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« GRÂCE À NOTRE BOVIDUC, NOUS POURRONS PASSER EN BIO »

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AVEC UN PARCELLAIRE COUPÉ EN DEUX PAR UNE ROUTE DÉPARTEMENTALE, ANNE LE BRAS NE POUVAIT PAS VALORISER LE PÂTURAGE COMME ELLE LE SOUHAITAIT. ELLE S'EST LANCÉE DANS LA CONSTRUCTION D'UN BOVIDUC.

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INSTALLÉE EN 2011 APRÈS AVOIR DÉMARRÉ SA CARRIÈRE à BCEL-Ouest,Anne Le Bras s'est associée avec un autre éleveur, Daniel Commault, qui produisait 280 000 litres de lait et possédait un troupeau de limousines. Avec son arrivée, la référence est montée à 440 000 litres. Les limousines se trouvaient sur un autre site, et la surface accessible à proximité du bâtiment (15 ha) suffisait pour cinquante laitières.

Mais en 2015, les éleveurs ont échangé les primes vaches allaitantes contre du lait. Les éleveurs ont préféré se spécialiser. L'effectif est monté à 80 vaches laitières. Faute de disposer d'une surface de pâture accessible suffisante, ils ont misé sur le maïs. « On en a implanté 30 ha l'an dernier, mais ce système ne me convient absolument pas. »

À terme, Anne se prépare à travailler seule car son associé prendra sa retraite plus tôt qu'elle. Elle embauchera sans doute un salarié. Mais elle n'envisage pas du tout de faire du maïs et des cultures de vente. « Je suis une femme et je sais gérer les vaches et l'herbe, pas les cultures. C'est le métier que j'aime. » De plus, dans cette région des Côtes-d'Armor, le climat est idéal pour avoir de l'herbe pendant presque toute l'année. Les terres exposées au nord se réchauffent doucement au printemps et les rendements en maïs plafonnent à 11-12 tonnes de matière sèche. En revanche, les prairies produisent 8 tonnes et l'herbe est abondante, même en été. Soucieuse de valoriser un maximum d'herbe par le pâturage, Anne Le Bras n'avait aucune envie d'acheter une autochargeuse.

« UN ACCÈS À 32 HECTARES SUPPLÉMENTAIRES »

Refusant de se laisser dicter leur système par la structure, les associés ont réfléchi et se sont informés. « L'an dernier, lors des journées Innov'action, nous avons visité un élevage qui avait fait construire un boviduc sous une route communale. Nous avons pensé que c'était la meilleure solution pour nous. Ce sont ainsi 32 ha supplémentaires qui pouvaient devenir accessibles pour les vaches laitières. »

Mais c'est une route départementale qui coupe leur exploitation. Renseignements pris, Anne et Daniel se sont rendu compte que cela compliquait la situation. Les dimensions sont plus importantes (14 m de long ici), les exigences en matière de sécurité aussi. « On peut avoir l'autorisation en une semaine sous une communale. Là, il a fallu rédiger un mémoire technique avec étude du sol, de la topographie... Il fallait aussi, par exemple, s'assurer que le boviduc tenait si deux semi-remorques s'y arrêtaient », explique Anne.

« UNE PREMIÈRE ICI DANS CES CONDITIONS »

Dans le département, ce boviduc était une première dans ces conditions, ce qui a allongé la procédure administrative.

Les éleveurs se sont renseignés aussi sur les différents procédés de fabrication. L'une des options était de construire le boviduc en béton, sur place. Cela supposait de réaliser des coffrages pour les côtés puis une dalle au-dessus. Mais avec les temps de séchage, il aurait fallu fermer la route pendant un mois, ce qui était difficilement envisageable. En moyenne, 1 800 véhicules empruntent cet axe chaque jour. Ils ont opté pour un système de pièces de béton préfabriquées, produites par une entreprise locale, Urvoy Préfa.

Ils ont eu la chance qu'il n'y ait pas de réseaux sous la chaussée. Sinon, le sommet du boviduc aurait dû se situer à 1,50 m en dessous de la route, au lieu de 40 cm actuellement. Cela aurait eu un impact sur le coût du projet. Par ailleurs, l'exploitation se trouve sur le bassin versant qui alimente Saint-Brieuc. Le département des Côtes-d'Armor souhaite maintenir l'élevage et encourager l'herbe pâturée dans ces zones. Une chance pour l'exploitation.

« UN MONTANT DE 40 000 ¤ SUBVENTIONNÉ À 40 % »

Le soutien du département a été précieux pour faire avancer le dossier. « Nous nous sommes réunis plusieurs fois avec le constructeur, Vincent Ave, et le département. La volonté politique a clairement facilité les démarches. » Au départ, le département proposait de poser 200 m de glissière d'autoroute de chaque côté pour éviter les chutes. Coût annoncé : 16 000 €. Finalement, l'ancien talus a été reconstruit et des plaques de protection ont été posées au-dessus du tunnel.

