STOCKER SES CÉRÉALES POUR L'AUTOCONSOMMATION
L'ACHAT D'UNE SILOGRAIN EN 2010 A PERMIS AUX ADHÉRENTS DE LA CUMA DE BEZINGHEM D'INTRODUIRE UNE PART CROISSANTE DE CÉRÉALE S PRODUITES À LA FERME DANS L'ALIMENTATION DEs TROUPEAUx, SANS INVESTIR DANS LE STOCKAGE.
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LA PRODUCTION DE CÉRÉALES POUR L'AUTOCONSOMMATION s'inscrit dans une démarche globale, coordonnée par le Geda du Haut- Pays (Pas-de-Calais), visant à renforcer l'autonomie des troupeaux laitiers, tout en assurant une bonne maîtrise des coûts alimentaires. Pour répondre à cet enjeu, il y a trois ans, sept éleveurs, réunis au sein de la Cuma de Bezinghem, ont investi 21 500 € dans une Silograin. Ce matériel polyvalent, distribué par CGAO depuis 2003, est conçu pour concasser et tasser dans une gaine plastique, appelée « boudin », tout type de céréales sèches ou du maïs grain humide.
UN GRAIN CONCASSÉ, ET NON BROYÉ
Sur le modèle des broyeurs classiques, la Silograin est équipée d'une trémie au fond de laquelle se trouvent les éléments qui vont permettre d'éclater le grain. Il s'agit de rouleaux crantés, entraînés par la prise de force du tracteur de 70 ch minimum. Sous les rouleaux éclateurs se trouve une vis centrale qui dirige le grain vers la gaine plastique, où l'avancement du tracteur va permettre de gérer le compactage dans le boudin. La vitesse de chantier est de 10 à 12 t/h en céréales et de 20 à 25 t/h en maïs humide. Les gaines standards ont une longueur de 60 m, pour une capacité de 60 t (1,3 t/m, moins 2 m d'entame à chaque extrémité). « Pour des tonnages plus réduits, il est possible de couper la gaine pour faire des boudins de 10 ou 20 m, précise François Dufresse, directeur de la société CGAO. Un pulvérisateur intégré permet alors d'incorporer un conservateur au fur et à mesure de la confection du boudin pour faciliter la reprise de petites quantités. » En effet, avec du grain humide ensilé, pour limiter les pertes après l'ouverture, liées à une reprise des fermentations au contact de l'air, il faut respecter un rythme de distribution de 100 kg/j, soit une vitesse d'avancement minimum du front d'attaque de 10 cm/j. « L'ajout de conservateur limite ces phénomènes, ce qui autorise un rythme de reprise adapté aux petites exploitations de 50 kg/j. » Les limites de la Silograin portent sur l'avoine pure dont la granulométrie limite la vitesse de chantier à 5 t/h et provoque l'usure des éclateurs. La graine de lupin pose également des difficultés d'éclatement mais aussi de conservation.
LE DÉVELOPPEMENT DU MAÏS GRAIN HUMIDE
Pour rentabiliser la Silograin, la Cuma de Bezinghem intervient dans le cadre d'une inter-Cuma qui regroupe vingt-cinq éleveurs. Elle traite tout type de récolte : mélanges céréaliers, orge, maïs et féverole. Le coût de la mise en boudin, main d'oeuvre comprise, se situe de 15 à 18 €/t (la gaine plastique représente 4 à 5 €/t). « L'utilisation de la machine se développe surtout autour du maïs grain humide, de, grâce à l'évolution des semences qui permet de récolter en grains des variétés précoces d'indice 230 à 240 », constate Didier Leleu, président de la Cuma. Le maïs grain humide est récolté entre 32 et 38 % d'humidité, aussitôt broyé et tassé pour évacuer l'oxygène et permettre le travail des bactéries anaérobies qui vont transformer les sucres du maïs en acide lactique, un processus de conservation commun à tous les ensilages. « Le stockage en boudin du maïs grain humide, riche en sucres, est une technique qui a fait ses preuves et qui ne pose aucune difficulté, à condition de respecter un désilage journalier de 10 cm », explique Régis Coudure, ingénieur spécialisé dans le stockage des céréales à Arvalis-Institut du végétal. Le conseiller se montre en revanche plus prudent sur la pratique mise en oeuvre au sein de la Cuma, qui consiste à mettre en boudin des céréales et des protéagineux récoltés de 16 à 18 % d'humidité. « Ça passe jusqu'à 20 % sans conservateur, souligne Didier Leleu. À l'exception de pertes constatées sur des féveroles, dont on suppose qu'elles sont liées au salissement de la parcelle. »
LA QUALITÉ LIÉE À LA PÉRIODE DE DISTRIBUTION
Lorsque l'humidité du grain est inférieure à 32 %, les fermentations lactiques sont insuffisantes pour stabiliser le produit. Tant que la gaine est fermée et le grain à l'abri de l'air, il n'y a pas de problème de conservation. « Les pertes observées sur les féveroles ne sont pas liées à leur teneur en MAT. Avec une récolte entre 16 et 20 % d'humidité, le grain est trop sec pour permettre un tassement efficace et ces quelques points d'humidité vont favoriser la reprise des fermentations aérobies à l'origine de pertes alimentaires dès l'ouverture du boudin », prévient Régis Coudure.
Un risque d'autant plus grand que les grains éclatés ne sont plus protégés par leur enveloppe. « En hiver, lorsque les températures sont basses, il n'y aura pas de problème de conservation, mais au printemps, il y a un vrai risque d'échauffement. En outre, la présence de la flore du champ dans le tas, souvent plus verte, va renforcer ce risque. Elle va se développer après l'ouverture et produire des toxines. » L'ensilage du maïs humide ou l'inertage (24 à 32 % d'humidité) ont fait l'objet d'études qui confirment l'intérêt de ces pratiques. Mais sur céréales et protéagineux, les références manquent. « Dans ce cas, le stockage en boudin est séduisant mais présente un risque. Aussi, lorsque l'on est si proche de la maturité du grain (14 -15 % d'humidité), il est préférable de viser une récolte sèche en grain entier », recommande Régis Coudure.
JÉRÔME PEZON
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