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Eurial Pascal Le Brun : « Disposer d’une collecte suffisante va devenir un vrai enjeu »

Pascal Le Brun est président d’Eurial, la branche lait du groupe coopératif Agrial. Il est en Gaec avec son fils à Landelles-et-Coupigny, dans le Calvados.

Comme ses concurrents, Eurial, la branche lait d’Agrial, vit un changement d’époque. Elle enregistre une baisse de sa collecte de 1,7 % depuis avril et se montre prudente sur le prix du lait du quatrième trimestre. Interview de son président.

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Il y a un an, vous abordiez le prix du lait de 2023 avec optimisme. L’avez-vous conservé ?

Pascal Le Brun : À cette époque, on prévoyait le retour aux importations des Chinois. Cumulé aux hausses tarifaires négociées avec les GMS, cela laissait espérer un prix de base autour de 500 €/1 000 l en 2023. Ce retour ne se produit pas pour l’instant. En février dernier, Eurial a revu les objectifs à la baisse en visant 440 € au vu du marché. La branche lait d’Agrial a payé en moyenne 444 € au premier semestre (référence Bretagne-Pays de la Loire) et paiera 428,30 € au troisième trimestre. Ces niveaux sont au-dessus de ce que donne la formule de prix, mais, disons-le, en 2022, les 455 € moyens de prix de base étaient légèrement en dessous. Je crains que le quatrième trimestre 2023 soit plus compliqué. L’économie mondiale est au ralenti. Nous continuons malgré tout à faire « le boulot ». Nous avons obtenu 16 % de hausses tarifaires sur nos PGC France (15 % du mix-produit) l’an passé et 14 % cette année. Nous investissons de 30 M€ à 40 M€ tous les ans pour des ingrédients à valeur ajoutée : mozzarella à Luçon (Vendée), beurres à Bellevigny (Vendée), protéines sériques à Herbignac (Loire-Atlantique), etc.

Quelles sont les solutions d’Eurial face à la baisse de collecte ?

P.L.B. : Nous vivons un changement d’époque. La ressource laitière devient un vrai enjeu. Depuis avril, notre collecte est en recul de 1,7 %. Le nombre de points de collecte diminue, en particulier en Bretagne-Pays de la Loire (- 5,2 %) et au sud de la Loire (- 7,5 %). En réaction, Eurial a proposé 5 % d’allocations provisoires en 2022-2023 qu’elle a « durcis » dans la référence contractuelle des adhérents le 1er avril. Cette politique est reconduite sur 2023-2024.

Il s’agit certes d’une réponse de court terme qui consolide les références et permet d’abaisser la valeur des parts sociales vendues de gré à gré entre adhérents. Eurial est également prête à répondre aux producteurs qui souhaitent se développer davantage. Inéluctablement, la question d’accueillir de nouveaux adhérents se posera.

Selon les scénarios plus ou moins pessimistes, à l’horizon 2035, notre collecte baissera de 5 % à 25 %.

Un prix du lait élevé ne peut-il pas motiver les producteurs ?

P.L.B. : Le prix du lait ne peut pas être politique. Nous évoluons dans un marché. En revanche, à nous, coopératives, d’aller chercher des euros en plus en montrant notre différence en matière de traçabilité, de biodiversité, d’occupation du territoire, etc. C’est en tout cas ce que veut faire le groupe Agrial qui, par son activité amont, maîtrise toute la chaîne de production et transformation.

Limiter la baisse de la collecte passe aussi par notre capacité à résoudre le problème de la main-d’œuvre dans les exploitations. Depuis un an, Eurial intervient dans les collèges et lycées bretons, ligériens et du Sud-Loire pour promouvoir le travail en élevage laitier. En Normandie, elle étudie comment soutenir les services de remplacement. Nous dupliquerons ces expériences dans les différents bassins. Enfin, nous avons mis en place dans tous les bassins des formations sur le management et le recrutement en exploitation laitière.

La baisse de la collecte se traduit aussi par des producteurs plus mobiles. C’est ce qui arrive à votre filiale Eurial Ultra Frais. 120 Hauts-Normands pour 95 Ml prévoient de livrer Novandie à partir du 1er janvier 2024.

P.L.B. : Ces départs ne remettent pas en cause la pérennité de nos sites, mais vont modifier les flux de lait entre eux. C’est malgré tout un constat d’échec. La confiance ne s’est pas installée entre l’Association des producteurs laitiers normands et Eurial Ultra Frais.

La réduction de l’empreinte carbone fait aussi partie des préoccupations. Comment Eurial l’aborde-t-elle ?

P.L.B. : L’effort de réduction de l’empreinte carbone va devenir un accès au marché. Agrial l’a fixée à 35 % d’ici à 2035. Le premier objectif de la branche lait est d’y sensibiliser ses 3 300 adhérents. Pour cela, Agrial développe un outil simplifié de diagnostic à l’échelle de l’exploitation. Il est en cours de test. Pourquoi pas aussi engager une réflexion sur un système de bonus-malus afin d’encourager à aller dans ce sens ? L’autre chantier est le lancement d’une filière de veaux laitiers avec l’OP viande bovine d’Agrial qui négocie actuellement des contrats de taurillons et génisses croisées pour 2024 avec les abatteurs. Une filière éleveurs laitiers-sevreurs-engraisseurs est en cours de construction pour capter de la valeur. Le devenir des veaux laitiers fait aussi partie des préoccupations de la filière.

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