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Des capteurs au service de l'élevage de précision

Identifier une vache à l'aide de lunettes et par simple commande vocale n'est pas de la science-fiction. Après le déploiement de son logiciel de gestion de troupeau sur smartphone, Lely dévoile une nouvelle application pour smartwatch (montre connectée) et lunettes Google Glass. À partir d'une connexion Wifi et d'un capteur d'identification sur l'animal, il est ainsi possible d'accéder à distance aux données du logiciel d'exploitation, sans passer par le bureau. Ces interfaces pourraient être co

Le recours aux nouvelles technologies permet de pallier les limites de l'observation humaine dans les grands troupeaux, et favorise l'émergence d'un élevage de précision qui vise à optimiser la marge dans un contexte économique plus instable.

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Podomètres, capteurs de pression, bolus pour mesurer le pH du rumen ou la température... autant de capteurs intelligents déjà répandus en élevage laitier. Depuis quelques années, les éleveurs se sont approprié ces nouvelles technologies issues du développement de la micro-électronique et des télécommunications pour donner naissance à l'élevage de précision. On entend par élevage de précision l'utilisation de capteurs pouvant enregistrer, en temps réel, des paramètres biologiques qui seront transformés en données zootechniques, par le biais d'algorithmes, avant d'être transmises à l'éleveur sous forme d'alerte pour l'aider à prendre ses décisions.

PILOTER L'ALIMENTATION, DÉTECTER LES TROUBLES DE SANTÉ ET LES CHALEURS

Ce domaine intègre aussi la prédiction de l'état physiologique des animaux à partir de l'analyse fine de la composition du lait et le recours aux automates (traite, alimentation) lorsqu'ils sont couplés à l'utilisation de capteurs et de technologies de transfert d'information. « Plusieurs raisons expliquent le développement de l'élevage de précision, observe Clément Allain, chargé d'étude et de veille technologique à l'Institut de l'élevage. D'une part, l'augmentation de la taille des troupeaux sans augmentation de la main-d'oeuvre associée et, d'autre part, la volatilité du coût des matières premières et du prix du lait qui entraîne un resserrement des marges. Dans ce contexte, l'amélioration, même faible, de l'efficacité du troupeau est devenu un enjeu important d'optimisation du revenu. »

Les capteurs disponibles sont positionnés sur l'animal, dans le bâtiment ou intégrés à un automate (compteur à lait, Dac, robot). Ils sont destinés au pilotage de l'alimentation, à la détection des troubles de la santé et/ou au suivi de la reproduction(1). Leurs performances sont hétérogènes et dépendantes des événements ciblés. Les technologies fournissant des alertes santé, comme les systèmes de détection des mammites, pâtissent d'un nombre élevé de fausses alertes. « C'est alors à l'éleveur de confirmer les alertes en s'appuyant sur d'autres informations : l'observation, l'historique de l'animal, la température... » Excepté les systèmes de détection des vêlages ayant une fiabilité de 100 %, les capteurs les plus répandus et les plus fiables sont les systèmes de détection de chaleurs.

Ils ont été développés dans un contexte où la sélection sur la productivité laitière a généré une diminution de l'expression des chaleurs et la multiplication des cycles irréguliers, dans des troupeaux de taille croissante où le temps consacré traditionnellement à l'observation est limité.

Les outils de monitoring dédiés à la détection des chaleurs sont fondés sur la mesure de l'activité physique des animaux pour déterminer le bon moment de l'insémination. La mesure repose sur deux types de capteurs.

- Le podomètre : sur un bracelet fixé à l'encolure ou à la patte, il mesure l'activité motrice (nombre de pas). Utilisé depuis les années quatre-vingt, il sert aussi à l'identification au Dac, au robot ou en salle de traite. L'analyse des données est également un élément de détection des boiteries. « L'émergence du zéro pâturage a conduit à miser sur l'accéléromètre fixé à l'encolure, car dans ces systèmes, le nombre de pas n'est pas toujours représentatif de l'activité. »

- L'accéléromètre : généralement sur un collier attaché à l'encolure et, dans certains cas, à la patte ou à l'oreille, il mesure les mouvements du cou dans les trois dimensions. Il permet d'obtenir des informations sur le temps d'ingestion, de rumination et l'alternance des positions debout-couché.

Deux études révèlent que les podomètres sont plus sensibles (plus de chaleurs détectées), mais produisent plus de fausses alertes. Dans tous les cas, la combinaison capteur-observation est le meilleur moyen d'optimiser les résultats. D'autres outils, comme les capteurs de pression positionnés sur la croupe, détectent l'acceptation du chevauchement avec une bonne fiabilité en stabulation libre et au pâturage, mais avec des performances dégradées en logettes. La détection de l'ovulation par dosage automatique de progestérone dans le lait (Herd Navigator chez Delaval) est la méthode la plus performante. Le début des prélèvements est paramétré par l'éleveur en fonction de ses objectifs de mise à la reproduction, et le système ajuste les prélèvements selon le stade physiologique de la vache (voir page 34).

