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« Nous groupons nos achats de matières premières »

Approvisionnements. Depuis plus de dix ans, un petit groupe d’éleveurs de Haute-Loire s’approvisionne en matières premières sur le marché à terme. Moyennant un peu d’organisation, cette pratique autorise une économie notable sur le coût alimentaire.

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C’est en 2004, à la suite de l’abandon du Dac au profit de la mélangeuse et de la ration complète, que nous avons décidé de nous lancer dans l’achat de matières premières par semi-remorque de 30 tonnes/mois » , explique Jean-Louis Bernard, du Gaec du Mistral. Cette pratique d’approvisionnement sur le marché à terme, v ia une société de courtage, vise à réduire le prix des aliments rendus ferme. Mais comme ses besoins sont de 10 tonnes d’aliments par mois, il s’est organisé avec trois ou quatre éleveurs du canton.

Puis, en 2006, le petit groupe va plus loin et, avec les adhérents de la Cuma, ils créent un GIE destiné à l’achat groupé de fournitures, aussi bien les tourteaux ou les semences que les produits vétérinaires.

La règle qui régit les livraisons d’aliments achetés sur le marché à terme est la suivante : un semi-remorque par mois de 30 tonnes minimum, déchargé sur un seul site, avec une seule facture.

La mutualisation n’est pas toujours acceptée

Le prélèvement de  1 % des achats permettait de financer les frais de fonctionnement du GIE. Ses membres prenaient en charge le suivi de la conjoncture, le paiement des fournisseurs, la répartition des produits et la facturation individuelle au prorata des volumes de chacun. Mais au fil du temps, des tensions sont apparues au sein du GIE, finalement dissous en 2014. Jean-Louis évoque des retards de paiement difficiles à gérer pour structure sans avance de trésorerie, et la difficulté de faire parfois accepter par tous le principe de la mutualisation du prix d’achat : en effet, chaque livraison n’étant pas achetée au même tarif, l’achat groupé fonctionne sur le principe de l’annualisation et de la mutualisation du prix des fournitures. « Malgré la fin du GIE, nous restions convaincus de l’intérêt économique de grouper nos achats. »

Six exploitations décident donc de poursuivre l’aventure de façon informelle, avec la société de négoce Avena(1). Les achats portent sur 30 t/mois de soja et deux semi-remorques de colza par an. « Le colza est réservé à la ration hivernale, car au pâturage, les animaux ont suffisamment d’azote soluble », souligne Jérôme Grasset, l’un des membres du groupe.

Selon le prix d’intérêt et les besoins en complémentation, les éleveurs achètent aussi de la pulpe de betterave déshydratée ou du bouchon de maïs.

Fixer son prix d’intérêt, et à long terme

Les livraisons se font en vrac, à même le sol, par camion à fond mouvant, dans un local fermé et bétonné de la Cuma. À cette occasion, chaque éleveur est présent avec sa remorque. La répartition des volumes se fait au godet, suivie de la pesée des remorques avec le pont à bascule de la coopérative qui permettra d’établir les factures individuelles. « Sur cette base, la société Avena accepte de faire des factures séparées, ce qui nous simplifie beaucoup la tâche. »

Au sein du groupe, Jean-Louis suit l’évolution des cours des aliments et gère les commandes par Internet avec la société de négoce. La décision d’acheter à plus ou moins long terme se fait en fonction d’un prix seuil défini collectivement. Ici, le prix seuil du soja est de 350 €/t. « Un prix à partir duquel il est possible de rentabiliser le coût de la ration, pour produire du lait à 330 €, précise Jean-Louis Bernard. Si les cours sont plus hauts, nous achetons au coup par coup un semi- remorque pour satisfaire nos besoins. Mais si le prix seuil est atteint, nous fixons nos achats pour six à dix-huit mois selon la tendance du marché, avec paiement à la livraison. Suivre la tendance dans la presse ou sur Internet est un réflexe à acquérir et bien sûr, nous nous appuyons sur les conseils et les alertes transmises par notre négociant. »

Un gain moyen estimé à 40 €/t livrée

Sa stratégie consiste à anticiper d’au moins six mois les besoins. Cela permet de garder un œil sur l’évolution des cours pour profiter des opportunités, mais aussi d’attendre une baisse lorsque le prix du marché est supérieur au prix seuil.

Ainsi, en mai 2017, ils ont préempté quatre camions de 30 t de soja à 350 €, livrés fin 2017 et début 2018. Profitant de la baisse du dollar, ils ont ensuite attendu le mois d’août pour fixer leurs approvisionnements au prix de 339 €/t jusqu’en octobre 2018. « Il est plus facile de prendre la décision d’acheter lorsque le prix seuil est atteint et la tendance à la hausse. Lorsqu’elle est baissière, il est tentant d’attendre le prix le plus bas. Il faut néanmoins conclure pour se prémunir contre une inversion brutale de tendance. »

« Il faut aussi travailler en confiance, ce qui est plus facile avec un groupe restreint, souligne Jérôme Grasset. Cette approche permet, en outre, d’entretenir des relations d’entraide, de nous retrouver pour discuter ration ou investissements sur le principe d’un groupe d’échange. » Les éleveurs estiment gagner en moyenne 40 €/t livrée. En contrepartie, ils ont investi dans le stockage : par exemple, Jean-Louis dispose de trois cellules à fond conique à 1 500 €. « On ne compte pas non plus le travail supplémentaire, mais il est largement rentabilisé par le gain de 40 €. »

Jérôme Pezon

(1) Avena, société de conseil en Appros. www.avena-conseils.com

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