En fin de compte, en incluant le coût des études, le projet a été chiffré à 40 000 €, dont la moitié pour les fournitures. L'élevage a eu un accord de subvention (département, Région, Europe) pour 40 % du montant des travaux. « Contrairement au matériel pour affourager en vert, le boviduc est un investissement durable. Il n'y aura pas de frais de renouvellement. Nous ne brûlerons pas de fuel pour récolter l'herbe et épandre les effluents. »

Le boviduc a été installé en avril et tout en préparant le chantier, les associés ont modifié l'assolement pour profiter au plus vite des parcelles vouées à devenir accessibles. Ils y réfléchissaient depuis deux ans, alors que ces terres étaient en rotation maïs-blé.

« Nous avons d'abord semé 15 ha de mélange céréalier, pour récolter du méteil en mai, et également 6 ha d'orge. » Ils ont ensuite implanté une prairie de mélange (dix espèces), à base de trèfle, ray-grass et lotier, derrière le mélange céréalier. Après la moisson, ils prévoyaient de semer de l'herbe.

« LES VACHES PASSERONT HUIT MOIS DEHORS »

Les rotations comprendront désormais cinq ans de pâture, une récolte de maïs, deux en mélange céréalier ou en céréales. Cela permettra à l'exploitation de disposer en permanence de 70 ha d'herbe, 20 ha en céréales et 10 ha en maïs. Les vaches pourront passer huit mois dehors. « Dès l'automne, nous aurons vingt nouveaux hectares à pâturer. Ça va très vite, mais l'investissement se monte à 4 600 € rien que pour les semences. Et cet îlot de parcelles n'a jamais été pâturé. Il y a 10 km de clôture à poser, 1 000 piquets à planter, 2 km de canalisation d'eau à mettre en place. Il faut aussi créer les chemins et installer quinze bacs à eau. » Anne estime ces aménagements à 6 000 €, mais il s'agit d'investissements à long terme. « Nous voulons gagner notre vie. La fin des quotas a tout changé. Je suis convaincue que les investissements qui permettent de réduire les coûts de production sont les plus rentables. » Le but premier de la construction du boviduc est donc presque atteint : les vaches vont disposer d'une surface accessible au pâturage nettement plus importante dès cet automne. Mais la réflexion d'Anne se poursuit. « Notre système a toujours été extensif avec du pâturage et des vaches à 7 000 litres. En augmentant la surface en herbe, on va s'approcher beaucoup du bio. Et compte tenu de la crise qui s'éternise en lait conventionnel, nous avons opté pour la conversion. » Ils évaluent les livraisons en bio à 467 000 litres par an. « On part de la surface fourragère, 100 ha, et on table sur un chargement de 1,2 UGB/ha. On pourra nourrir 85 vaches qui produiront 5 500 litres vendus. » Elle est allée voir la laiterie de Saint-Malo qui cherche à augmenter sa collecte en bio. Aujourd'hui, l'élevage livre la coopérative Even qui ne travaille pas sur ce créneau. « Ils ont accepté que nous quittions plus vite que le préavis habituel pour bénéficier de la prime à la conversion. Saint-Malo est une petite laiterie, mais elle valorise bien le lait sur des marchés porteurs. Nous avons confiance en eux. C'est essentiel car notre avenir est lié à celui de la laiterie. »

PASCALE LE CANN

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Quatre heures pour construire le boviduc Une fois creusé, le sol a été stabilisé et compacté avant la pose des blocs de béton. Les pièces sont fixées entre elles grâce à un clavetage mécanique, un système breveté. Les réservations sont réalisées en usine. Cela permet de gagner du temps : les pièces de béton ont été posées en quatre heures !

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Les pièces sont déplacées grâce à une grue Les pièces de béton préfabriquées ont des dimensions variables selon les souhaits de l'éleveur. Ici, elles sont prévues pour un tunnel de 2,20 m sur 2,20 m. La longueur est de 14 m. Une grue de chantier est nécessaire pour déplacer les pièces.

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Prévoir une évacuation pour l'eau Le sol est bétonné aux deux extrémités du tunnel. Un avaloir a été installé. Des alimentations en eau et électricité ont été passées sous le boviduc pour desservir l'autre côté et aménager les paddocks.

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Des protections en bord de route Des murs de protection de béton ont été posés sur les côtés du tunnel. Les talus ont été reconstitués le long de la route. Au départ, le département avait souhaité installer des glissières de sécurité sur 200 m de chaque côté. Le coût s'élevait à 16 000 €. Une solution moins onéreuse a donc été recherchée.

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Une taxe pour utilisation de la route ! Le chantier s'achève par la réfection du revêtement de la route sur une largeur de 6,50 m. L'exploitation devra payer une taxe pour l'utilisation de la route. Le montant devrait être minime.

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Après une semaine de travaux, le boviduc est terminé. Reste à achever les chemins d'accès de part et d'autre, ainsi qu'à poser les clôtures et les canalisations pour l'eau.

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Vincent Ave, de la société Urvoy Préfa, s'est chargé de toute l'étude technique.

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