« LA MAÎTRISE DE LA TRAITE ROBOTISÉE AVEC UN FEED FIRST »
AVEC UN SCHÉMA DE CIRCULATION DANS LEUR BÂTIMENT PEU FRÉQUENT DANS LES ÉLEVAGES FRANÇAIS, MARIE ET CÉDRIC WYART SE SONT APPROPRIÉ LEUR ROBOT SANS COMPLEXE, ET SANS DÉRAPAGE SUR LES CELLULES ET LE CONCENTRÉ.
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LE PARCOURS DE MARIE ET CÉDRIC WYART EST PEU ORDINAIRE. Voyez plutôt ! Ces jeunes, passionnés par la production laitière, s'installent avec le père de Marie en 2003, avec un quota de 106 000 l dans une étable entravée. Dix ans plus tard, ils s'équipent d'un robot pour traire 540 000 l. Moins d'un an après, ils font partie des meilleurs éleveurs équipés en traite robotisée (par DeLaval Belgique) avec un niveau assez remarquable : moins de 130 000 cellules/litre sur un an.
L'exploitation possède aussi un poulailler et pratique les cultures légumières. « Nous n'avons jamais envisagé d'arrêter le lait. Nous avons donc modernisé l'atelier petit à petit. En 2005, nous avons construit un bâtiment avec une salle de traite 1 x 8 TPA pour seulement 165 000 l. La rentabilité n'était pas évidente mais nous espérions récupérer du quota », explique Cédric. C'est ce qui s'est produit avec notamment l'installation de son épouse et des achats de références successifs. En 2012, le bâtiment est agrandi et passe de l'aire paillée aux logettes. Six mois plus tard, au printemps 2013, les éleveurs décident d'installer un robot. « Notre salle de traite était saturée et avec nos cultures légumières très exigeantes en main-d'oeuvre à certaines périodes, nous cherchions une solution flexible pour nous libérer matin et soir. C'était soit le robot de traite, soit un salarié dédié à l'élevage. Nous étions un peu justes financièrement pour la deuxième solution. » Cédric attend du robot de traite que son épouse ou lui puisse le gérer seul et avec beaucoup de souplesse. « Nous ne voulions pas avoir à manipuler des jeux de barrières.Nous avons donc choisi une circulation sélective dans le bâtiment. »
Peu fréquente en France, cette solution est proposée notamment par DeLaval Belgique. À partir des logettes, les vaches peuvent aller manger quand elles le veulent. Au bout de l'aire d'alimentation, une porte de tri à trois voies leur permet d'accéder au robot, ou de revenir au couchage si la permission de traite est refusée. Une troisième barrière s'ouvre sur l'aire « VIP » qui reçoit les vaches à inséminer, à tarir ou celles qui ont des problèmes de cellules. « Si nous voyons une vache en chaleur le soir, nous la programmons et le lendemain matin, elle est à l'isolement dans l'aire "VIP". Nous n'avons pas à aller la chercher dans le bâtiment, ce qui est toujours dérangeant pour les autres. »
Cette aire « VIP » est équipée de logettes et de cornadis avec un accès à la table d'alimentation. Les vaches autorisées à la traite arrivent sur une aire d'attente devant le robot. La traite est donc forcée, mais l'aire d'attente n'accueillera jamais plus de huit laitières. Une fois la traite terminée, une seconde porte de tri oriente les vaches les plus fragiles et les fraîches vêlées sur une aire paillée. Les autres passent par un espace où elles trouvent un abreuvoir et une brosse automatique. Elles flânent ici une vingtaine de minutes avant de rejoindre l'aire de couchage. Cela laisse le temps aux sphincters des trayons de se refermer.
LE PARAMÉTRAGE DE LA PORTE DE TRI EST UN POINT CLÉ DE LA RÉUSSITE
Après sept mois de fonctionnement, le robot affiche 1 950 l/j avec une moyenne de 2,5 traites par vache. « Notre vision idéale du bâtiment quand nous le regardons depuis notre bureau, c'est 50 % des vaches qui se reposent et 50 % occupées à manger, avec un flux continu qui passe par le robot sans embouteillage. Cette conduite sélective inversée ou feed first nécessite un paramétrage assez précis de la porte de tri. »
Pour cela, Marie et Cédric ont été conseillés par un éleveur des Ardennes, Marc Grandjean, qui dispose d'une longue expérience du robot. Ainsi, l'autorisation des vaches au robot s'adapte aux horaires des deux distributions quotidiennes de l'alimentation : 6 heures et 18 heures, « de façon à ne prendre à la traite que les vaches prioritaires au moment de l'afflux à l'auge quand la ration fraîche arrive ». De 6 heures à 10 heures, la porte de tri n'accepte dans l'aire d'attente, que les vaches qui ont dépassé de trois heures trente leur autorisation de traite (soit un écart de neuf heures trente), l'écart diminue à deux heures (soit huit heures) avant 12 heures, puis d'une heure entre 12 et 18 heures. Idem après la distribution de 18 heures. « Après 23 h 30, j'abaisse le seuil d'intervalle de traite (six heures) de dix petites minutes. Cela me permet de traire dix vaches de plus pendant la nuit », précise Cédric. Tous ces réglages éclatent le troupeau pour lui donner du mouvement.
