Lait’sprit d’éthique Pas d’avenir sans subventions
Initiative. Après la chute d’Entremont, quelques éleveurs ont investi ensemble pour transformer leur lait. Un parcours laborieux où le manque de rentabilité débouche sur la division.
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Tout a commencé en Bretagne en 2011. La fin d’Entremont ne laisse guère de choix à ses 4 000 livreurs. Seule la coopérative Sodiaal accepte de les reprendre. Mais une poignée d’éleveurs refuse d’adhérer. Petit à petit, l’idée de prendre en charge la collecte et la vente de leur lait émerge.
Lorsque Sodiaal suspend la collecte chez les non-adhérents le 30 juin 2012, une soixantaine d’éleveurs a acheté son propre tank. « Nous nous sommes organisés pour assurer la collecte », se souvient Hervé Le Roy, éleveur dans les Côtes-d’Armor. Le groupe crée une Sica, Lait’sprit d’éthique, dont il a pris la présidence. Au début, le lait est vendu à des négoces ou sur le marché Spot. Fin 2015, le budget d’investissement est enfin bouclé.
Les adhérents s’engagent à hauteur de 15 000 € par exploitation et 50 €/1 000 l de lait. Les banques complètent pour permettre un investissement de 5 M€ dans une usine produisant du lait UHT. La commercialisation débute en février 2017 sous la marque Laitik, sur le segment du premier prix.
Il en faudrait bien plus pour renflouer les trésoreries des exploitations, exsangues avec des prix de base de 160 à 230 €/1 000 l de lait depuis 2012. « On savait que ce serait dur, on s’était préparés », affirme l’un d’eux. Mais ces années noires laissent des traces. La Sica se déchire. Le président et son directeur, Pascal Couste, sont accusés par des éleveurs de mentir sur les résultats de l’entreprise ou sur la réalité des engagements financiers des membres. Ces « dissidents » estiment que le fiasco est inévitable. Les pertes d’exploitation se montent à 237 000 € en 2015-2016 et 150 000 € sur l’exercice précédent. « Nous voulons partir et récupérer notre mise. Mais nous ne trouvons pas d’autres collecteurs. »
En face, les responsables de la Sica les suspectent de tout faire pour annihiler les chances de réussite. « Depuis que nous avons démarré l’usine, l’activité est bénéficiaire, affirme Hervé Le Roy. Nous attendons le versement de 1,35 M€ de subventions. Elles nous permettront de régler nos dettes, et d’investir pour produire des fromages aux herbes et des desserts lactés. »
Faute de valorisation, la Sica est plombée par ses dettes
Selon lui, tout est prêt. Mais le versement de l’argent est suspendu car la Sica doit d’abord être à jour de ses paiements à tous ses fournisseurs. Elle n’en a pas les moyens. Les dirigeants veulent encore y croire et mettent en avant le lancement réussi de leur marque. Partis de rien il y a un an, et sans la moindre publicité, ils commercialisent aujourd’hui 55 % de leur lait sous la marque Laitik. Le bout du tunnel semble à portée de main. À condition de toucher ces subventions.
La préfecture et la Région auraient contacté des entreprises pour une éventuelle reprise de l’outil. Sans succès pour le moment. « Pour ce type d’activité, la rentabilité n’existe pas en dessous de 300 millions de litres », affirme l’un d’eux. On en est loin.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :