techniques et économiques qu'ils se posent », conclut Pascal Le Coeur. Ils vont durer trois ans.
PASCALE LE CANN
Parc d'attente et porte de tri. L'aire d'attente est aménagée sur une fosse sous caillebotis qui reçoit aussi les eaux de lavage du bloc de traite. À la sortie, les vaches peuvent être dirigées vers le box d'isolement, la parcelle de jour ou celle de nuit. © PHOTOS P.LC.
Installer le robot au milieu d'un îlot d'herbe. Le robot de Trévarez est posé dans un bloc de 22 ha situé à 5 km du bâtiment. La technologie permet de maximiser la surveillance à distance. L'installation comporte les mêmes éléments qu'un bloc de traite classique.
Des chemins et clôtures solides. Pour faciliter la circulation des animaux mais aussi pour préserver la propreté des mamelles, 800 m de chemins ont été refaits à neuf. Les clôtures sont en fil hypertendu avec des tendeurs et ressorts.
Objectif : tester la traite robotisée au pâturage 45 % des nouvelles installations de traite concernent les robots. Les bio s'y intéressent aussi mais ils veulent garder une part d'herbe importante, même lorsque leur parcellaire s'y prête peu. D'où l'intérêt de lancer cette expérimentation.
Un abri pour le tank. Le tank à lait est posé sur une dalle et enfermé dans un local clos.
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