SILO DES ALLEMANDS TOURNENT LA PAGE DE L'ÈRE FILETS ET SILOSACS
L'ALLEMAGNE A SANS CONTESTE UN TRAIN D'AVANCE EN MATIÈRE DE COUVERTURE DES SILOS. ON COMMENCE À Y TRAVAILLER AVEC, EN TOUT ET POUR TOUT, UNE BÂCHE FINE PROTÉGÉE PAR UN TAPIS GÉOTEXTILE. FINI BÂCHE ÉPAISSE, FILETS ET SILOSACS QUI VONT AVEC !
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NUL N'EST PROPHÈTE EN SON PAYS », dit le dicton. C'est à un « Géo Trouvetou » français, Gilbert Duhamel(1), producteur de lait en Mayenne, que l'on doit l'invention, au milieu des années deux mille, de l'enrouleur à cliquet utilisé avec un tapis géotextile (en polypropylène, 500 g/m2) pour couvrir ou découvrir les silos. Aussi révolutionnaire soit-il, le dispositif n'a pas fait beaucoup d'émules dans l'Hexagone. C'est à un entrepreneur allemand, Rainer Burkhart, ex-producteur de lait du Bade-Wurtemberg reconverti dans l'élevage de génisses et le biogaz, que l'on doit le début de succès commercial de l'invention française. Agrocom, la société qu'il a créée, a équipé depuis deux ans une centaine d'exploitations dans le sud de l'Allemagne, en Suisse et en Autriche. Cela avec une version améliorée du système initial que Rainer Burkhart a pu « s'approprier », l'enrouleur à cliquet de Gilbert Duhamel n'étant protégé par aucun brevet en Allemagne.
PLUS BESOIN D'UNE BÂCHE PRINCIPALE ÉPAISSE
Ces producteurs d'outre-Rhin ont visiblement compris tout l'intérêt qu'ils pouvaient tirer de cette vraie innovation. Travailler avec un tapis géotextile, couplé à un enrouleur à cliquet, est avant tout un moyen de mécaniser d'une façon très efficace les opérations de couverture et de débâchage. Avec ce dispositif, plus de bâches qui battent au vent repliées et fixées comme on le peut au fur et à mesure de l'avancement du silo. Avec le tapis traité anti-UV et très résistant, plus besoin d'une bâche principale épaisse. L'utilisation d'une bâche fine de 40 microns suffit. Et cette dernière est coupée au fur et à mesure de l'avancement du silo. On peut aussi l'enrouler aisément à la main sur un tube séparé simple.
Cet enrouleur fonctionne sur le principe d'une crémaillère avec une bague fixe, solidaire d'un tube, et d'une bague mobile, chacune étant reliée à un bras qui fait levier. C'est sur ce tube semi-rigide d'une vingtaine de centimètres de diamètre que le tapis est fixé une bonne fois pour toutes lors de la première utilisation. Dans le système originel de Gilbert Duhamel, l'enrouleur à cliquet était fixé avec quatre boulons sur la platine métallique au bout du tube. Rainer Burkhart a imaginé un système bien plus facile à installer et à démonter. Pas de boulon à serrer ou à desserrer avec une clé sur l'enrouleur Agrocom. La fixation sur la platine au bout du tube s'opère manuellement avec un simple écrou à ailettes, après avoir enfilé l'enrouleur sur la vis de 15 cm, fixée au milieu de cette platine, et l'avoir clipsé dessus avec les quatre ergots prévus à cet effet. Moins d'une minute suffit. Appréciable pour des enrouleurs appelés à passer d'un silo à un autre au fur et à mesure qu'ils sont vidés.
Dans la pratique, on ne couvre pas un silo avec un seul tapis mais, selon la largeur du silo, deux voire trois bandes de tapis qui se chevauchent en partie. Il est en effet plus facile d'enrouler, sur 50 m de long, deux tapis de 6 m de large plutôt qu'un seul tapis de 10 ou 11 m (ce qui était le cas au départ dans le système français où deux tapis étaient thermocollés). C'est la raison pour laquelle ce tapis se vend en 6 m de large maximum (disponible aussi en 2 et 4 m). Pour un silo de 8 m de large, prévoyez deux bandes de 6 et 4 m, pour un silo de 12 m, deux bandes de 6 m et une de 4 ou 2 m de large. Jouer sur la surface de chevauchement offre surtout l'avantage de pouvoir répondre à différents cas de figure : couverture d'un silo pas rempli jusqu'en haut ou, à l'inverse, très bombé. Très facile aussi avec ce système de confectionner un silo-sandwich associant ensilage d'herbe et de maïs. Dans ce cas, il est absolument nécessaire d'enrouler la bâche fine sur un tube séparé simple (sans cliquet) pour ne pas la détériorer. Et si plus de deux remplissages du silo-sandwich sont programmés, mieux vaut ne pas tenter le diable et travailler avec une bâche classique épaisse plus résistante.
Agrocom a aussi trouvé une vraie astuce pour marier de façon simple mais très efficace les bandes de tapis qui se chevauchent. Il le faut pour éviter que le vent s'engouffre au risque de soulever le tapis, voire de découvrir le silo en cas de tempête. C'est un simple ruban-scratch de 20 cm de large, fixé sur toute la longueur, qui joue ce rôle. Enroulé au fur et à mesure de l'avancement du silo, il sert plusieurs années de suite (au moins quatre, selon Agrocom). C'est aussi un moyen bien plus pratique et moins pénible que de lester la bande de chevauchement avec des silosacs ou autres dispositifs (rail métallique lesté avec un poids comme l'avait, par exemple, imaginé un temps Gilbert Duhamel...).
