54 % des éleveurs n’ont vacciné leurs bovins contre aucune épizootie
Malgré les injonctions des vétérinaires et GDS à vacciner les bovins, la couverture vaccinale se déploie lentement dans l’Hexagone. Pourtant, entre mortalité, perte en lait et conséquences sur la reproduction « la balance bénéfice risque penche en faveur de la vaccination », insiste le vétérinaire François Schelcher.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
D’après un sondage réalisé sur Web-agri entre le 7 et le 14 octobre 2025, un peu plus de la moitié des éleveurs bovins n’ont pas vacciné leurs animaux contre les épizooties actuellement en circulation dans l’Hexagone. La FCO-3 est la maladie bénéficiant de la meilleure couverture vaccinale, avec 39 % des sondés ayant effectué une vaccination sur leurs animaux. Vient ensuite la MHE, avec autour de 27 % des exploitations couvertes, et 24 % pour la FCO-8 : des résultats qui poussent plus que jamais les vétérinaires à recommander la vaccination.
Ça n’est pas parce que l’exploitation a rencontré la maladie que l’intégralité du troupeau est immunisé
À l’occasion d’une conférence sur les épizooties au Sommet de l’élevage, François Schelcher vétérinaire et enseignant-chercheur est revenu sur les impacts de la maladie. Et pour le scientifique, ça n’est pas parce que l’exploitation a rencontré la maladie que l’intégralité du troupeau est immunisé. Le vétérinaire prend l’exemple de la MHE : « selon les élevages, on peut avoir 20 % des animaux touchés comme 95 % ». Si bien que dans la plupart des cas, une partie des animaux reste vulnérable à la maladie. Cela ouvre la porte à une reprise l’année suivante. « On oublie souvent que ces maladies progressent de manière exponentielle. Si l’on n’arrive pas à être extrêmement rapide et coercitif, on n’arrive plus à les gérer », abonde David Ngwa-Mbot, vétérinaire conseil pour GDS France.
Les conséquences des épizooties sont lourdes. « La mortalité n’est pas forcément énormissime », concède François Schelcher. Mais l’impact sur la production est bien présent. « Lors de l’épidémie de FCO-8 sur 2007-2008, on a estimé une baisse de production de 3 à 5 % sur les vaches laitières. Ça peut sembler peu sur une vache à 8 000 kg de lait, mais à l’échelle d’un territoire, l’impact n’est pas anodin », insiste le scientifique. D’autant que les conséquences sont parfois plus sournoises, avec des avortements ou des problèmes autour de la reproduction. « On estime qu’il y a entre 5 et 20 % des animaux qui sont touchés selon les espèces de ruminants ».
Sans parler des conséquences économiques liées aux fermetures de marché. « En 2009, la réouverture du marché de l’engraissement vers la Turquie, avec 50 000 têtes envoyées avait conduit à une hausse de 10 % du prix des broutards », rappelle le vétérinaire. Une manière d’illustrer l’intérêt du travail collectif sur le volet sanitaire.
Une balance bénéfice risque en faveur de la vaccination
Dans ce contexte, les GDS jouent les équilibristes. « Il ne faut pas que le traitement tue le patient », concède David Ngwa-Mbot. L’enjeu est alors d’arbitrer entre les différents sérotypes — voire virus — qui menacent la France. « On parle de FCO, mais il y a plein de FCO. Et l’on ne sait pas quel sérotype va exploser ou non ». L’an dernier, le sérotype 12 de la FCO était détecté aux Pays-Bas, sans générer de vague épizootique. À l’inverse, le sérotype 1 présent en Espagne, dans la région de la Castille, semble plus virulent et a appelé les autorités françaises à vacciner à la frontière. « C’est un pari. Nous verrons si cela va fonctionner. Parfois, les maladies font des sauts de puce », analyse le vétérinaire.
De son côté, la dermatose bovine est encore plus sournoise, avec un temps d’incubation qui peut monter à un mois. On attribue souvent la propagation de la maladie aux mouvements d’animaux, et c’est souvent vrai, « mais avec un tel temps et des bovins plus ou moins symptomatiques, il se peut que des animaux porteurs aient été transportés avant même la mise en place de la zone réglementée », insiste David Ngwa-Mbot. En d’autres termes, les vétérinaires s’accordent pour dire qu’il y a une différence entre ce qui est observé, et les réalités du terrain. « C’est inévitable ».
Mais cela ne discrédite pas pour autant la stratégie de lutte contre la maladie. « Si l’on dit qu’il y a 10 % de mortalité sur la DNC et que nous avons abattu 7 % des animaux dans la zone initiale. À l’échelle du territoire, on a sauvé 3 % du cheptel, sans parler de l’impact sur la production derrière. C’est ce qu’il faut avoir en tête ».
Composer avec les épizooties à l’avenir
Quoi qu’il en soit, l’avenir imposera aux éleveurs de composer avec les maladies vectorielles. Entre réchauffement climatique et multiplication des échanges, « les activités humaines augmentent considérablement les risques, avec une émergence de foyers autour des grands ports depuis les Pays-Bas, ou depuis l’Europe du sud ». Et la vaccination reste le meilleur outil pour prévenir ces maladies virales. « Il y a eu des millions de vaccinations qui ont été faites, et qui montrent qu’il n’y a pas d’impact sur les bovins, même en gestation. Par contre, des taureaux stériles qui ne replissent pas des lots de vaches, on en voit. Et c’est plusieurs dizaines de milliers d’euros de perdus à chaque fois. Le bénéfice risque est là », tranche François Schelcher.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :