« UN TAPIS EN SORTIE DE ROTO POUR RÉSOUDRE LES BOITERIES »
Le sol en béton désactivé, réalisé à la sortie du roto extérieur pour éviter les glissades, s'est avéré une mauvaise idée au Gaec Girard-Clerc. Trop agressif, il provoquait des dommages importants sur les pattes quand les vaches faisaient demi-tour.
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LA RECHERCHE DE LA PERFORMANCE LAITIÈRE est clairement un objectif au Gaec Girard-Clerc. Tout a donc été fait dans le bâtiment neuf, entré en fonction au printemps 2009, pour mettre les animaux dans des conditions de confort optimales tout en limitant au maximum le travail. D'où le choix d'une stabulation bien ventilée grâce à du bardage en bois sur toute la hauteur des longs pans. Le bâtiment à ossature de bois, lumineux et spacieux, dispose de deux couloirs d'alimentation sur les deux longueurs (avec des portes guillotines à chaque extrémité). Pour les 192 places de logettes, le choix s'est porté sur des matelas profonds et une litière sciure, avec une sangle en guise d'arrêtoir. Même souci de confort animal et de simplification du travail pour les aires d'exercice. On trouve dans les allées, mais aussi devant le cornadis, un caillebotis recouvert d'un tapis en caoutchouc. Comme le bâtiment n'accueille pour le moment que 140 vaches et que l'on cherche à garder des logettes le plus propre possible, un robot racleur fait des allers-retours réguliers : toutes les heures derrière les logettes, deux fois par jour devant les cornadis.
2 À 3 KG/VL DE PLUS SONT POSSIBLES POUR LES MONTBÉLIARDES À 31 KG
Tout semblait idéal, à l'entrée dans le bâtiment au printemps 2009, pour que les animaux expriment tout leur potentiel. D'autant que la ration venait d'être recalée deux semaines auparavant avec l'aide d'un consultant extérieur, Laurent Girard, de la société Alfalor.
Principale modification apportée pour corriger l'anomalie décelée de subacidose métabolique, l'introduction d'un mash pour les laitières et d'un autre pour les taries. Pas n'importe lequel : un mash personnalisé, formulé pour corriger l'équilibre acido-basique de la ration. Cela en fonction des analyses des fourrages utilisés (maïsensilage, foin de première et deuxième coupe) et notamment leur teneur en macroéléments (Ca, P, Mg, mais surtout Na, K, Cl).
Le fait est qu'avec le gros des vêlages d'août et septembre, la moyenne décolle. Le troupeau, qui oscillait depuis plus d'un an entre 25 et 28 kg, passe la barre des 30 kg au contrôle de septembre 2009. Depuis, il n'est pas redescendu en dessous. 31,7 kg par vache laitière en octobre, en novembre, avec un potentiel de 9 350 kg et 9 460 kg pour 140 vaches, beaucoup s'en seraient contentés avec près de 50 % de génisses. Pas les associés du Gaec, d'autant que leur consultant pense que le troupeau peut encore « gratter » 2 à 3 kg/VL/j, vu son niveau génétique.
Parce qu'un deuxième coup d'oeil extérieur vaut mieux qu'un, Laurent Girard sollicite un vétérinaire, spécialiste des boiteries. Lors de sa visite, Yves Debeauvais ne remarque rien d'anormal, de prime abord. Bien au contraire. Tout semble aller pour le mieux : l'état de santé des vaches paraît excellent. Les rumens sont remplis à l'optimum. Les glycémies sont bonnes. Pas d'élévation anormale des corps cétoniques. Les pH urinaires sont homogènes, comme les notes d'état.