LES PNEUS BANNIS DES SILOS DEPUIS TRENTE ANS EN ALLEMAGNE DU SUD
Trouver une alternative aux pneus pourrait, en France, être une motivation pour se convertir au tapis géotextile. Elle ne l'a jamais été dans le sud de l'Allemagne. Et pour cause, les pneus ont commencé à y être bannis des silos il y a trente ans. Ils ont laissé la place au triptyque filet de protection, bâche principale épaisse (150 microns) et bâche fine (40 microns). Mais pour fixer ces filets, ce sont plusieurs dizaines de silosacs de 1 à 1,20 m de long et 27 à 30 cm de large, remplis de graviers qu'il faut mettre bout à bout, en travers tous les 5 m et sur le pourtour du silo. Difficile de faire plus efficace pour garantir l'herméticité (on arrive sur ces silos parfaitement étanchéifiés à moins de 5 % de perte de MS).
AVEC LE TAPIS GÉOTEXTILE MOINS DE SILOSACSÀ MANIPULER
Revers de la médaille : le temps passé et les kilos de silosacs à remuer. Pour un silo de 10 m x 50 m, compter 200 silosacs de 10 kg, soit 2 t à manipuler deux fois par an entre le bâchage et le débâchage. Une vraie corvée, surtout l'hiver, quand il faut manipuler des silosacs gelés qui collent à la couverture et au mur. Le tapis géotextile répond en partie à cette critique croissante autour d'une technique que l'on croyait immuable en Allemagne. La restructuration des exploitations, où les temps morts sont rares, est passée par là. Avec le tapis géotextile, plus besoin de silosacs en travers du silo. Subsistaient ceux le long des murs. Là encore, Agrocom, inspirée par Joseph Pflaum, chercheur spécialiste de l'ensilage aujourd'hui à la retraite, a trouvé une parade. C'est à lui que l'on doit la découverte du système Duhamel par les éleveurs allemands. Cette solution repose sur l'utilisation d'une bande de tapis de 1 à 1,50 m de large posée à la confection du silo sur les murs, sans supprimer la bâche murale. Une fois le fourrage parfaitement tassé, la bâche murale dépliée sur le tas (sur au moins 2 m), la bâche fine en place et la bande de tapis déroulée dessus, il suffit de rabattre le tapis de mur sur 50 cm et le scratcher à cette dernière (voir ci-contre).
La solution tapis-enrouleur à cliquet a séduit aussi en Allemagne pour des raisons économiques. Sur ce terrain, Agrocom a deux atouts pour offrir des prix compétitifs à la ferme. Elle travaille en direct avec la société italienne spécialisée dans la fabrication de ce type de tapis géotextile. Cela lui permet de le vendre à moins de 3 €/m2. On est à plus de 4 €, voire 5 €/m2 en France. C'est aussi Agrocom qui fabrique les enrouleurs à cliquet. Josef Pflaum a comparé les niveaux d'investissement et les coûts annuels des différents systèmes pour un silo de 8 m x 50 m (évaluation hors TVA et frais de transports)(2). Pour une couverture classique avec filets (1,50 €/m2), silosacs (2 €/m remplis de graviers), bâche épaisse (150 microns, 0,40 €/m2), bâche fine (40 microns, 0,15 €/m2) et bâche de mur neuve (0,40 €/m2), comptez 1 565 €, avec un coût annuel à 572 €/an. Le même silo avec deux bandes pour tapis (6 et 4 m de large, 2,83 €/m2), deux enrouleurs à cliquet avec tube semi-rigide (390 €/unité), une bâche fine, une bâche murale et des silosacs le long des murs, demande un investissement de 2 734 €, soit 535 €/an. Sans silosacs le long des murs, avec l'option d'un tapis de mur, on arrive à 3 207 € d'investissement et 657 €/an.
DEUX À TROIS FOIS MOINS DE PLASTIQUE À ÉLIMINER
Certes, le système tapis demande un effort financier plus conséquent au départ, mais les coûts annuels sont peu différents. La possibilité offerte par la couverture tapis de supprimer la bâche principale épaisse, pour ne garder qu'une bâche fine, explique cela. Le dispositif avec enrouleur à cliquet a aussi pour lui d'être bien moins gourmand en temps de travail et donc de main-d'oeuvre.
Cerise sur le gâteau, c'est un moyen efficace de réduire les déchets à éliminer. « 1 m2 de tapis géotextile (500 g/m2) d'une longévité de dix ans et une bâche fine (40 g/m2), c'est 90 g de déchets à éliminer par an. C'est près de trois fois moins que les 248 g de plastique/m2 du triptyque filet de protection (220 g/m2, longévité de huit ans), bâche principale épaisse (180 g/m2) et bâche fine qu'il remplace », estime Josef Pflaum. Les vendeurs de filets, de silosacs et de bâches épaisses ont du souci à se faire.
JEAN-MICHEL VOCORET
(1) GDG Innovations 02 43 01 08 80. (2) Durée d'amortissement : filets et silosacs 8 ans, scratch 4 ans, tapis et cliquets avec tuyau 10 ans. 5 % de taux d'intérêt sur 50 % de l'investissement.
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