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Benoît Girod « Les mesures structurelles du comté manquent d’ambition »

Pour la Confédération paysanne, le cahier des charges rénové du comté n’est pas à la hauteur du défi auquel fait face la filière. Elle prône des garde-fous plus stricts, afin de limiter l’intensification et ainsi cesser de perdre fermes et fruitières.

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Pourquoi intervenir auprès de la commission d’enquête de l’Inao sur le nouveau cahier des charges du comté, alors que votre syndicat a participé, au sein de l’interprofession, à son élaboration ?

Benoît Girod  : Nous sommes effectivement membres du collège producteurs, mais minoritaires. Nous y avons trouvé, sur certains points, des consensus qui vont dans le bon sens. Ainsi la limitation de l’affouragement en vert, l’obligation d’atteindre 200 °C au printemps pour épandre du lisier, une part minimale de 50 % de la SFP en prairie permanente, l’augmentation de la surface herbagère par vache, l’obligation de 50 ares/VL pâturables autour du point de traite. Mais l’introduction de mesures structu­relles, une très bonne chose en soi, ne va pas assez loin. On est là sur un consensus mou, qui manque d’ambition pour garantir un avenir durable pour la filière, ses acteurs et son environnement. Notre richesse, c’est un maillage du territoire qui compte 2 500 exploitations et 150 ateliers de fabrication. C’est ce qui est vendu aux consommateurs. C’est notre garantie de variété des goûts du comté, reflet de son terroir. Pour préserver cette richesse, il faut limiter de façon plus nette l’intensification qui est en marche.

Avec un prix moyen à 600 €/t, on n’a pas besoin de 50 VL/UMO à 8 500 kg de lait/VL pour vivre. On n’a pas besoin de s’agrandir pour affronter l’avenir. Nos 2500 fermes actuelles sont viables et reprenables en l’état.

Quelles mesures structurelles ne vont pas assez loin ?

B. G. : Principalement celle sur la limitation de la taille des fermes. Elle doit être réelle et passer par une vraie limitation de la productivité laitière par unité de main-d’œuvre. Plutôt que les 1,2 Ml maximum par ferme retenus par le CIGC, nous proposons 0,8 Ml. Au-delà, la limitation prévue du nombre de VL par actif (50 VL pour le premier actif, 40 VL pour les autres) et celle de la productivité animale (8 500 l/VL de moyenne troupeau) devraient être plus restrictives : 35 VL/actif pour le premier (25 VL pour les autres) et 6 500 l/VL. Il faut cela pour éviter une dérive industrielle de l’AOP, qui se produira au fil du temps si on laisse faire la nature humaine… Celle qui pousse au « toujours plus ». Limiter vraiment la taille des exploitations est aussi une façon de répondre à l’enjeu actuel majeur du changement climatique. Cela en adaptant la production de lait sur la ferme aux ressources naturelles localement disponibles. Cela en diminuant le niveau de production plutôt qu’en s’agrandissant, car les nouvelles surfaces fourragères seront aussi soumises aux aléas, les rendant moins disponibles et/ou pas exploitables.

Limiter la taille des fermes est enfin une solution pour relever le défi environnemental qui nous attend. Je veux parler de l’impact sur les écosystèmes : moins d’effluents épandus et/ou moins de fertilisation minérale permettront de diminuer les risques. Il faut être en phase avec ce que l’on vend aux consommateurs : un comté qui préserve son environnement. Le nouveau cahier des charges fait des efforts en ce sens, mais il faut aller plus loin.

Estimez-vous que la densité actuelle du cheptel sur certains secteurs devrait être réduite afin de limiter l’impact sur la pollution des rivières (Loue, Dessoubre) ?

B. G. : La production laitière totale (lait AOP et conventionnel) sur le Doubs et le Jura a crû de l’ordre de 20 % en vingt ans. Or, nous sommes sur un sous-sol karstique très sensible. Je n’ai pas les chiffres de l’évolution de la densité du cheptel à l’hectare. Mais je m’interroge, car il est notoire que sur cette période, beaucoup de fermes des zones basses ont cessé le lait, beaucoup d’installations dopées par la rémunération du lait à comté se sont faites sur les premiers plateaux du massif jurassien. Et les troupeaux se sont agrandis. La gestion des quotas au niveau du Grand Est a aussi ramené sur le massif jurassien des références laitières et intensifié les surfaces (90 000 l de lait alloués alors aux JA).

Propos recueillis par Jean-Michel Vocoret

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