UNE ÉNIGME RÉSOLUE EN MARCHANT À QUATRE PATTES
Mais en y regardant de plus près, quelques vaches se déplacent moins confortablement, boitent des postérieurs. Une ou deux des antérieurs. L'oeil avisé du spécialiste des pattes remarque sur les vaches couchées une légère inflammation du bourrelet de la couronne, sur 2 à 3 cm, sur le côté externe du talon. Une anomalie qu'il explique dans un premier temps par le frottement du revêtement caoutchouc des matelas et de la sciure des logettes. L'observation plus précise de trois animaux boiteux, isolés dans un box pour être parés, le fait se raviser. « Tous présentaient des lésions similaires sur les postérieurs, se rappelle Yves de Beauvais. Déformations nettes des sabots et des surfaces portantes, comblement voire convexité de la sole sur les deux onglons, hyperplasie des onglons externes et, sous ceux-ci, des lésions caractéristiques de fissures de la corne de la paroi abcédées jusqu'au bourrelet de la couronne, sur le côté des talons, en zone 3 (muraille en talon). »
En poursuivant l'examen, il décèle même des bleimes de la ligne blanche, bien visibles sur tout le côté des pieds moins atteints, en zone 2 (muraille latérale). Le parage fonctionnel précis qu'il opère avec un débridement de la corne abîmée fait apparaître un décollement important de la muraille, jusqu'à la couronne, en regard du talon, la sole présentant elle-même un décollement très large à cet endroit. Des lésions bien plus dramatiques que ne laissait penser la démarche modérément boiteuse des animaux. Merci les tapis !
Pour identifier la cause de ces maux, Yves Debeauvais décide de suivre le cheminement complet des vaches dans leur logement. Logettes et couloirs hyper-confortables, nous l'avons vu, vaste aire d'attente sur caillebotis mais sans tapis, abords du roto (vingt places, traite extérieure) bétonnés, avec traitement de surface pour conserver toutes les aspérités du sol. Donc, pas de glissade possible. Et c'était bien l'objectif de ce béton désactivé.
« LES BOITEUSES N'HÉSITENT PLUS À RECULER »
« Et là, en imitant les vaches, je me mets donc à quatre pattes (deux mains et deux genoux pour nous, habituellement bipèdes), j'avance sans problème au-dessus de l'antenne de détection des podomètres pour me glisser dans la place qui se libère devant moi. Un tour de manège, jusque-là, ça va, même si les paumes des mains fatiguent légèrement avec cette immobilité forcée. Ça se complique quand il faut reculer et repartir en marche avant en pivotant sur la gauche (le roto tourne dans le sens des aiguilles d'une montre). La rotation des genoux sur le béton rugueux est très difficile, voire douloureuse », se souvient le vétérinaire. L'explication des lésions podales devient évidente. Les efforts de cisaillement dus à la torsion des murailles sur les soles, fortement agrippées au béton, sollicitent la corne de la paroi au niveau du côté du talon, et provoquent à cet endroit des ouvertures de la ligne blanche, d'autant plus critiques que les efforts sont mal répartis sur ces pieds déformés non parés.
François-Xavier Girard et Bertrand Clerc, en charge du troupeau, comprennent pourquoi les boiteuses hésitent ou refusent de reculer à la sortie du roto. Dans les semaines qui suivent, la veille de Noël, quelques mètres carrés de tapis en caoutchouc (le même que celui utilisé sur les caillebotis mais sans trous) sont installés là où les vaches sortent et font demi-tour. Reste pendant la traite à le maintenir humide pour que les sabots pivotent, sans le déchirer sous l'effort… tout en conservant des appuis stables. La solution semble avoir porté ses fruits. Mi-mars, une trentaine de vaches ont été parées et un seul décollement de la ligne blanche observé. « On a moins de boiteuses dans le troupeau, une dizaine seulement, dont trois vraies », estime François- Xavier. Et, pour les causes, la maladie de Mortellaro a malheureusement pris le relais. « Les boiteuses, quand il y en a, n'hésitent plus à sortir du roto. » En revanche, certaines vaches ont tendance à stationner trop longtemps sur le tapis, gênant du coup la sortie des autres.
JEAN-MICHEL VOCORET
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