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Claas lève un voile sur son Shredlage

Maïs. Les premiers résultats de l’ensilage 2016 ont été rendus publics. Il reste encore beaucoup d’interrogations sur l’intérêt de cet ensilage à brins longs.

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Qui n’a pas entendu parler d’ensilage maïs Shredlage, l’éclateur venu des États-Unis et propriété de Claas depuis 2016 ? Là-bas, les éleveurs laitiers ne jureraient que par cette technique. Rappel : l’éclateur Shredlage est destiné à produire un ensilage à brins longs (supérieurs à 20 mm et jusqu’à 30 mm), tout en éclatant finement les grains. Ce qu’un éclateur classique serait incapable de faire. L’éclatement suffisant des grains, au moins coupés en huit, est une demande pressante des nutritionnistes. Ils alertent depuis plusieurs années sur la faible dégradabilité/digestibilité de l’amidon qui se retrouve en proportion trop importante dans les bouses (voir p. 54). Quant à la notion de brins longs, elle intéresse les rations riches en ensilage maïs pour stimuler la rumination, faire l’impasse sur des fourrages fibreux (paille, foin) et de ce fait, concentrer un peu plus la ration en énergie.

« Un à deux kilos de lait en plus par vache aux USA »

Avec son profil rainuré en croix et un différentiel de vitesse de 50 % entre les deux rouleaux, le Shredlage assurerait aussi un cisaillement des fibres apte à booster leur digestibilité dans le rumen. Bref, meilleure digestibilité de l’amidon, meilleure dégradabilité des fibres, sécurité digestive, le Shredlage s’approcherait de l’ensilage maïs parfait. Et les retours des USA, version Claas, le confirment : «  Un à deux kilos en plus de lait/vache/jour avec des rations ensilage maïs-ensilage luzerne. » Rien à dire non plus sur la compaction de ces brins longs dans les silos, avec des densités plus que suffisantes (+ 300 kg/m3) pour assurer la conservation.

La technologie Shredlage est arrivée en France l’an dernier avec deux machines Claas France et deux autres chez des ETA de Bretagne. Sous le contrôle du constructeur, les premiers résultats ont été présentés cet automne : ils apparaissent unanimes pour l’éclatement des grains. Dans tous les essais de 2016, l’indice de fragmentation (IFG, voir p. 56) est toujours supérieur à 70 %, donc très satisfaisant. Cette pulvérisation des grains doit augmenter la dégradabilité ruminale de l’amidon. Un paramètre qui peut s’avérer très intéressant pour des maïs récoltés au-delà de 35 % de MS avec des grains souvent vitreux. Avec une coupe longue à 24 mm, le fourrage obtenu présente logiquement une part de particules supérieures à 19 mm (tamis Penn State) beaucoup plus importante : plus de 20 % au lieu des 5 % habituels. Idem pour les particules fines (moins de 4 mm) : 10 à 15 % au lieu de 5 %.

Comment cela a-t-il été digéré ? La société Inzo° a comparé l’ensilage Shredlage à un ensilage classique d’une même parcelle via la méthode in sacco (sachets placés dans le rumen) pour juger de la dégradabilité. Résultat : pas de différence observée sur l’amidon, mais une dégradabilité des fibres dans le rumen améliorée.

« L’éclateur doit être réglé à 1 mm »

Claas présente ensuite deux essais de terrain. Le premier, dans l’Orne, comparait deux lots de vaches. Le tassement des silos s’est révélé correct pour garantir une bonne conservation. Quant à la performance laitière, Claas annonce 1,2 kg de lait/VL/jour en plus quand Elvup précise : « Avec deux lots de vaches significativement différents, cet essai ne permet pas de conclure sur la supériorité du Shredlage en matière de production laitière. »

En Ille-et-Vilaine, douze élevages (700 ha) ayant ensilé du maïs Shredlage à l’automne 2016 ont été suivis par Eilyps. Précisons que ce sont des retours de terrain qui n’ont pas valeur d’essais scientifiques.

Premier constat : « Pour une pulvérisation optimale des grains, avec une longueur de coupe à 24 mm, l’éclateur doit être réglé à 1 mm, pas moins, donc une vitesse de la machine limitée. »

Ensuite, le tassement et la conservation ont été globalement satisfaisants, sauf trois élevages qui ont fait une taupinière au-dessus du silo couloir, avec des densités insuffisantes (moins de 200 kg/m3). Malgré une part de brins longs très supérieure, il y a eu peu de refus et l’ingestion a progressé de 5 à 10 %. « Les animaux n’ont pas trié car les grains sont pulvérisés et il y a peu de brins très longs inconsommables, mais ces résultats doivent être ­confirmés par des essais », estime Eilyps. Idem pour la performance laitière, elle aurait plutôt tendance à progresser, mais les élevages comparaient deux années de maïs différentes. « Est-ce l’effet Shredlage ou uniquement l’effet pulvérisation des grains ? » À confirmer aussi.

Dans la bibliographie(1), Arvalis nous dit que « sur six essais publiés entre 2012 et 2017, les performances animales sont proches entre les lots témoins et les lots maïs brins longs », « Aux USA, les essais ne sont pas unanimes sur le risque de tri, et donc de refus par les animaux », « Ces essais ne permettent pas d’affirmer qu’une coupe longue de l’ensilage maïs améliore la valorisation de la ration. »

Les avis des nutritionnistes ne sont donc pas encore tranchés. Il y a les sceptiques qui ne voient pas l’intérêt de payer un chantier de récolte plus cher (on annonce 40 €/ha supplémentaires) pour obtenir des longueurs de coupe supérieures à 18 mm. « Et puis l’ensilage de maïs en plat unique, ce n’est pas dans l’air du temps. » D’autres considèrent que sur des rations à maïs dominant, associé avec un ensilage d’herbe jeune peu fibreux, « rechercher des brins longs tout en assurant une pulvérisation des grains peut avoir du sens ».

En attendant, ce sont les éleveurs qui trancheront, mais aussi les ETA, les Cuma, clients de Claas qui devront s’équiper d’un éclateur plus cher s’usant plus vite (1 500 heures au lieu de 2 000) pour un chantier plus lent.

Dominique Grémy

(1) Perspectives Agricoles, septembre 2017.

© D.Grémy - L’éclateur. Deux rouleaux avec un différentiel de vitesse de 50 % s’useront plus vite. Le surcoût sur une machine neuve est de 2 500 €.D.Grémy

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