Traiter les effluents peu chargés au lieu de les stocker
Eaux du bloc de traite. Un peu oubliés avec la mode du 100 % lisier, les systèmes de traitement des effluents de salle de traite reviennent sur la scène. Une solution pratique quand le volume de fosse devient trop juste.
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Certains se souviennent peut-être du premier programme de mise aux normes des élevages, avec ces nouveaux sigles qui se sont imposés : PMPOA et Dexel. À l’époque, la recherche avait travaillé pour proposer des alternatives au stockage en vue de l’épandage, notamment pour les effluents peu chargés et de faible valeur agronomique. Bien que techniquement au point, ils n’ont pas su séduire les éleveurs qui les trouvaient complexes. La conception du projet demande de la technicité et du temps. Ce dont manquaient les rédacteurs des Dexel. Aujourd’hui, plusieurs raisons justifient un regain d’intérêt pour ces systèmes. D’une part, avec l’agrandissement des élevages, certaines fosses deviennent trop petites. Concevoir un système de traitement pour une partie des effluents permet de réduire les besoins en stockage. De plus, dans les nouvelles zones vulnérables, certains éleveurs n’ont pas assez de capacité de stockage pour répondre au nouveau calendrier d’épandage.
Effluents concernés : eaux blanches, vertes et brunes
La dilution du lisier par les eaux de salle de traite présente aussi l’inconvénient d’augmenter inutilement les volumes à épandre. Et les méthaniseurs ont besoin d’un produit un peu plus concentré. « Dans toutes ces situations, les systèmes de traitement ont des atouts à faire valoir, » affirme Jacques Charlery, au GIE Élevages de Bretagne. Le principe est de favoriser l’action bactérienne afin d’aboutir à un produit suffisamment propre pour être rejeté dans la nature.
Les effluents peu chargés, aptes à bénéficier de ces filières, sont essentiellement produits par le bloc de traite. C’est le cas des eaux de rinçage et de nettoyage de l’installation de traite et du tank (eaux blanches). Attention, le lait n’en fait pas partie, car il est bien trop riche. On y trouve aussi les eaux de lavage de l’aire d’attente, des quais et de la fosse de traite (eaux vertes). Les eaux de ruissellement des surfaces accessibles aux animaux en font également partie (eaux brunes). Le lactosérum, issu de la fabrication du fromage, ou les effluents domestiques de l’exploitation peuvent y entrer. Enfin, sous certaines conditions, on peut ajouter les lixiviats (eaux de pluie ayant ruisselé sur une fumière). Idèle a fixé à 0,5 kg N le seuil à ne pas dépasser pour ces effluents peu chargés. Le processus de traitement comprend généralement trois phases, quel que soit le système en place.
Les trois phases de traitement
Préparation de l’effluent
Le traitement ne concerne jamais l’effluent brut. Celui-ci subit d’abord une phase de préparation. Il doit décanter, être homogénéisé, filtré ou tamponné. Le but est de séparer les matières grossières en suspension afin d’éviter le colmatage par la suite. Deux types d’équipements le permettent. Il peut s’agir d’une fosse toutes eaux en béton ou plastique, pour des volumes de 3 à 12 m3. Au-delà, on construit un bassin tampon de sédimentation (BTS) en béton. On peut aussi reconvertir une fosse à lisier en BTS en y plaçant des buses au centre à la verticale, avec une pompe.
Dans tous les cas, des matières se déposent au fond et d’autres surnagent. On prélève dans la phase liquide intermédiaire pour passer à l’étape suivante.
On peut aussi aménager un filtre à paille. On place des bottes de paille tout autour d’une plate-forme creuse dans laquelle on met l’effluent. On recueille le produit filtré dans un canal extérieur qui entoure la plate-forme.
Digestion par des bactéries
C’est la phase de traitement proprement dite. Elle fait intervenir des bactéries qui ont besoin de temps et d’oxygène pour transformer les éléments. Au final, l’azote ammoniacal est transformé en azote gazeux qui se retrouve dans l’atmosphère. Les supports sableux sont intéressants car ils offrent une importante surface d’accroche pour les bactéries. Mais avec le temps, le sable se colmate. D’où l’intérêt de planter des roseaux. Leur système racinaire très développé empêche le colmatage, tout en favorisant l’aération du sol. Malgré tout, le processus de transformation reste assez lent. C’est pourquoi on installe souvent deux doubles bassins en parallèle. L’effluent est donc filtré deux fois. Et on alimente les deux côtés alternativement, en changeant toutes les deux semaines environ. On parle alors de filtre planté de roseaux à deux étages.
Ce système convient bien pour traiter les eaux blanches et vertes, à condition que les bouses soient raclées sur les quais. Si l’on veut traiter aussi les eaux brunes, il faut passer au filtre planté de roseaux à un étage avec recyclage. Dans ce cas, 80 % du volume sortant du filtre est redirigé vers l’entrée. L’épuration est améliorée, mais la dimension de l’installation devient alors importante.
Une autre option consiste à installer trois bassins de lagunage dans lesquels l’effluent va circuler successivement. En sol argileux, les bassins pourront être naturellement étanches. Sinon, il faudra recourir aux produits utilisés pour étanchéifier les retenues collinaires, ou encore utiliser une géomembrane. Dans ce système, les bactéries travaillent lentement. Les bassins peu profonds (pas plus d’un mètre) bénéficient de l’ensoleillement et le vent assure l’oxygénation. Les abords des lagunes doivent être entretenus. On y met souvent des canards ou des moutons. La flore et la faune aquatiques s’installent spontanément : de sympathiques grenouilles, mais aussi des moustiques, des ragondins, ou encore des algues dont il faut empêcher la prolifération.
Une troisième voie consiste à se passer de l’action bactérienne. Le produit est épandu sur des parcelles en herbe, il doit s’agir d’une surface épandable. Parce que la teneur en azote est inférieure à 0,5 unité, il est possible d’épandre toute l’année, sauf en cas de gel ou de pluie. Il faut donc prévoir un bassin de stockage. De plus, la surface nécessaire est importante. Des systèmes d’épandage mécanisés, fixes ou mobiles, sont donc indispensables. Les quantités épandues doivent être quantifiées pour être prises en compte dans le plan d’épandage.
Épandage
Lorsque la charge est suffisamment abattue, il reste à épandre le produit final. Le rejet direct dans un cours d’eau est interdit. Après un filtre planté de roseaux avec recyclage ou des lagunes, on épand le plus souvent sur une prairie, avec un tuyau perforé. On peut aussi rejeter sur des massifs filtrants végétalisés (roseaux entourés d’une haie d’eucalyptus) ou des bosquets épurateurs. Après un filtre planté de roseaux à deux étages, l’eau est rejetée sur une parcelle enherbée ou dans un sillon d’infiltration (100 m de long avec une pente de 0,5 à 2 %).
Des coûts raisonnables
Il est difficile de donner des prix moyens car les réalisations sont peu nombreuses. On compte environ 400 à 600 € pour une fosse toutes eaux, ou 140 €/m3 pour un bassin tampon de sédimentation. Le volume dépend de l’installation de traite, du temps de présence des vaches dans le bâtiment, ou encore des pratiques. En moyenne, il faudra 150 m3 pour 80 vaches laitières, mais cela doit être calculé précisément. L’aménagement d’une lagune revient à 20 €/m2 si le sol est favorable.
Ce sera plus cher avec une géomembrane. On prévoit environ 400 m2 de lagune pour 80 vaches. On peut aménager un puits de pompage dans une fosse à lisier pour 1 200 €. Un asperseur coûte 5 000 à 6 000 €, pompes comprises.
Peu de travail en plus
La conception d’un système de traitement des effluents peu chargés réclame des compétences. Il faudra souvent effectuer des analyses de sol, calculer précisément les volumes nécessaires à chaque étape. Une fois mis en place, si le système fonctionne bien, il demande peu de travail. Il faudra curer le BTS régulièrement, ou encore faucher les roseaux une fois par an. Mais le temps consacré à l’épandage sera réduit.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :