Lait à l’herbe, Le modèle néo-zélandais « Un système plus souple et plus rémunérateur »
En système conventionnel, l’adoption du pâturage tournant dynamique associé à deux périodes de vêlage autorise la fermeture des silos pendant quatre mois.En découle une très bonne maîtrise du coût de production.
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Du système néo-zélandais, les associés du Gaec les Planches, à Désertines (Mayenne), se sont approprié le principe de maximiser le lait produit à l’herbe, dans le cadre d’une conduite d’élevage conventionnelle. Ici, pas de vaches kiwi, ni de conversion bio, ni de vêlages groupés de printemps. En revanche, la pratique du pâturage tournant dynamique est mise en œuvre depuis la campagne 2017, ce qui permet la fermeture des silos pendant quatre mois. « Le troupeau a toujours eu accès au pâturage conduit au fil avant. Mais nous avions conscience que les surfaces en herbe étaient sous-valorisées, expliquent Éric et Étienne Breillot. C’est la crise de 2015 qui a été le déclencheur de notre volonté de changer de pratiques pour aller vers un système plus résilient, moins dépendant des intrants. »
50 % de la matière sèche ingérée au pâturage
Pendant quatre ans, ils vont se perfectionner à la conduite du pâturage tournant sur des paddocks d’un jour au sein d’un groupe d’échange animé par PâtureSens. Parallèlement, ils vont investir progressivement dans les infrastructures nécessaires à la mise en place de cette pratique : alimentation en eau de toutes les parcelles, clôtures High Tensile et chemins d’accès stabilisés. L’investissement global s’élève à 50 000 € pour bâtir un système où l’herbe pâturée de mars à novembre représente 50 % de la MS totale ingérée par le troupeau.
Ici, la mise à la reproduction prévoit deux périodes de vêlage : la première entre le 15 janvier et le 15 mars qui concentre 64 % des mises-bas, la seconde de septembre à mi-octobre.
« En sortie d’hiver, les fraîches vêlées suivent la courbe de pousse de l’herbe, souligne Étienne. Ainsi, le pic de lactation survient en même temps que le pic d’herbe ce qui permet aux vaches d’être dans un état optimum au moment de la mise à la reproduction [NDLR : 60 % de réussite en 1re IA], c’est la clé du système ! Même si cela représente plus de contraintes, conserver deux périodes de vêlage amène à tarir des vaches en été, permettant ainsi de limiter les besoins du troupeau à un moment où il y a moins d’herbe. »
30 litres de lait à l’herbe et des silos fermés pendant quatre mois
En hiver à l’étable, les éleveurs privilégient la simplicité d’une ration complète qu’ils assument légèrement déséquilibrée : 3/5 de maïs ensilage, 2/5 d’ensilage d’herbe + 2 kg de soja, colza, au maximum. Ensuite, les laitières disposent de 42 ha divisés en 31 paddocks, soit 1,3 ha/paddock. Il s’agit surtout de prairies temporaires à base de RGA (diploïde et tétraploïde) et de TB.
