Tracteurs et remorques : le mode de freinage évolue
Avec plus d’éléments de sécurité, un nouveau dispositif de freinage des remorques et des transmissions débridées au-delà de 40 km/h, les tracteurs neufs livrés depuis le 1er janvier 2018 ont évolué. Mais l’éleveur doit se poser les bonnes questions avant d’investir, s’il veut que tracteurs et matériels traînés restent compatibles.
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Les nouvelles dispositions du règlement européen sont entrées en vigueur au 1er janvier 2018 pour tous les tracteurs neufs. Appelé TMR (Tractor mother regulation) ou Mother regulation, ce texte vise à renforcer la sécurité et réduire le nombre d’accidents. Le règlement impose, par exemple, des rétroviseurs sans angles morts, la suppression des points saillants sur la carrosserie, la pose de pictogrammes repérant les points de graissage ou les éléments de sécurité, un dispositif empêchant le chauffeur de manipuler l’inverseur sans s’en rendre compte, l’utilisation de la clé de contact ou d’un outil pour ouvrir les capots. Autre changement auquel il faudra s’habituer : si le chauffeur veut descendre du tracteur en laissant tourner la prise de force, il doit actionner au préalable une commande spécifique en cabine. Sans quoi, la prise de force s’arrête dès qu’il se lève de son siège. Mais une évolution importante concerne le freinage des matériels tractés : tous les tracteurs neufs doivent être équipés d’un circuit à double ligne. C’est ce dernier point qui suscite le plus d’interrogations.
Freinage simple ou double ligne ?
Le freinage hydraulique à simple ligne est connu de tous puisqu’il équipe la majorité des matériels. Le principe est le suivant : en enfonçant la pédale, le conducteur envoie de l’huile dans le circuit, actionnant un vérin qui agit sur les freins de l’engin remorqué. S’il relâche la pédale, le frein se desserre aussitôt. En raison d’une capacité limitée, ce système n’est employé que sur les véhicules homologués à la vitesse maximale de 25 km/h. La réglementation française prévoit l’abandon du freinage hydraulique à simple ligne à partir du 1er janvier 2022. Les matériels traînés neufs vendus après cette date seront alors obligatoirement pourvus d’un freinage à double ligne (1).
Le freinage pneumatique à double ligne est plus couramment utilisé chez nos voisins européens, comme l’Allemagne, et se retrouve aussi en France sur les remorques ayant une homologation à 40 km/h. Le principe est différent puisque des ressorts serrent en permanence les freins. Il faut atteler le véhicule et connecter les deux flexibles rouge et jaune pour que la pression d’air libère les mâchoires, permettant au convoi d’avancer. Quand le chauffeur actionne la pédale dans la cabine, il coupe l’arrivée d’air, ce qui freine la benne. Le flexible branché sur le connecteur rouge est en pression constante, celui relié à la connexion jaune sert à moduler le freinage selon l’intensité des impulsions sur la pédale. En cas de rupture des flexibles, la remorque se freine automatiquement, puisqu’il n’y a plus de pression. Un principe qui répond aux exigences de la Mother regulation.
Le freinage hydraulique à double ligne est une seconde solution, également utilisable dans le cadre du nouveau règlement européen. Proposé depuis peu sur des tracteurs, il n’est pas encore employé sur les véhicules tractés. Ce système pourrait devenir une alternative au pneumatique. Il comprend également deux connecteurs. Le premier envoie de l’huile dans le circuit dès que le chauffeur appuie sur la pédale. Le second est un organe de sécurité : il maintient en tension un accumulateur hydraulique qui desserre les freins en permanence. Si la pression dans ce circuit vient à baisser à la suite d’une rupture d’attelage, par exemple, l’accumulateur se relâche, déclenchant le blocage des roues.
Qui propose quoi ?
Au moment d’acheter un tracteur neuf, les agriculteurs sont désormais confrontés à un dilemme : freinage pneumatique ou hydraulique ? Si beaucoup de marques sont en mesure de proposer les deux systèmes, elles n’ont pas toutes la même stratégie.
Claas, Fendt, John Deere ou Valtra misent surtout sur le freinage pneumatique. Les tracteurs sortent de l’usine avec les deux connecteurs rouge et jaune pour le circuit d’air, tout en conservant une prise hydraulique à simple ligne (2) afin de pouvoir atteler les matériels déjà présents sur l’exploitation. Pas besoin de sélectionner un mode de freinage, le tracteur détecte automatiquement le ou les circuit(s) connecté(s). L’installation d’un circuit pneumatique représente un surcoût de 2 500 à 4 500 € uniquement pour le tracteur. Les constructeurs indiquent que le prix du compresseur, 1 000 à 1500 €, peut être compensé si le tracteur est équipé d’une suspension pneumatique, ou s’il sert à tracter un matériel employant de l’air comprimé (pulvérisateur avec coupure de sections…).
D’autres marques comme New Holland ou Kubota proposent en priorité un freinage à double ligne hydraulique, principalement sur les modèles de petites et moyennes puissances. Deux raisons à cela : l’hydraulique double ligne ne coûte que 1 500 à 3 000 €, soit une économie intéressante, comparée au freinage pneumatique. Second atout, ce système peut aussi être connecté au flexible simple ligne d’un matériel existant. Pas besoin donc d’avoir deux types de circuits sur le même tracteur.
Quels enjeux pour les années à venir ?
À partir du 1er janvier 2022, les véhicules tractés devront également être équipés d’un freinage à double ligne, pneumatique ou hydraulique. Pour le moment, nous n’avons recensé aucun constructeur de remorques qui installe des freins à double ligne hydraulique. Mais d’ici à quatre ans, certains pourraient le faire. Tout l’enjeu est de savoir ce que l’on trouvera sur le marché.
Certains acteurs du machinisme pensent que le freinage pneumatique va s’imposer comme la seule solution. La technologie a fait ses preuves. Elle est très employée dans plusieurs pays par toutes les grandes marques de tracteurs et de véhicules tractés. En 2022, l’exploitant dont le tracteur n’est pas équipé devra alors investir dans un kit pour un montant de 2 500 à 5 000 € s’il veut pouvoir atteler un matériel neuf.
D’autres estiment au contraire que le freinage à double ligne hydraulique va se développer. Aucun constructeur de remorque n’installe ce système pour le moment. Mais il existe encore en France beaucoup de marques régionales peu présentes à l’export. Ces firmes pourraient privilégier le freinage à double ligne hydraulique pour leur marché local en raison de son prix plus attractif, quitte à proposer des versions avec freins pneumatiques en option. Dans ce cas, les deux principes cohabiteront. Mais, dans les exploitations et les Cuma, les problèmes de compatibilité entre tracteurs et matériels roulants n’ont pas fini de perturber l’organisation des chantiers.
Denis Lehé(1) Le texte concerne en priorité les véhicules de transport (bennes, tonnes à lisier, épandeurs…). Certains outils traînés passant peu de temps sur la route pourront conserver un freinage hydraulique à simple ligne avec une homologation à 25 km/h. (2) Le montage de deux systèmes est autorisé jusqu’à la fin 2020, mais un délai de quatre ans supplémentaire devrait être prochainement accordé.
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