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« Nous formons un collectif »

« Le maître mot c’est la polyvalence. Chacun est capable de faire toutes les tâches » explique Stéphane Charrier aux côtés de Tom et de Yannick (de droite à gauche)

L’embauche de deux salariés apporte à Stéphane Charrier une grande souplesse, mais exige également un bon management, ici fondé sur l’implication de tout le monde dans les décisions.

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L’exploitation

«Quand j’y réfléchis, la question de la main-d’œuvre a toujours été centrale dans la gestion de mon exploitation et son évolution », analyse Stéphane Charrier. Aujourd’hui, l’éleveur laitier travaille avec deux salariés, Yannick, présent depuis vingt-quatre ans, et Tom, embauché en septembre dernier après son apprentissage. Depuis son installation à Javené (Ille-et-Vilaine), Stéphane a toujours fait appel à du personnel salarié. En 1999, lorsqu’il a repris l’exploitation d’un tiers (320 000 litres de lait, 40 ha), il a pris l’ancienne exploitante comme salariée. « Je ne me voyais pas travailler seul et je tenais à préserver du temps pour ma famille », raconte Stéphane, alors père de trois jeunes enfants. Après avoir été dix ans lui-même salarié dans la génétique porcine, il n’était pas prêt à tout consacrer à la ferme. Deux ans plus tard, au départ à la retraite de l’ancienne exploitante, il a eu recours à un groupement d’employeurs pour lequel travaillait Yannick, qu’il a ensuite embauché à plein temps à la suite d’une augmentation de ses surfaces et de son quota laitier. Il l’a gardé quand il s’est mis en Gaec avec un couple en 2007. « Dès le départ, je savais que mes associés partiraient à la retraite sept ans plus tard », précise Stéphane. Surtout, les éleveurs ont profité du regroupement de leurs deux exploitations pour refaire une stabulation avec logettes, un bloc de traite neuf (passage 2 x 5 à 2 x 14 simple équipement), une fumière, ce qui a entraîné beaucoup de travaux et un besoin de main-d’œuvre.

Au départ de ses associés en 2014, Stéphane se retrouve seul avec son salarié, mais le troupeau et les surfaces ont augmenté. Le chef d’entreprise décide alors de s’orienter vers un système plus herbager. Un gros travail est réalisé sur l’autonomie. Stéphane intègre un groupe AEP (agriculture écologiquement performante) animé par la chambre d’agriculture. Et c’est donc naturellement qu’il entame une conversion bio en 2019. « Aujourd’hui, il me reste dix ans à faire. Je souhaite arriver en fin de carrière professionnelle dans les meilleures conditions et profiter de davantage de temps libre », affirme l’éleveur, adhérent d’une troupe de théâtre. Depuis dix ans, il accueille régulièrement des stagiaires l’été pour continuer à travailler en binôme durant les vacances. En septembre 2022, il a recruté Tom comme apprenti pendant deux ans pour alléger la charge de travail puis l’a engagé à plein temps après la fin de son apprentissage. « J’ai préféré investir dans l’humain plutôt que dans la mécanisation poussée. »

Une pause est faite tous les matins pour discuter autour d’un café. (© I Lejas)

Pour Stéphane, son entreprise est avant tout un collectif. « Je partage mes décisions avec mes salariés afin de les impliquer au mieux à mon projet d’entreprise. Je souhaite que chacun se sente bien et soit serein au travail. » Cela passe par leur participation aux décisions, qu’il s’agisse de grandes orientations ou de sujets plus techniques. « Avant de passer à un système plus herbager puis au bio, j’en ai discuté avec Yannick car cela impliquait une autre façon de travailler, une autre organisation. » Il échange régulièrement ses idées avec Yannick et Tom. Par exemple, pour la gestion du pâturage, ils ont décidé ensemble de créer un paddock de jour et un pour la nuit car il faut traverser une route alors qu’auparavant ils utilisaient un paddock pour deux jours. Bien sûr, en tant que chef d’entreprise, c’est lui qui décide mais il embarque ses collaborateurs dans la réflexion.

L’organisation du travail est rodée. Le planning des vacances est réalisé en début d’année avec l’objectif d’être toujours deux présents sur l’élevage. Le temps de travail est annualisé et modulé selon la saison. À la fin, l’objectif est d’arriver au temps prévu (35 heures) grâce à la récupération sans avoir recours aux heures supplémentaires depuis qu’ils sont trois. Le maître-mot, c’est la polyvalence : « Chacun est capable d’effectuer toutes les tâches. Nous tournons régulièrement sur les postes notamment la traite pour que chacun n’en fasse qu’une seule par jour. Ce qui rend le travail plus varié. »

Aller chercher plus de résultats

Être trois UTH sur l’exploitation apporte une réelle souplesse. En contrepartie, le dirigeant exige un suivi de l’élevage rigoureux. « Il faut effectivement aller chercher plus de résultats pour payer cette main-d’œuvre. » Le suivi de la reproduction est strict. Ils réalisent eux-mêmes le contrôle de performances et les pesées. Et ce travail porte ses fruits avec une amélioration des résultats de reproduction : gain de 25 jours d’IVV, passé de 415 jours à 390 jours ; âge moyen au premier vêlage de 26 mois ; peu de pertes (5 %). L’agriculteur ne délègue plus les fauches d’herbe. Couper, andainer : ils effectuent tous les travaux avec le matériel de la Cuma ce qui permet d’être compétitif. « Surtout, à trois, nous sommes suffisamment nombreux pour être réactifs et intervenir dans les meilleurs créneaux météo en travaillant en continu. » Aujourd’hui, les aléas sont plus facilement gérables sans perturber le programme de travail initial. « Des imprévus, il y a en permanence sur nos fermes mais je suis plus serein car je sais que, dans tous les cas, le travail prévu (astreinte, cultures) va se faire », assure Stéphane. L’été, pendant les congés, cette organisation garantit que les personnes, connaissant bien l’exploitation, peuvent donc gérer les difficultés.

La référence laitière de l’élevage est de 786 000 litres en lait bio pour Sodiaal. « Actuellement, nous produisons 720 000 litres avec l’objectif d’atteindre 740 000 à 750 0000 litres. » Le salariat a un coût, il est donc essentiel que Yannick et Tom contribuent à l’obtention de bons résultats économiques. « Il faut générer de l’EBE supplémentaire. C’est là que l’approche technico-économique prend tout son sens. » Avec son centre de gestion, le Cerfrance Brocéliande, Stéphane réalise un compte provisoire tous les six mois pour suivre les indicateurs et piloter l’exploitation. L’éleveur consacre une demi-journée chaque semaine aux papiers, aux comptes mais également aux recherches, projets ou formations. « La souplesse de travail me laisse du temps pour faire le point et avancer. » L’entretien annuel avec chaque salarié permet d’avoir un moment dédié pour faire le point sur les attentes de chacun. « Il y a vraiment un intérêt à le faire. » En cas de bons résultats, il distribue une prime de partage de la valeur (PPV), actuellement basée sur l’ancienneté. La fidélisation des salariés passe aussi par la convivialité. Chaque année, l’éleveur organise un repas au restaurant avec les salariés, leurs conjoints, les enfants et même les anciens associés. « Mettre de l’humain au cœur des relations de travail est essentiel pour moi », conclut Stéphane.

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