La mise à l’herbe débute dès mi-février par un déprimage de toute la surface pendant quarante à quarante-cinq jours, au cours desquels un complément d’une demie ration de maïs ensilage est distribué le matin. « Lors de ce premier tour, comme en automne, le pâturage doit être agressif. Les vaches ne doivent donc pas sortir le ventre plein, sinon elles sont trop sélectives en pâture. »
Après la fin du déprimage, les prairies reçoivent 30 unités d’azote. Puis, le deuxième cycle démarre début avril, en même temps que la fermeture des silos. Jusqu’au quatrième cycle, les vaches vont tourner toutes les 24 heures sur 23 ou 24 paddocks (25 ares/vaches). Les éleveurs s’astreignent au moins une fois par semaine à faire le tour des parcelles, afin d’anticiper les paddocks à débrayer et ne pas être débordés. Les vaches ont toujours un apport fibreux d’ 1 kg d’enrubannage sec, pour prévenir la météorisation, + 1 kg de maïs grain broyé. « C’est une source d’énergie qui permet de mieux valoriser l’urée de l’herbe. C’est aussi l’occasion d’apporter le minéral. En avril-mai, la qualité de l’herbe assure une production de 30 kg de lait/vache. Ensuite, lorsque l’on décide de maximiser le pâturage, il faut accepter de voir le lait baisser et ne pas laisser aux vaches le choix de manger à l’auge. »
Une amélioration de la qualité des prairies naturelles
Les 6 ou 7 paddocks fauchés en première exploitation vers le 15-20 mai sont réintégrés à partir du cinquième cycle, début juin (soit 40 ares/vache), tandis que les paddocks pâturés au printemps sont tous fauchés au moins une fois pour être consommés au sol sur le principe du topping de façon à assurer des repousses homogènes (voir le reportage chez Antoine Beduneau). Ainsi, l’alimentation à l’herbe se prolonge jusqu’au 20 juillet, date à laquelle le silo de maïs est rouvert afin d’assurer une transition avant l’arrêt de la pousse de l’herbe et un retour à une alimentation 100 % à l’auge pendant un mois (cette année du 8 août au 12 septembre). « Nous évitons le surpâturage, très pénalisant pour la prairie. Ce que l’on perd à cette saison, on le récupère en arrière-saison. » À l’automne, deux à trois tours de pâturage sont réalisés selon les paddocks, avec l’équivalent d’un tiers de ration à l’auge. Quant aux génisses, elles valorisent les prairies les plus éloignées, notamment des prairies humides à 3 km de la ferme qui deviennent de vrais atouts dans un contexte de réchauffement climatique. « Contrairement aux fauches tardives, la conduite de ces surfaces en pâturage tournant contribue de façon flagrante à améliorer la flore, grâce à un chargement instantané élevé qui ne permet pas aux animaux de trier. C’est l’intérêt du système néo-zélandais. »
Seulement 700 kg de concentrés/vache/an
L’ensemble des parcelles reçoit un apport de lisier en automne ou d’engrais complet au printemps. La valorisation de l’herbe est estimée à 11 tonnes de MS d’herbe/ha. Une biomasse essentiellement valorisée au pâturage. Seules 15 % des prairies sont fauchées. Le stock d’ensilage ou d’enrubannage est complété par 10 ha de dérobées implantées après un blé. La production a priori modérée de 8 300 litres/vache est à mettre en balance avec une consommation de concentrés de 700 kg/vache/an.
Pour assurer l’autonomie fourragère, les éleveurs ont un peu réduit la sole de blé (1,85 UGB/ha de SFP). « Mais cela est compensé par la baisse du coût alimentaire, et aussi des charges fixes telles que le fuel ou l’entretien du matériel, et par une meilleure rémunération au bout du compte », souligne Éric. Les gains de rentabilité ont pu être investis dans le confort : conversion de l’aire paillée en logettes, installation d’une salle de traite 2 x 22 simple équipement, soit 1 h 15 de traite pour 110 vaches. « C’est aussi un système beaucoup plus souple qui s’apparente finalement à la méthode d’André Pochon. Il permet de se réserver du temps libre pour des activités extérieures. Après les vêlages, le troupeau peut-être géré seul. Sur la base de ce modèle, nous avons étudié la faisabilité d’une conversion bio. Cela représentait déjà il y a deux ans une perte d’EBE de 30 000 € principalement liée à la baisse de production, dans un mode de production qui semble moins résilient : dans nos conditions, les 24 ha de maïs représentent une vraie sécurité fourragère. »
Installés depuis trente-six ans ou onze ans, les associés apparaissent pleinement épanouis dans leur métier. Le Gaec et le pâturage leur permettent de prendre de quinze jours à trois semaines de vacances par an et de travailler un week-end sur deux selon les saisons.
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