Dermatose bovine : « on compte actuellement 3 000 bovins bloqués en estive »
La zone réglementée — déployée dans un rayon de 50 km autour des foyers de dermatose bovine — empêche les mouvements d’animaux vers la zone indemne. Entre vaches bloquées en estives, et broutards repoussés sur les exploitations, les éleveurs doivent redoubler d’ingéniosité pour jongler avec toutes les contraintes sanitaires.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
« On compte actuellement 3 000 bovins bloqués en zone réglementée en Isère et Savoie », lance Aurélien Clavel, président de la Chambre d’agriculture d’Isère. En cause, la zone tampon établie autour des foyers de dermatose nodulaire contagieuse. Les vaches en estive au sein de la « zone DNC », ne peuvent pas rejoindre leur étable si cette dernière se trouve en zone indemne. Une manière d’éviter la propagation de la maladie.
Cette réglementation créée des nœuds aux cerveaux à toute la filière. En alpage, l’hiver approche. La semaine prochaine, la neige devrait couvrir les estives à plus de 2 000 m d’altitude. La chute des températures a bloqué la pousse de l’herbe depuis maintenant plusieurs jours. Les éleveurs sont contraints d’affourager les bêtes par camion lorsqu’elles sont accessibles, et ces solutions apparaissent de plus en plus précaires alors que l’automne pointe le bout de son nez.
Pour la Chambre d’agriculture, l’enjeu est de trouver des solutions pour abriter ces animaux dans les vallées. Mais les places sont rares. « Dans la zone sous surveillance, les animaux ne peuvent être vendus que pour la boucherie. Il y a beaucoup d’éleveurs qui se retrouvent avec des broutards sur les bras, qui repoussent leurs réformes… ». Autrement dit, les étables sont pleines. « Nous avons des pistes sur des anciens bâtiments d’élevage », détaille Aurélien Clavel. La Chambre d’agriculture songe également à profiter de la libération de certaines parcelles pour faire descendre les vaches progressivement. « Il y a des estives un peu plus basses qui vont se libérer avec les retours aux bâtiments. On pourra y mettre les animaux les plus robustes », poursuit l’élu.
Vers une levée des restrictions le 21 octobre ?
Mais ces solutions restent provisoires. Pour reprendre les mouvements d’animaux vers la zone indemne, une période de 45 jours après la détection du dernier cas de dermatose doit être respectée. En l’état, les restrictions courent jusqu’au 21 octobre pour la zone réglementée établie dans les Alpes. « Le dernier foyer a été détecté début septembre. On a quasiment plus de suspicion dans la zone historique, les animaux ont été vaccinés rapidement, mais nous ne sommes pas à l’abri d’un cas isolé », estime Aurélien Clavel.
Si un nouveau cas devait se révéler, l’élu plaide pour un assouplissement du dispositif sanitaire. « L’idée n’est pas de propager la maladie, mais de trouver des solutions réalistes pour les bovins. On ne pourra pas garder des animaux en extérieur après le 21 octobre », insiste-t-il.
Sur le terrain, le contexte sanitaire oblige les éleveurs à redoubler d’inventivité. « Les vaches laitières prêtes à vêler qui ne peuvent pas rejoindre leur étable devront tout de même être traites. On peut laisser le veau, mais il y aura toujours un excédent de lait à gérer. Il faut leur trouver une salle de traite, leur apprendre à rentrer dedans, écouler le lait… »
La zone réglementée génère des conséquences en cascade
Au-delà de la logistique, l’élu alerte également sur les surcoûts générés par les mesures sanitaires. « La situation met les trésoreries sous tension ». Pension, affouragement, soins… « Il y a des conséquences en cascades, et pour l’instant, aucune prise en charge de l’état de ces dommages collatéraux. »
David Rivière, éleveur de Charolaises en Isère en témoigne. Si ses 40 Charolaises n’ont pas été touchées par la maladie, l’agriculteur subit les répercussions des restrictions sanitaires. « J’ai l’autorisation de bouger mes animaux dans un rayon de 5 km autour de mon siège d’exploitation. Cela veut dire que je ne peux pas pâturer mon second îlot, à 12 km de la ferme. Ça n’est pas bien grave en comparaison de ceux qui ont perdu leur troupeau de la DNC, mais derrière, ce sont des coûts de fauche, d’enrubannage… Tout ça pour une herbe qui en plus n’est pas très haute ».
Des broutards bloqués sur les fermes
Mais c’est surtout le devenir des broutards qui inquiète l’agriculteur. « J’ai de la chance, je suis en vêlage d’hiver. Je commence seulement à les sevrer, mais j’ai un ami qui est en vêlage d’automne avec 50 broutards sur les bras depuis le début de l’été. 50 broutards, c’est quand même plus de 100 000 € de trésorerie », rappelle l’agriculteur. Sans parler des questions de place et d’affouragement. « Si les animaux ne peuvent pas partir au 21 octobre, je ne sais pas comment je vais faire. Je n’ai pas la place pour garder tout le monde en bâtiment. Chez moi, les pâtures ne portent pas suffisamment l’hiver pour les laisser dehors, et il faudra aussi se poser la question de l’aliment… »
« Personnellement, j’ai dû faire un court terme à 3,5 % pour gérer les conséquences des restrictions sanitaires, avec un trou dans la trésorerie du fait de la rétention des broutards ». Mais le contexte politique n’aide pas. « On pourrait imaginer des prêts à taux zéro, ou une année blanche pour les cotisations MSA, mais pour cela, il faut quelqu’un aux commandes », regrette David.
S’il est actuellement possible de vendre les animaux à un engraisseur présent au sein de la zone réglementée, personne ne se bouscule pour récupérer ces animaux. « Il n’y a pas d’acheteurs », constate l’éleveur. La région est traditionnellement une zone de naissage. À la réouverture, l’éleveur craint que le marché reste chamboulé. « On va se retrouver avec des animaux entre le broutard et le baby, qui n’intéresseront pas forcément les engraisseurs mais qui auront coûté à alimenter ».
Les éleveurs ont joué le jeu de la sécurité sanitaire
Des conséquences d’autant plus difficiles à avaler que les agriculteurs ont dans la majorité joué le jeu de la sécurité sanitaire. « Il y a eu des polémiques au début, mais au global, les éleveurs respectent bien la réglementation », estime le président de la Chambre d’agriculture d’Isère. « On a fait de gros sacrifices. J’ai rentré mes animaux en plein mois d’août, j’ai vacciné un dimanche avec toutes les manipulations que ça implique… Et derrière les animaux sont bloqués », constate David Rivière.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :