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« La création du Gaec donne un nouvel élan à l’exploitation »

Ghislaine et François Lattelais ont traversé bien des difficultés. L’installation de leur fils, Thomas, avec François est l’occasion de remettre à plat la ­conduite de l’élevage et des cultures. Davantage de valeur ajoutée est leur leitmotiv.

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Notre fils s’installe sur l’exploitation. C’est une grande satisfaction », déclarent avec un large sourire Ghislaine et François Lattelais. À 27 ans, après six ans salarié, Thomas a rejoint le 1er mars la ferme familiale. « Je voyais mes parents galérer. Je me suis orienté vers une autre profession. Finalement, j’ai décidé de revenir. J’aime les animaux, la production laitière et la génétique. »

Son arrivée s’accompagne d’une reconversion professionnelle de Ghislaine. Depuis octobre, elle est assistante maternelle dans la nouvelle habitation du couple, à 15 km de là. « C’est un crève-cœur de quitter le troupeau. J’adore nos vaches. Traire me détend », confie-t-elle. Comme bon nombre d’éleveurs, elle souffre des épaules. « Mon médecin m’a clairement dit d’arrêter de traire. » L’exploitation compte toujours 2 UTH, mais désormais avec Thomas et François… Même si Ghislaine n’est pas loin pour donner un coup de main et faire la comptabilité.

« La sortie du tunnel après dix ans de galère »

Il faut dire que le couple a construit de toutes pièces l’élevage laitier et a traversé bien des difficultés. « Il y avait zéro lait lorsque nous sommes arrivés en 1987 sur 73 ha. On nous a attribué 220 000 litres de quotas. Nous avons débuté en étable entravée. » En avril 2015, il affichait 416 000 litres de quotas sur la surface actuelle de 103 ha, mais produisait 620 000 litres via un contrat Ballmann signé en 2011. La mise aux normes en 2009 avec des malfaçons, le « Ballmann » qui s’est terminé prématurément, les deux crises laitières et une conduite technique trop coûteuse ont plombé les dix dernières années. « Ils avaient perdu confiance en eux lorsqu’ils m’ont contacté fin 2015. Les choses ont bien changé », se réjouit Claude Bourigault, de CERFrance Seine-Normandie, qui les suit depuis. Les deux parents ont bon espoir d’apurer en trois ans leurs dettes fournisseurs. Y ont déjà contribué une partie des dommages et intérêts relatifs à la mise aux normes et la recette supplémentaire de 10 000 € grâce au blé 2018 vendu 202 €/t.

Le capital social du Gaec, créé en juillet dernier, tient compte de cet endettement. Aux 500 000 € d’actifs estimés par un expert (hors bâtiments et foncier) sont déduits les dettes fournisseurs et le remboursement de la mise aux normes jusqu’en 2023. « Mon père et moi apportons chacun 100 000 € », précise Thomas. Lui emprunte 100 000 € sur dix ans.

La rémunération définie par les deux associés est un compromis entre ce que permet l’exploitation et leurs besoins privés.

« Produire 680 000 litres dans les bâtiments existants »

Cette année, de mars à décembre, elle est fixée à 1 000 € par associé par mois. À partir de janvier, elle est revalorisée à 1 900 € grâce à l’augmentation de la référence laitière en 2019 et par un travail de reconquête des coûts de production qui commence déjà à porter ses fruits (lire ci-dessus). Une fois déduits les 900 € de remboursement JA, Thomas dispose de 1 000 € par mois. « Grâce à son travail salarié, ma conjointe est un précieux soutien à mon installation. » Son arrivée sur l’exploitation ne se cantonne pas au remplacement de Ghislaine Lattelais. Elle insuffle une nouvelle dynamique, sans tomber dans la folie des grandeurs « L’élevage passe de 416 000 à 680 000 litres de référence à partir du 1er janvier 2019, sans investir dans un nouveau bâtiment. C’est ce qui fait la pertinence du projet », juge Claude Bourigault. Parents et enfant ne s’en cachent pas : ils préfèrent les systèmes intensifs avec des holsteins à haut potentiel. Par les deux contrats de 100 000 litres acquis auprès d’adhérents de l’OP Danone Haute-Normandie, ils renouent avec un volume au-delà des 600 000 litres et disent leur envie d’augmenter le niveau d’étable à plus de 10 000 litres par vache (8 500 litres actuellement). Ils mettent leur élevage en ordre de bataille. De 65 vaches, le troupeau va passer à 80 têtes. Quelque 60 à 65 laitières seront traites toute l’année… au robot.

Un robot de traite pour le confort de travail

Thomas, qui est responsable de l’élevage, refuse que ce soit dans la 2 x 5 postes qui ne répond plus aux standards de confort. « Je le ferais à contrecœur. » Les associés prévoient la pose d’un Lely A5 en décembre. Coût de l’investissement, hors barrières et portes de tri : 147 000 €. De même, ils vont investir 9 500 € dans un repousse-fourrages Lely. Au total, avec l’achat d’une pailleuse, d’un télescopique et la réalisation d’un forage, le projet s’élève à 255 000 €. Ils ont déposé une demande d’aide à l’investissement PCAE auprès de la Région Normandie pour le robot de traite et le repousse-fourrages. Si elle n’est pas accordée ou s’ils perçoivent moins qu’espéré, ils différeront l’achat du télescopique. Leur projet est bâti sur un emprunt de 165 000 €.

« Indispensable : maîtriser les charges opérationnelles »

« Ces investissements raisonnables donnent une bonne base au projet. Ce n’est pas suffisant, estime Claude Bourigault. Sa réussite passera par des charges opérationnelles maîtrisées de l’atelier laitier. Leséleveurs sont techniquement performants mais aux dépens du coût alimentaire. » Ensemble, ils ont révisé l’alimentation des laitières. La ration semi-complète est équilibrée à 28 kg, contre 35 kg jusque-là. Ils s’appuient aussi sur la voie fourragère. François et Thomas ajoutent depuis cet été de l’ensilage d’herbe au maïs et veulent maintenir les 12 ha de pâturage après l’installation du robot. « Les premiers résultats du Gaec sont encourageants, constate le conseiller. À partir des achats de concentrés et de coproduits jusqu’en décembre, les dépenses pour 2018-2019 sont estimées inférieures de 21 000 € à ce qui était prévu. » Cela se traduit par une baisse des concentrés au litre et par vache : 220 g/l et 1,7 t/vache contre 247 g/l et 1,9 t. La réduction du coût alimentaire passe aussi par un âge au premier vêlage à 24 mois et un meilleur suivi de la reproduction. ­Thomas s’est emparé du sujet. Il insémine lui-même les femelles. Il pourra s’appuyer sur les outils de pilotage qu’offre le robot et le retour de l’élevage au contrôle laitier. Depuis trois ans, les éleveurs naviguent à vue.

Rechercher la valeur ajoutée sur tous les ateliers

Les autres ateliers n’échappent pas à cette refonte. Le Gaec arrête les taurillons, ce qui libère un bâtiment de cinquante places au profit des vaches taries et des génisses. Une sacrée bouffée d’oxygène pour gérer l’agrandissement du troupeau. « Il faut utiliser les moyens de production à sa disposition pour maximiser la valeur ajoutée. Celle d’un atelier de taurillons n’est pas suffisante », pointe le conseiller de gestion. La Normandie est le leader mondial du lin textile. La surface libérée est logiquement orientée vers cette culture (7 à 9 ha). L’étude prévisionnelle évalue sa marge brute à 2250 €/ha, contre 650 € pour le blé (à 150 € la tonne). Le Gaec loue six autres hectares pour 6 260 €.

« L’installation de Thomas amène une nouvelle répartition des tâches et leur professionnalisation. Cela ne peut être que positif. » À François la gestion des cultures, à Thomas celle des vaches. Ils pourront compter sur l’appui de Claude Bourigault qui, malgré son récent départ à la retraite, poursuit l’accompagnement, à leur demande. Il a à cœur de voir le Gaec durablement sur de bons rails.

Claire Hue

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