UNE FAIBLE RENTABILITÉ MAIS UN PLUS SUR LE CONFORT DE TRAVAIL

Les bénéfices économiques (hors temps de travail) des capteurs sont difficiles à chiffrer et les rares études d'évaluation réalisées à ce jour concernent les détecteurs de chaleur. Leur retour sur investissement est évalué entre cinq et sept ans dans des troupeaux de plus de 120 vaches, à condition que l'amélioration de la détection atteigne au moins 30 %. « Ces niveaux d'amélioration peuvent être attendus dans des exploitations où le temps disponible dédié à l'observation est limité, souligne le chercheur. À l'inverse, pour des éleveurs performants avant d'être équipés et des troupeaux de taille réduite, l'investissement est difficilement rentabilisable. Des simulations réalisées dans des troupeaux de moins de 60 vaches ont montré que le gain économique est nul, voire négatif. Mais ce dernier n'est pas le seul intérêt pour les éleveurs, qui attendent un plus en matière de confort de travail et veulent sécuriser la prise de décision au moment de l'insémination. À ce titre, plus de 50 % des éleveurs enquêtés sont satisfaits du gain de temps de travail permis par ces équipements. »

UNE MASSE D'INFORMATIONS DIFFICILE À VALORISER

Les podomètres et accéléromètres fonctionnent selon deux principes : soit seuls et ils fournissent des alertes simples d'utilisation (SMS, alerte lumineuse ou vocale) en plus des courbes d'activité sur le logiciel d'exploitation à l'exemple du Heat'Phone (Médria), du Heatime (Milkline) ou du Heatbox (Gènes Diffusion) ; soit ils sont intégrés dans le système global du constructeur (GEA, Lely, Delaval, Fullwood Packo, Boumatic) et les données fournies peuvent être croisées avec d'autres informations. Dans ce cas, le boîtier ou la puce RFID sert à l'identification de l'animal au robot ou en salle de traite équipée de compteurs, pour obtenir des données individuelles automatisées plus régulières sur la conductivité, la température du lait, la production... « L'identification électronique est un préalable à la valorisation des compteurs à lait, rappelle David Saunier, ingénieur nouvelles technologies à France Conseil Élevage. En lien avec le logiciel de gestion du troupeau, elle permet de croiser les données et de les restituer sous forme d'alertes ou de rapports synthétiques destinés à faciliter la décision. Ainsi, grâce aux capteurs, il est possible de focaliser son attention sur l'animal qui sort du rang. C'est ce que l'on appelle le management par l'exception. Mais le traitement de l'animal déviant ne règle pas le problème sous-jacent dans le troupeau. Il y a donc intérêt à comparer l'individu au groupe, dans une logique de management global. » De plus, si l'interface permet de déceler un problème sur un animal, elle n'apporte pas de solutions pour le traiter, ni d'explications.

PASSER DU MESSAGE D'ALERTE À L'AIDE À LA DÉCISION

Il faut donc apprendre à interpréter les données, mais aussi à développer les fonctionnalités de ces outils. « La prise de décision est l'étape ultime de tout processus de management du troupeau, souligne Clément Allain. D'ores et déjà, des constructeurs intègrent les alertes dans un modèle d'aide à la décision, pour fournir un conseil qui tient compte de l'historique de l'animal. »

Ainsi, Lely propose le logiciel DLM intégré au robot de traite. Il calcule la quantité optimale de concentrés à distribuer en fonction des données de production, du prix du lait et des concentrés. Le Herd Navigator est capable de prendre en compte des facteurs comme la parité de la vache, son stade de lactation, ou son niveau de production pour conseiller sur l'opportunité d'inséminer ou non. Un autre exemple est la spectrométrie moyen infrarouge (Mir). Grâce à la possibilité de stocker les données, on peut désormais utiliser le spectre Mir pour déterminer le statut d'une vache (gestation, risque de maladie métabolique, balance énergétique...) à partir de la composition du lait, dans le cadre du contrôle de performance. « L'analyse du spectre Mir ne va pas remplacer tous les outils de monitoring, souligne David Saunier. Car ils apportent des informations complémentaires directes et immédiates à l'éleveur sur des événements d'intérêt zootechnique. » En France, près de 4 000 exploitations sont équipées de robots de traite avec leur lot de capteurs connectés à internet. « À l'échelon régional ou national, l'agrégation de ces données pourrait servir à sélectionner sur de nouveaux caractères, comme la résistance aux mammites », explique Clément Allain. Face à une baisse généralisée de la production, elle pourrait aussi servir à anticiper l'apparition d'épizooties de type FCO.

Mais un challenge très important concerne la standardisation de ces données et l'accès à celles-ci, sachant que chaque constructeur fonctionne avec ses propres logiciels. Des travaux de standardisation des échanges de données entre les robots, les capteurs et les organismes d'élevage sont en cours au sein du Comité international de contrôle de performances en élevage (Icar).

(1) Voir le panorama des capteurs en élevage bovin sur le site de l'Institut : http://idele.fr/recherche/publication/idelesolr/recommends/panorama-des-capteurs-en-elevage-bovin.html

Identifier une vache à l'aide de lunettes et par simple commande vocale n'est pas de la science-fiction. Après le déploiement de son logiciel de gestion de troupeau sur smartphone, Lely dévoile une nouvelle application pour smartwatch (montre connectée) et lunettes Google Glass. À partir d'une connexion Wifi et d'un capteur d'identification sur l'animal, il est ainsi possible d'accéder à distance aux données du logiciel d'exploitation, sans passer par le bureau. Ces interfaces pourraient être commercialisées dès 2015.

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