Fairme, l’atelier de transformation du lait autonome
Le Gaec des Chamois héberge le premier atelier de transformation laitière autonome, développé par la start-up Fairme. Il lui apporte un revenu supplémentaire sans aucun investissement.
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Rien n’a changé, ou presque, depuis l’installation d’un atelier de transformation autonome au Gaec des Chamois. Rien, sauf le revenu des trois associés. Et Didier, Franck et Martial n’ont rien à faire : le process se déroule sans intervention humaine. Du lait est prélevé directement dans le circuit en amont du tank, acheminé dans un cabanon de 15 m² abritant l’atelier, transformé en yaourt ou fromage frais, puis conditionné. La commercialisation n’est pas non plus à la charge des éleveurs : la start-up Fairme s’occupe de tout. Depuis l’été 2021, plusieurs prototypes se sont succédé, jusqu’à l’inauguration de l’atelier autonome sur la ferme en septembre 2023.
Trois ans plus tôt, quand Fairme s’était mis en chasse d’une exploitation laitière proche de Grenoble pour tester son concept, le Gaec s’était porté volontaire. « Le prix du lait annoncé était intéressant, et nous avions besoin de développer l’activité pour installer mon fils, sachant que notre bâtiment laitier était déjà saturé », témoigne Didier Rolland-Muquet. La prise de risque était minime car Fairme supporte tous les investissements.
Début 2021, son directeur du développement, Nathan Freret, a visité la ferme à Saint-Nizier-du-Moucherotte (38). En plus de l’accessibilité érigée en critère numéro 1, elle cochait les bonnes cases : agriculture biologique, race montbéliarde, 100 vaches.
Bio et esthétique
« Nous cherchons des ateliers de 50 à 100 vaches, certifiées bio ou en conversion, et préférons éviter la prim’holstein, résume Nathan. Notre cahier des charges va au-delà du label bio. Mais nous l’avons travaillé avec des instituts techniques et une centaine d’éleveurs de toute la France, pour le rendre le plus simple et cohérent possible. » L’alimentation du troupeau doit être 100 % française et issue à 90 % de la région et à 70 % de l’exploitation. L’intensification est limitée avec un niveau maximal de production (indexé sur la moyenne du contrôle laitier), un âge au premier vêlage de 26 mois révolus, un taux de renouvellement maximum de 30 %. Le pâturage est imposé six mois par an, six heures par jour. Le bien-être animal doit atteindre le niveau 3 du diagnostic Boviwell. D’autres critères encadrent la gestion des surfaces, la qualité des fourrages, celle du lait ainsi que l’esthétique de l’exploitation qui est amenée à recevoir des clients (son image est de plus imprimée sur les pots de yaourts).
« Nous étions dans les clous sans changer nos pratiques, relate Didier. Nos vaches pâturent de mai à novembre. Avec 172 ha dont 10 de céréales, nous sommes normalement autonomes en fourrage. Notre laiterie nous impose déjà une origine France pour le soja et nous achetons en complément des céréales d’origine régionale. »
En contrepartie du respect de ce cahier des charges, Fairme paye le lait à un prix de base de 600 €/1 000 l, auquel s’ajoutent 50 € par point de matière grasse et matière protéique. De plus un modique loyer est versé pour l’emplacement de l’atelier et du parking : en tout 50 €/mois pour le Gaec du Chamois.
« L’atelier a besoin d’eau, d’électricité et d’Internet, ajoute Nathan Freret. Le compteur électrique était limité donc nous en avons fait poser un nouveau. Et nous avons fait venir l’eau du réseau car celle de la source n’était pas homologuée pour la transformation. Nous avons aussi remblayé la surface pour installer le cabanon. Tous ces travaux ont été pris en charge par Fairme. »
Le contrat signé au printemps 2021 porte sur un minimum d’achat de 100 l par jour, pouvant augmenter selon les besoins de fabrication. « Il porte sur cinq ans, reprend Nathan. Une révision annuelle du prix est prévue en fonction des indicateurs du Cniel, mais il ne pourra se faire qu’à la hausse : notre prix plancher restera à 600 €/1 000 l. Nous nous rémunérons sur la vente de produits : le pot de yaourt ou kéfir est vendu à 60 cts, le fromage blanc 500 g à 2,5 €. »
600 à 800 €/1 000 l
Aujourd’hui, le Gaec vend quotidiennement 100 litres payés 0,8 €/l. Pas de quoi grever sa référence de 557 000 l, produite en totalité et livrée à Sodiaal. À part vérifier que le cabanon ne s’envole pas en cas de tempête, l’atelier de Fairme n’induit aucune tâche supplémentaire. « Le seul changement pour nous, c’est que cela peut ramener un peu de monde à la ferme », constate Didier. Mais il n’y a pas besoin d’être présent pour accueillir le public et celui-ci est sous la responsabilité de Fairme.
De la même manière, la responsabilité des éleveurs s’arrête au niveau de la vanne qui permet à Fairme de prélever son volume de lait. « À partir de là, nous en sommes responsables sanitairement et commercialement, explique Nathan. Notre robot estime le taux de cellules, la matière grasse, la matière protéique, et oriente le lait vers tel ou tel type de fabrication. Les analyses en fin de process de transformation permettent de détecter la présence d’inhibiteurs : dans ce cas les produits sont écartés. » Les effluents rejoignent la fosse à lisier. À l’époque où les éleveurs avaient deux cochons, le lactosérum leur était donné. À l’avenir, il devrait être transformé en ricotta.
Pour l’instant, les 100 litres quotidiennement prélevés sont surtout utilisés par Fairme à des fins de recherche et développement. La gamme comporte yaourts, fromages blancs, kéfir et lait pasteurisé, et devrait s’étoffer : des tests de fabrication sont en cours sur différents fromages. Des clients peuvent déjà venir acheter des produits à l’atelier, selon les stocks disponibles. Bientôt, ils pourront utiliser une application web afin d’induire la fabrication de produits à la demande, puis aller le retirer ou choisir de se le faire livrer. À terme, le retrait sur place ne devrait représenter que 10 à 15 % des débouchés selon les plans de la start-up, qui prévoit de développer aussi les livraisons pour les entreprises, magasins et cantines, dans un rayon de 80 km au maximum.
À côté des produits laitiers, l’atelier vend des œufs et de la farine produits par le Gaec. Le projet d’installation de Martial comportait en effet un atelier poules pondeuses, soutenu par Fairme. La start-up n’a pas supporté l’investissement dans le poulailler, mais elle s’engage sur un prix unitaire de 0,28 € en calibre S/M et 0,35 € en L/XL, contre le respect d’un cahier des charges. Pour l’instant les œufs et la farine sont simplement en vente à l’atelier, en complément des produits laitiers. Plus tard, l’objectif est de les utiliser dans la fabrication de recettes de dessert. Toutes les pistes sont bonnes pour augmenter l’activité de l’atelier… et par ricochet, le revenu des éleveurs.
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