« Mais le succès d'une circulation fluide, c'est aussi la qualité de la ration distribuée en quantité suffisante », analyse Thomas Banquart, conseiller en élevage à Avenir Conseil Élevage. Outre les deux distributions quotidiennes, Cédric repousse le fourrage en début d'après-midi. Il est aussi très attentif au risque d'acidose et offre à ses vaches une ration diversifiée avec de l'ensilage d'herbe (8 kg) et de maïs (40 kg), de la pulpe surpressée (10 kg), et des anas de lin (1 kg) qui stimule la rumination. Pas d'abus non plus sur les concentrés avec un ratio qui se tient à 167 g/l en 2013. « Pour nous, un robot n'est qu'une salle de traite et un Dac associés. Il n'y a aucune raison de déraper sur les concentrés : un dérapage de 50 g/l sur notre quota, ce sont 30 t de gaspillage, soit environ 9 000 € !, souligne l'éleveur. Avec Thomas, mes attentes restent les mêmes qu'auparavant en salle de traite. Dans notre schéma, la seule porte de sortie, c'est le robot. Il n'est pas besoin d'attirer les vaches avec du concentré. Pour l'anecdote, nous avons oublié de paramétrer trois vaches qui n'ont reçu aucun concentré pendant un mois. Leur production a baissé, mais pas la fréquentation du robot. » Cette réussite est liée aussi à des animaux qui se déplacent facilement et en bonne santé. Le bâtiment est confortable avec des raclages réguliers, des logettes avec matelas bien réglées, et une aire paillée pour les vaches fragiles et les dix premiers jours de lactation. « Ici, il n'y a aucune tarsite », confirme Thomas Banquart.
RÉAGIR VITE AUX DÉFAUTS DE TRAITE
Cédric affiche également une belle performance : 130 000 cellules par litre avec 90 % de vaches saines. Sur le secteur des Flandres d'Avenir Conseil Élevage, la moyenne est à 255 000 avec 85 % de vaches saines. Un contre-exemple à la mauvaise réputation du robot sur ce critère. « Le robot ne dégrade pas le niveau de cellules, à condition d'être attentif à plusieurs paramètres », explique les éleveurs. En premier lieu, il est nécessaire de réformer toutes les vaches qui le méritent et de démarrer le robot avec un fort potentiel d'animaux sains. Marie et Cédric sont attentifs aux traites incomplètes qu'ils surveillent sur l'écran de contrôle. « Si ces vaches en alerte ne sont pas repassées dans l'heure et demie qui suit, nous allons les chercher. Il ne faut pas laisser une vache non traite dans le bâtiment. La bonne circulation qui fait qu'on ne dépasse pas douze heures d'intervalle de traite est un gage de qualité du lait. »
Leur robot DeLaval est équipé d'un compteur cellulaire OCC. Après deux traites consécutives en alerte cellules, la vache est isolée dans l'aire « VIP » pour être diagnostiquée. « L'une des clés de la réussite est la réactivité de l'éleveur qui intervient rapidement en cas d'infections et évite ainsi les dérapages », analyse Thomas Banquart. On pourrait ajouter que les logettes sont nettoyées et paillées tous les jours avec 4 à 5 kg de paille au-dessus du matelas.
Pour autant, le démarrage du robot n'a pas été de tout repos. « Nous nous sommes trop obstinés à ne pas vendre les animaux qui refusaient le robot. Il ne faut pas accepter d'avoir dix vaches à assister tous les matins. Nous avons fini par en vendre sept. Avoir un robot, c'est aussi disposer de suffisamment de génisses de remplacement et ne pas hésiter à vendre les vaches en lait qui ne s'adaptent pas à la traite robotisée. »
Aujourd'hui, les éleveurs estiment le temps d'intervention sur les animaux dans le bâtiment à trois heures par jour. Il faut ajouter environ une demi-heure de surveillance sur l'ordinateur, une tâche simplifiée par la présence d'un terminal dans la maison d'habitation et un smartphone. « Je peux parler de grasse matinée le dimanche jusqu'à 8 heures, chose impossible auparavant ! »
Quant au développement de la production laitière après les quotas, tout est prévu : le bâtiment peut accueillir 120 vaches et la place d'une deuxième stalle de robot, parallèle au premier, est déjà prévue.
DOMINIQUE GRÉMY
Espace VIP. Avec trois logettes et un accès à l'auge, cet espace accueille les vaches à inséminer, à tarir ou celles détectées pour des problèmes de cellules.
Porte de tri. Son paramétrage sur l'ordinateur du robot est le point clé qui organise la circulation des vaches dans le bâtiment. Les intervalles de traite sont définis en fonction des horaires de distribution de la ration.
Espace alimentation. Au fond, le robot accessible par la porte de tri qui décide si la vache passe en salle d'attente ou doit être dirigée vers l'aire de couchage. Troisième possibilité, elle peut être orientée vers l'aire VIP à droite.
Espace détente après la traite. À la sortie du robot, les vaches ont une brosse et un abreuvoir à leur disposition. On distingue au fond l'aire paillée où sont orientées les vaches fragiles et les fraîches vêlées.
Vue du bâtiment depuis le bureau de Marie et Cédric, au-dessus du robot. Au premier plan, l'aire d'attente et la porte de tri. Aire de couchage et aire d'alimentation sont bien séparées, l'une est raclée, l'autre est sur caillebotis.
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